Vu la requête, enregistrée le 15 juin 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la ville de Marseille, représentée par son maire en exercice habilité par une délibération du conseil municipal du 24 mars 1989 ; la ville de Marseille demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 mars 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 14 mars 1991 de son maire prononçant la révocation de Mme Andrée X... pour abandon de poste ;
2°) de rejeter la demande de Mme X... ;
3°) de condamner Mme X... à lui verser la somme de dix mille francs au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Auditeur,
- les observations de Me Guinard, avocat de la ville de Marseille et de Me Choucroy, avocat de Mme Andrée X...,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 139 et R. 140 du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience ..." ; et qu'en vertu des dispositions des articles R. 139 et 140 du même code les notifications des avis d'audience sont obligatoirement effectuées au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception ou, en cas de notification dans la forme administrative, avec récépissé ou procès-verbal de la notification par l'agent qui l'a faite ;
Considérant que si l'avis informant l'avocat de la ville de Marseille de la date de l'audience a été envoyé par lettre recommandée le 28 janvier 1992, il n'a été reçu par son destinataire que postérieurement à l'audience qui s'est tenue le 25 février 1992 ; que s'il est constant qu'à la date de l'envoi, des troubles graves affectaient depuis le 20 janvier la distribution postale dans la ville de Marseille en raison d'un mouvement de grève, il ne ressort pas des pièces du dossier que la ville ou son avocat aient été avertis de la date de l'audience par d'autres moyens que l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que, dans ces conditions, la ville de Marseille est fondée à soutenir que les prescriptions de l'article R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ont été méconnues et que le jugement doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de Mme X... :
Considérant que, par une lettre en date du 14 mars 1991, le maire de Marseille a fait connaître à Mme Andrée X..., choriste à l'opéra de la ville, que, "considérée comme démissionnaire d'office", à la suite d'une absence irrégulière, elle faisait l'objet d'une mesure de révocation pour abandon de poste ;
Considérant, toutefois, qu'une telle mesure ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent a préalablement été mis en demeure de rejoindre son poste à une date fixée par la mise en demeure ; que si Mme X... a été sommée par une lettre du 6 février 1991 de la ville de Marseille de "fournir toutes explications utiles", demande à laquelle l'intéressée a répondu le même jour, cette lettre ne saurait être regardée comme la mise en demeure requise avant que puisse être prononcée une révocation pour abandon de poste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que le maire de Marseille a décidé sa révocation pour abandon de poste et que cette décision doit être annulée ;
Sur les conclusions de la ville de Marseille tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que la ville de Marseille succombant dans la présente instance, les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 1992 ensemble la décision du 14 mars 1991 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la ville de Marseille est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ville de Marseille, à Mme Andrée X... et au ministre de l'intérieur.