Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 11 janvier et 4 mai 1993, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, présentés pour la société Kingroup Inc., dont le siège social est au Canada, Box 1088, Chatham (Ontario N7 M5 L6) ; la société Kingroup Inc. demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 novembre 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 13 mars 1990 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujettie au titre des années 1980 à 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la convention tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale, conclue entre le Canada et la France, le 2 mai 1975, publiée au Journal officiel de la République Française le 10 octobre 1976, ensemble le décret n° 76-917 du 24 septembre 1976 qui a prescrit cette publication et la loi n° 76-532 du 19 juin 1976 qui avait autorisé l'approbation de cette convention ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bonnot, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la société Kingroup Inc.,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que le moyen tiré de ce que, contrairement aux prescriptions de l'article R. 200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris ne viserait, ni n'analyserait les différents mémoires produits par les parties à l'instance, manque en fait ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt :
En ce qui concerne le principe de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 239 quater du code général des impôts : "I. Les groupements d'intérêt économique constitués et fonctionnant dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 n'entrent pas dans le champ d'application du 1 de l'article 206, mais chacun de leurs membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l'impôt sur le revenu, soit de l'impôt sur les sociétés s'il s'agit de personnes morales relevant de cet impôt ..." ; que les groupements d'intérêt économique (GIE), qui, en vertu de l'ordonnance du 23 septembre 1967, ont une personnalité distincte de celle de leurs membres, exercent, conformément à leur objet et dans les limites fixées par leurs statuts, une activité qui leur est propre ; que, dans la mesure où les actes correspondant à cette activité sont effectués en France, les bénéfices en découlant sont imposables en France entre les mains des membres du groupement, à proportion, pour chacun, des droits qu'il détient dans ce dernier, y compris de ceux qui résident hors de France, sauf stipulation contraire d'une convention internationale relative aux doubles impositions ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le groupement d'intérêt économique "France-Canada Semences", dont la société de droit canadien Kingroup Inc., qui a son siège à Chatham (Ontario), possède 33 % des parts, exerce exclusivement son activité en France ; que les stipulations de l'article 7 de la convention, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu et la fortune, conclue entre le Canada et la France le 2 mai 1975, qui ont pour effet d'attribuer au Canada l'imposition des bénéfices d'une entreprise de ce pays qui ne dispose pas en France d'un établissement stable, au sens de l'article 5 de la même convention, ne visent que les bénéfices réalisés en propre par une telle entreprise et sont donc sans application dans le cas où cette dernière perçoit, en qualité de membre d'un groupement d'intérêt économique, une part des bénéfices que celui-ci tire d'une activité exercée en France ; que ces bénéfices n'ont, pour les membres du groupement entre lesquels ils sont répartis, ni le caractère de dividendes, au sens de l'article 10 de la convention, qui ne vise que les "revenus d'actions, actions ou bons de jouissance parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires" ainsi que les revenus assimilés aux revenus d'actions par la législation française, au nombre desquels ne figurent pas les bénéfices d'un groupement d'intérêt économique, ni celui de redevances, au sens de l'article 12 de la convention, alors même que les bénéfices réalisés par le groupement proviendraient de la perception par ce dernier de telles rémunérations ; qu'ainsi, en jugeant que la société Kingroup Inc., qui a été assujettie à l'impôt sur les sociétés, en application des dispositions précitées de l'article 239 quater du code général des impôts, à raison de la part lui revenant des bénéfices réalisés en France par le groupement d'intérêt économique "France-Canada Semences" au titre des exercices clos de 1980 à 1986, ne pouvait, pour contester le bien-fondé de cette imposition, se prévaloir utilement des stipulations des articles précités de la convention francocanadienne du 2 mai 1975, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas méconnu la portée de ces dernières ; que, dès lors et sans préjudice de l'application qui pourrait lui être faite, par les autorités canadiennes, du 1.a) de l'article 23 de cette convention, selon lequel l'impôt français dû conformément à la législation française et à la convention à raison de bénéfices provenant de France est, en principe, déduit de tout impôt canadien frappant les mêmes bénéfices, la société Kingroup Inc. n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en ce qu'il confirme le bien-fondé du principe de son imposition en France comme membre du groupement d'intérêt économique "France-Canada Semences" ;
En ce qui concerne les intérêts de retard :
Considérant que les intérêts de retard prévus par le premier alinéa de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une sanction ; que, par suite, la cour administrative d'appel, après avoir relevé à juste titre que la société Kingroup Inc. ne remplissait pas les conditions exigées par le second alinéa du même article 1728 pour bénéficier d'une dispense d'intérêts de retard, n'a commis aucune erreur de droit en refusant de la décharger de ces intérêts, au motif qu'elle ne pouvait utilement se prévaloir de sa bonne foi pour les contester ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société Kingroup Inc. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société Kingroup Inc. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Kingroup Inc. et au ministre de l'économie et des finances.