Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 décembre 1995, l'ordonnance en date du 21 décembre 1995 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy transmet au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier dont cette juridiction a été saisie par le préfet de la HauteSaône ;
Vu la requête présentée le 21 novembre 1995 à la cour administrative d'appel de Nancy, ladite requête enregistrée sous le n° 95NC01885 ; le préfet de la Haute-Saône demande ;
- l'annulation du jugement en date du 20 octobre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 18 octobre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
- le rejet de la demande présentée par Mme X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi du 2 août 1989 et la loi du 10 janvier 1990 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... est entrée en France sous couvert d'un visa d'une durée d'un mois dont la validité expirait le 30 novembre 1993 et qu'elle s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; que, par suite, l'intéressée entrait dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que Mme Y..., ressortissante algérienne, a épousé le 9 septembre 1995 M. X..., qui est de nationalité française ; qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circontances de l'espèce, et malgré la faible durée du mariage à la date d'intervention de l'arrêté du 18 octobre 1995 prononçant sa reconduite à la frontière, cet arrêté porte au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but dans lequel il a été pris et méconnaît ainsi les dispositions précitées de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTESAONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 18 octobre1995 prononçant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-SAONE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-SAONE, à Mme Hassina Y... épouse X... et au ministre de l'intérieur.