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20/05/1996 | FRANCE | N°170398

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 20 mai 1996, 170398


Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 juin 1995, le recours présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 13 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Lille a d'une part annulé la décision du recteur de l'académie de Lille en date du 23 janvier 1995 prononçant l'exclusion définitive de Mlle Hanane X... du collège Arthur Rimbaud de Villeneuve d'Ascq et d'autre part ordonné la réintégration de l'intéressée audit collège ;
2°) de prononcer le sursis à exécution d

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Déclaration des ...

Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 juin 1995, le recours présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 13 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Lille a d'une part annulé la décision du recteur de l'académie de Lille en date du 23 janvier 1995 prononçant l'exclusion définitive de Mlle Hanane X... du collège Arthur Rimbaud de Villeneuve d'Ascq et d'autre part ordonné la réintégration de l'intéressée audit collège ;
2°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Girardot, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" ; qu'aux termes de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances" ; qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1989 susvisée : "Dans les collèges et les lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités d'enseignement " ;
Considérant que le principe de la laïcité de l'enseignement public qui résulte notamment des dispositions précitées et qui est un élèment de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect, d'une part, de cette neutralité par les programmes et par les enseignants et, d'autre part, de la liberté de conscience des élèves ; qu'il interdit, conformément aux principes rappelés par les mêmes textes et les engagements internationaux de la France, toute discrimination dans l'accès à l'enseignement qui serait fondée sur les convictions ou croyances religieuses des élèves ; que la liberté ainsi reconnue aux élèves comporte pour eux le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité ; que, dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas, par lui-même, incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses, mais que cette liberté ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignements, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public ;
Considérant que le foulard par lequel Mlle Hanane X... entendait exprimer ses convictions religieuses ne saurait être regardé comme un signe présentant par nature uncaractère ostentatoire ou revendicatif ou constituant, par son seul port, un acte de prosélytisme ou de pression ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles Mlle Hanane X... portait ce foulard auraient causé des troubles à l'ordre public au sein de l'établissement ; qu'il n'est pas davantage établi que le comportement de l'intéressée, qui s'est vu refuser l'accès à tout enseignement le jour où elle est rentrée au collège à la suite d'une longue hospitalisation, aurait constitué un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande de nature à justifier son exclusion ;
Considérant que si Mlle X... a évoqué devant la commission académique l'éventualité d'un refus d'ôter son foulard pendant les cours d'éducation physique si ces cours, contrairement à la pratique suivie au collège Arthur Rimbaud étaient mixtes, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait effectivement refusé d'ôter son foulard à l'occasion d'un cours d'éducation physique ;
Considérant enfin qu'aucun des moyens ci-dessus examinés n'étant de nature à établir le bien-fondé des motifs de la décision du recteur de l'académie de Lille, les autres moyens du recours, qui tendent en réalité à substituer de nouveaux motifs à la décision annulée par le tribunal administratif ne sauraient être utilement invoqués à l'appui du recours dirigé contre le jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 23 janvier 1995 par laquelle le recteur de l'académie de Lille a confirmé l'exclusion de Mlle X... du collège Arthur Rimbaud de Villeneuve d'Ascq et a ordonné la réintégration de cette jeune fille au sein dudit collège ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à Mlle Hanane X....


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 170398
Date de la décision : 20/05/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

30-01-03 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS GENERALES - QUESTIONS GENERALES CONCERNANT LES ELEVES.


Références :

Constitution du 04 octobre 1958 art. 2
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789
Loi 89-486 du 10 juillet 1989 art. 10


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 1996, n° 170398
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Girardot
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:170398.19960520
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