Vu la requête, enregistrée le 4 avril 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Changez la Une, dont le siège est 8 villa des Boërs à Paris (75019) et Mme Elisabeth X..., demeurant ... ; l'association Changez la Une et Mme X... demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 26 mars 1996 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a décidé de reconduire hors appel aux candidatures l'autorisation délivrée à la société TF1 le 4 avril 1987 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de l'association Changez la Une et de Mme Elisabeth X... et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocatdu Syndicat national des journalistes,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1994 : "La durée de l'autorisation initiale ne peut excéder dix ans pour les services de télévision et cinq pour les services de radio-diffusion sonore, diffusés par voie hertzienne terrestre. Cette autorisation est reconduite par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, hors appel aux candidatures, dans la limite de deux fois et chaque fois pour une durée de cinq ans, sauf : 1°/ si l'Etat a modifié la destination de la ou des fréquences considérées en application de l'article 21 ; 2°/ si le Conseil supérieur de l'audiovisuel estime que la ou les sanctions dont le titulaire de l'autorisation a fait l'objet ou que la ou les astreintes liquidées à son encontre justifient, en raison de la gravité des agissements qui les ont motivées, que cette autorisation ne soit pas reconduite hors appel aux candidatures, 3°/ si le Conseil supérieur de l'audiovisuel estime que la reconduction de l'autorisation hors appel aux candidatures porte atteinte à l'impératif de pluralisme sur le plan national ou sur le plan régional et local. Un an avant l'expiration de l'autorisation pour les services de télévision et de radiodiffusion sonore, le Conseil supérieur de l'audiovisuel statue sur la possibilité de reconduction hors appel aux candidatures (...)" ;
Considérant que par un communiqué du 26 mars 1996, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a fait savoir que "lors de sa séance plénière du même jour le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait constaté la possibilité de reconduire hors appel aux candidatures l'autorisation d'émettre accordée à la société TF1 par décision de la commission nationale de la communication et des libertés en date du 4 avril 1987" ;
Sur l'intervention du syndicat national des journalistes :
Considérant que le syndicat national des journalistes a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant, que contrairement à ce que soutiennent les requérants, le Conseil supérieur de l'audiovisuel pouvait légalement se prononcer dès le 26 mars 1996 sur la possibilité de reconduction hors appel aux candidatures de l'autorisation d'émettre accordée à TF1 délivrée le 4 avril 1987 et qui expirait le 16 avril 1997, les dispositions précitées de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée lui imposant de se prononcer sur une telle possibilité un an avant l'expiration de l'autorisation ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait été prise sans débat entre les membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel et sans examen préalable de la situation de la société TF1 au regard des critères fixés par l'article 28-1 précité de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'entendre le bénéficiaire de l'autorisation avant de se prononcer sur la possibilité de reconduction de celle-ci ;
Considérant que si l'article 32 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée dispose que : "Les refus d'autorisations sont motivés et sont notifiés aux candidats dans un délai d'un mois après la publication prévue à l'alinéa précédent", la décision attaquée qui constate la possibilité de reconduction de l'autorisation sans faire appel aux candidatures n'est pas une décision de refus et n'est pas au nombre des décisions individuelles défavorables dont la motivation est obligatoire en application de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d'une irrégularité de la procédure suivie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et d'un défaut de motivation de la décision attaquée doivent être écartés ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas considéré que le renouvellement de l'autorisation de TF1 devait être automatique et qu'il a examiné si l'activité passée de la société TF1 faisait obstacle, au regard des critères posés par la loi, à une possibilité de reconduction de son autorisation sans retenir, pour fonder sa décision, d'autres critères, non prévus par la loi et relatifs, notamment, à la situation générale des opérateurs dans le domaine de l'audiovisuel ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 28-1 précité de la loi du 30 septembre 1986 modifiée "Cette autorisation est reconduite ... hors appel aux candidatures ... sauf ... 2°/ Si le Conseil supérieur de l'audiovisuel estime que la ou les sanctions dont le titulaire de l'autorisation a fait l'objet ou que la ou les astreintes liquidées à son encontre justifient, en raison de la gravité des agissements qui les ont motivées, que cette autorisation ne soit pas reconduite hors appel aux candidatures" ; qu'en décidant que les sanctions ainsi visées recouvraient uniquement celles qui avaient été prononcées par lui en application des dispositions de la loi du 30 septembre 1986 modifiée à l'encontre de la société TF1, personne morale, en sa qualité de bénéficiaire de l'autorisation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas fait une application erronée des dispositions de l'article 28-1 précité ;
Considérant, enfin, qu'en estimant que les différentes sanctions ou astreintes infligées à la société TF1 entre 1987 et 1996 ne concernaient pas des agissements d'une gravité telle qu'elle était de nature à faire obstacle au renouvellement hors appel aux candidatures de l'autorisation d'émettre de la société TF1, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas fait une inexacte application de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la reconduction de l'autorisation de TF1 hors appel aux candidatures porte atteinte à l'impératif de pluralisme sur le plan national ou sur le plan régional et local ;
Considérant que le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel aurait méconnu l'égalité de traitement entre TF1 et M6, dont l'autorisation d'émettre a également fait l'objet d'une possibilité de reconduction hors appel aux candidatures, est dépourvu de précisions permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association Changez la Une et Mme X... ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision du 26 mars 1996 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a décidé de reconduire hors appel aux candidatures l'autorisation délivrée à la société TF1 le 4 avril 1987 ;
Article 1er : L'intervention du syndicat national des journalistes est admise.
Article 2 : La requête de l'association Changez la Une et de Mme X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Changez la Une, à Mme Elisabeth X..., à la société TF1, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au Premier ministre.