Vu l'ordonnance en date du 20 janvier 1995, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 27 janvier 1995, par laquelle le Président du tribunal administratif d'Orléans a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. et Mme X... demeurant ..., appartement 16 à Vierzon 18100 ;
Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lyon le 14 décembre 1994, présentée pour M. et Mme X... et tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le consul général de France à Ankara a rejeté la demande de visa d'entrée en France de M. Mehmet X... et au sursis à exécution de ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953 modifié, notamment par le décret n° 72-143 du 22 février 1972 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Vincent, avocat des époux Mehmet X...,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui" ;
Considérant que le ministre des affaires étrangères soutient que pour refuser à M. X..., ressortissant turc, le visa d'entrée sur le territoire français que celui-ci avait demandé le 5 avril 1993 pour rejoindre son épouse, Mme Y..., de nationalité française, avec laquelle il s'était marié le 11 janvier 1993 après plusieurs années de vie commune, et dont il a avait eu un enfant, le consul de France à Ankara s'est fondé sur le fait que ce mariage n'avait été contracté que pour permettre à M. X... de rentrer et de séjourner régulièrement en France, où ses précédentes demandes de séjour avaient été refusées ; que le ministre n'établit cependant pas de manière certaine le caractère frauduleux de ce mariage ; que dès lors, et en l'absence de toute allégation sur la menace que la présence de M. X... sur le territoire français pouvait faire peser sur l'ordre public, le refus du consul de France a porté au droit de M. X... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus lui a été opposé et a, par suite, méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention précitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La décision du consul de France à Ankara refusant à M. X... un visa d'entrée en France à la suite de sa demande du 5 juillet 1994 est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X... et au ministre des affaires étrangères.