La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/1996 | FRANCE | N°156589

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 05 juin 1996, 156589


Vu la requête, enregistrée le 28 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 27 janvier 1994 décidant la reconduite à la frontière de M. Jacques Y...
Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Kingue Y... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces d

u dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et d...

Vu la requête, enregistrée le 28 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 27 janvier 1994 décidant la reconduite à la frontière de M. Jacques Y...
Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Kingue Y... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Kingue Y..., de nationalité camerounaise, est entré en France en 1987 sous-couvert d'un passeport revêtu d'un visa d'une durée de trois mois ; que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; que, si M. Kingue Y... soutient qu'il a sollicité et obtenu un titre de séjour temporaire en qualité d'étudiant qui expirait à la fin de l'année 1990 et qu'il a effectué les démarches nécessaires à son renouvellement, l'intéressé n'apporte aucune justification à l'appui de ses allégations ; qu'ainsi, il se trouvait dans le cas où, en application de l'article 22-I-2° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que si, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement prise à son encontre le 27 janvier 1994, M. Kingue Y... a fait valoir qu'il n'avait plus de famille au Cameroun et que depuis son arrivée en France, il vivait de manière constante avec sa mère qui est titulaire d'une carte de résident et qui exploite un restaurant à Paris dans lequel il travaille, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. Kingue Y... qui, à la date de l'arrêté contesté, était célibataire sans enfant et avait vécu au Cameroun jusqu'à l'âge de 23 ans, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre ait porté à sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que ledit arrêté n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. Kingue Y... au motif que cette mesure comportait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation familiale de l'intéressé ;
Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens présentés par M. Kingue Y... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. Kingue Y..., l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière a été signé non par M. X..., mais par M. Hervé Z..., secrétaire général de la préfecture du Val-d'Oise, qui était compétent en vertu de la délégation de signature qui lui a été accordée par arrêté du 7 décembre 1992, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département ; que la circonstance que M. X..., agent de police judiciaire, ait signé le formulaire de notification de cet arrêté est sans incidence sur sa légalité ;

Considérant que si les dispositions de l'article 25-3° de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945 interdisent de reconduire à la frontière "l'étranger qui justifie, par tous moyens, résider en France depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ...", il est constant que M. Kingue Y... ne remplissait aucune de ces conditions ; que l'intéressé n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'arrêté attaquéméconnaîtrait les dispositions susmentionnées ;
Considérant que l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne subordonne pas l'intervention des décisions de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière à une condition d'urgence ; que M. Kingue Y... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement prise à son encontre le 27 janvier 1994, qui n'est pas une mesure d'expulsion prise au titre de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, serait, faute d'urgence, entachée d'illégalité ;
Considérant, enfin, que la circonstance que M. Kingue Y... dispose d'un emploi salarié et n'ait jamais troublé ni menacé l'ordre public est sans incidence sur la légalité dudit arrêté ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision complémentaire fixant le pays de renvoi :
Considérant que si, à la suite d'une erreur matérielle, la décision complémentaire en date du 27 janvier 1994 fixant le pays à destination duquel la mesure d'éloignement sera exécutée, indique que M. Kingue Y... sera éloigné à destination du Sénégal, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de cette décision qui mentionne par ailleurs que l'intéressé, qui est de nationalité camerounaise, sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Kingue Y... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté et de la décision complémentaire du 27 janvier 1994 par lesquels le PREFET DU VAL-D'OISE a décidé que l'intéressé serait reconduit à la frontière et éloigné à destination du Cameroun ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles, en date du 31 janvier 1994, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Kingue Y... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à M. Jacques Y...
Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 156589
Date de la décision : 05/06/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 25, art. 26


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 1996, n° 156589
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M CHERAMY
Rapporteur public ?: M. Delarue

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:156589.19960605
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award