Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Joël Marie Y...
X..., demeurant ... ; M. X... demande au Président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 mars 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 20 février 1996 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) de condamner le préfet du Val-de-Marne aux dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, rendues applicables au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière par l'article R. 241-15 du même code, les jugements doivent contenir les noms et conclusions des parties, les visas des pièces et des dispositions législatives et réglementaires dont ils font application ; que le jugement attaqué contient la mention des conclusions présentées par M. X..., ainsi que, dans ses motifs, l'analyse des moyens soulevés par l'intéressé et notamment celui tiré de l'atteinte portée à sa vie familiale ; que ce jugement, qui vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comporte les visas de textes exigés par les dispositions réglementaires susrappelées et que la seule circonstance qu'il ne mentionne pas expressément l'article 8 de ladite convention ne l'entache pas d'irrégularité ;
Considérant qu'en application de l'article R. 241-16 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, seule la minute du jugement doit être signée par le magistrat qui l'a rendu ; que l'expédition du jugement attaqué adressée à M. X... est régulièrement revêtue de la seule signature du greffier du tribunal administratif conformément aux articles R. 209 et R. 210 du code ; que le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier faute de porter la signature du magistrat qui a statué, ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant que le jugement attaqué, qui rejette la demande d'annulation de M. X..., n'implique, en tout état de cause, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le magistrat aurait omis de statuer sur ce point ;
Considérant que M. X... ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne sont pas applicables au jugement des recours dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ..." ; qu'il ressort des pièces du dossierque M. X... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 18 décembre 1995, de la décision du 12 décembre 1995 du préfet du Val-de-Marne, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas visé au 3° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que les dispositions de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne subordonnent pas l'intervention d'une mesure de reconduite à la frontière à une condition d'urgence ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement prise à son encontre serait, faute d'urgence, entachée d'illégalité ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7-5° du décret du 30 juin 1946 modifié, la carte de séjour en qualité d'étudiant est délivrée à l'étranger qui présente à l'appui de sa demande : " ... La justification de moyens suffisants d'existence et un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement d'enseignement ou de formation professionnelle public ou privé fonctionnant dans des conditions conformes aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... n'était inscrit dans aucun établissement scolaire lorsqu'il a demandé le 16 octobre 1995 le renouvellement de son titre de séjour ; qu'ainsi, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, pour refuser à M. X... la carte de séjour qu'il demandait, que l'intéressé ne poursuivait pas des études dans les conditions prévues à l'article 7-5° précité du décret du 30 juin 1946 ; qu'ainsi, M. X... n'est pas fondé à se prévaloir à l'encontre de l'arrêté de reconduite contesté d'une prétendue illégalité de la décision du 12 décembre 1995 lui refusant un titre de séjour ;
Considérant que M. X... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 23 juillet 1991, laquelle est dépourvue de valeur réglementaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que si M. X... a fait valoir qu'il vivait en concubinage et que l'un de ses oncles s'était vu reconnaître la qualité de réfugié en France, il n'a fourni ni précision, ni justification à l'appui de ses allégations ; qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. X..., qui ne soutient pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 20 février 1996 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. X... ;
Considérant, enfin, que si M. X... invoque les risques auxquels l'exposerait un retour dans son pays d'origine, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucun élément et aucune précision de nature à établir la réalité de ces risques ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 février 1996 par lequel le préfet du Val-de-Marne a décidé sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joël Marie Y...
X..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur.