Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 août 1994 et 16 décembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Andrée X... demeurant ...université à Paris (75007) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 23 juin 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique à Paris à lui verser, d'une part, la somme de 4 millions de francs en réparation du préjudice subi par son mari contaminé par le virus de l'immuno-déficience acquise, d'autre part, la somme de 30 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) d'évoquer et de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 4 millions de francs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de Me de Nervo, avocat de Mme X... et de Me Foussard, avocat de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que pour rejeter la demande présentée par Mme X... tendant à la condamnation de l'Assistance publique à Paris à indemniser le préjudice résultant de la contamination par le virus de l'immuno-déficience humaine de son mari, M. Francis X..., la cour administrative d'appel de Paris a estimé qu'aucune faute ne pouvait être retenue à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'hôpital de l'Hôtel Dieu où a eu lieu l'intervention chirurgicale pratiquée sur M. X... n'a pas de personnalité juridique distincte de celle du centre de transfusion sanguine de l'hôpital de la Pitié Salpétrière d'où provenaient les produits sanguins injectés à M. X... ; que ces deux établissements relèvent de la même personne morale, l'Assistance publique à Paris ; qu'il en résulte que la responsabilité de l'hôpital doit être recherchée non sur le fondement des principes qui gouvernent la responsabilité des hôpitaux en tant que dispensateur de prestations médicales mais, au cas d'espèce, sur la base des règles propres à son activité de gestionnaire d'un centre de transfusion sanguine ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs de produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;
Considérant qu'en jugeant que la responsabilité de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris à l'égard de M. X... ne pouvait être engagée en l'absence de faute, la cour administrative d'appel de Paris a fait une inexacte application des règles qui régissent la responsabilité des collectivités publiques ; qu'il y a lieu d'annuler son arrêt en date du 23 juin 1994 ;
Considérant qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris ;
Article 1er : L'arrêt du 23 juin 1994 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Andrée X..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, au président de la cour administrative d'appel de Paris et au ministre de l'emploi et de la solidarité.