Vu la requête enregistrée le 15 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Faratiana Y..., demeurant ... ; Mme Y... demande au Président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 1995 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 1995 du préfet du Val-de-Marne décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de prononcer le sursis à l'exécution de cet arrêté ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par laloi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris n'a répondu ni au moyen présenté par Mme Y... et tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 26 septembre 1995 par lequel le préfet du Val-de-Marne a décidé de la reconduire à la frontière ni au moyen tiré de ce que ledit préfet aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, par suite, le jugement du 5 octobre 1995 est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Y... devant le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris ;
Considérant que, par un arrêté du 24 décembre 1993, le préfet du Val-deMarne a donné à M. Jean-Pierre X..., secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. X... n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;
Considérant que l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ..." ;
Considérant que pour décider la reconduite à la frontière de Mme Y..., le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur ce que cette dernière s'était maintenueau-delà du délai qui lui était imparti pour quitter le territoire national après que lui ait été notifiée la décision du 27 février 1995 par laquelle le préfet du Val-de-Marne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour ; que la circonstance que le préfet ait rejeté implicitement le 3 juillet 1995 le recours gracieux formé contre cette décision n'a pas eu pour objet de priver l'arrêté de reconduite à la frontière de base légale ; qu'à la suite de ce rejet implicite, Mme Y... n'a formé aucun recours contentieux ; que la décision du 27 février 1995 étant ainsi devenue définitive, l'exception d'illégalité soulevée par Mme Y... n'est pas recevable ;
Considérant que si Mme Y..., de nationalité malgache, fait valoir qu'elle a deux enfants scolarisés en France, cette circonstance ne suffit pas pour permettre de considérer que l'arrêté attaqué, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée du séjour de Mme Y..., entrée en France en 1991 à l'âge de trente-quatre ans et de ce qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son époux réside en France porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale ;
Considérant enfin qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que Mme Y... ait été hors d'état de supporter un voyage sans danger ; que la circonstance qu'elle ait entrepris des études et ait connu de 1991 à 1993 des difficultés d'ordre matériel ne suffit pas davantage à établir que le préfet du Val-de-Marne ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences que peut comporter l'arrêté attaqué sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation et au sursis à l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à Mme Y... la somme qu'elle demande au titre des frais irrépétibles ;
Article 1er : Le jugement du 5 octobre 1995 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de Mme Y... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Faratiana Y..., au préfet du Valde-Marne et au ministre de l'intérieur.