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10/05/1996 | FRANCE | N°140026

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 10 mai 1996, 140026


Vu la requête, enregistrée le 3 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SCI "LE RAYON VERT", dont le siège est ... de la Réunion (97400) ; la SCI "LE RAYON VERT" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 508/91 du 3 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, sur la demande de Mme X... et autres, annulé l'arrêté du 22 août 1991 du maire de Saint-Paul (Réunion) lui accordant le permis de construire un complexe hôtelier au lieu-dit "La Saline les Bains" ;
2°) de rejeter la demande pré

sentée par Mme X... et autres devant le tribunal administratif de Saint-...

Vu la requête, enregistrée le 3 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SCI "LE RAYON VERT", dont le siège est ... de la Réunion (97400) ; la SCI "LE RAYON VERT" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 508/91 du 3 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, sur la demande de Mme X... et autres, annulé l'arrêté du 22 août 1991 du maire de Saint-Paul (Réunion) lui accordant le permis de construire un complexe hôtelier au lieu-dit "La Saline les Bains" ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... et autres devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 13 janvier 1922 ;
Vu les décrets du 27 août 1957 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-22-2° du code de l'urbanisme : "Le coefficient d'occupation du sol s'applique à la superficie du terrain qui fait l'objet de la demande d'autorisation de construire ... Les emplacements réservés visés à l'article R. 123-18-II-3° sont déduits de la superficie prise en compte pour le calcul des possibilités de construction. Toutefois, le propriétaire d'un terrain dont une partie est comprise dans un de ces emplacements et qui accepte de céder gratuitement cette partie à la collectivité bénéficiaire de la réserve, peut être autorisé à reporter sur la partie restante de son terrain un droit de construire correspondant à tout ou partie du coefficient d'occupation du sol affectant la superficie du terrain qu'il cède gratuitement à la collectivité. Cette autorisation est instruite et, le cas échéant accordée, comme en matière de dérogations" ;
Considérant que, pour annuler le permis de construire accordé le 22 août 1991 par le maire de Saint-Paul (Réunion) à la SCI "LE RAYON VERT" en vue de la construction d'un complexe hôtelier au lieu-dit "La Saline les Bains", le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion s'est fondé sur ce que, à la date de délivrance de ce permis, l'autorisation nécessaire à l'inclusion de la parcelle 308, classée par le plan d'occupation des sols comme emplacement réservé, dans la superficie totale des terrains permettant d'appliquer le coefficient d'occupation des sols, n'avait pas été donnée ; qu'il ne ressort toutefois pas des dispositions de l'article R. 123-22-2, alinéa 3, du code de l'urbanisme que la faculté offerte à l'autorité compétente d'accepter, dans les cas qu'elles prévoient, le report du droit de construire en contrepartie d'une cession gratuite de terrain doive nécessairement s'exercer indépendamment de la procédure d'instruction du permis de construire et sous la forme d'une autorisation distincte de celui-ci ; qu'ainsi, en estimant, lors de la procédure d'instruction du permis de construire contesté, qu'il y avait lieu, en contrepartie de la cession gratuite de la parcelle 638, de tenir compte de celle-ci dans la superficie totale servant au calcul du coefficient d'occupation des sols, le maire de Saint-Paul n'a pas méconnu la procédure édictée par l'article R. 123-22-2, alinéa 3, du code de l'urbanisme ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur un motif tiré de la violation de cette disposition pour annuler la décision attaquée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... et autres devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;

Considérant, en premier lieu, que si les parcelles devant servir d'assiette à la construction projetée faisaient partie de la réserve domaniale dite des anciens "pas géométriques", elles ont, en application du décret du 13 janvier 1922, qui autorisait à la Réunion la délivrance des titres de propriété privée, été vendues par l'Etat, suivant la procédure d'adjudication, le 22 septembre 1936 ; qu'aucun texte ultérieur n'est venu remettre en cause les titres ainsi cédés ; que le décret du 30 juin 1955, qui a transféré la zone des "cinquante pas géométriques" dans le domaine privé de l'Etat, a expressément réservé, dans le département de la Réunion, les titres de propriété antérieurement délivrés ; que l'article L. 88 ajouté au code des domaines par la loi du3 janvier 1986 a aussi expressément réservé les droits des tiers résultant d'éventuelles prescriptions acquisitives ; que la fermeture de l'ancien chemin de fer de la Réunion et le déclassement de son emprise sur la parcelle EW 231 par deux décrets du 27 août 1957 ont entraîné l'extinction de la servitude de passage instituée au profit de la voie ferrée par l'article 8 du décret précité du 13 janvier 1922 ; que, dès lors, Mme X... et autres ne sont pas fondés à soutenir que les parcelles à construire feraient toujours partie du domaine public et seraient encore grevées d'une servitude de passage au profit de l'ancien chemin de fer ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article UC 12 du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Paul : "Afin d'assurer, en dehors des voies publiques, le stationnement des véhicules ... correspondant aux besoins des constructions et installations, il est exigé : ... 3) établissements commerciaux :
... b) hôtels et restaurants : une place de stationnement pour deux chambres, une place de stationnement pour 10 m2 de salle de restaurant. La plus contraignante de ces deux normes sera seule appliquée au cas d'hôtel-restaurant" ;
Considérant que le projet de complexe hôtelier présenté par la SCI "LE RAYON VERT" comporte la création de 41 chambres et de diverses salles de restaurant impliquant respectivement la création de 21 et de 18 places de stationnement ; que les dispositions précitées, qui prévoient l'application de la plus contraignante des deux normes qu'elles édictent, exigent la création d'un minimum de 21 places de stationnement ; que le projet présenté à l'appui de la demande de permis de construire prévoit la création de 27 places ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance du nombre de places de stationnement, manque en fait ;
Considérant, en troisième lieu, que selon l'article UC 7 du plan d'occupation des sols : "Lorsque les constructions ne jouxtent pas les limites séparatives, la distance comptée horizontalement de tout point d'une construction au point le plus bas et le plus proche de la limite séparative doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points sans pouvoir être inférieure à quatre mètres" ; que le bâtiment faisant l'objet du litige étant implanté à quatre mètres de la limite séparative, il respecte tant le prospect résultant de la différence d'altitude que la distance minimum fixée par les dispositions précitées de l'article UC 7 ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'article UC 10 du plan d'occupation des sols, selon lequel la pente générale des toitures doit être comprise entre 15° et 30° au plus, s'applique aux seules toitures, compte non tenu des éléments décoratifs ;
Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le schéma d'aménagement de la Réunion prévu par la loi du 2 août 1884 est inopérant, en l'absence d'approbation de ce schéma à la date de la décision attaquée ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le complexe hôtelier, qui dispose d'un premier accès à la voie publique par la rue du Lagon, bénéficie, en outre, en vertu de l'autorisation donnée par lettre du 25 juillet 1991, visée par le permis de construire, du président de l'Association syndicale du lotissement Gayot dûment habilité par celle-ci, d'un accès d'une largeur de 3,50 mètres au travers de terrains appartenant à cette copropriété, sur la rue Lacaussade ; qu'ainsi, le bâtiment projeté satisfaisait à la condition posée par l'article UC 10 du plan d'occupation des sols de disposer d'un accès d'au moins 3,50 mètres de large ;
Considérant, en septième lieu, que Mme X... et autres, qui soutiennent quel'autorisation de créer un hôtel dans une zone résidentielle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, se bornent à indiquer qu'elle entraînerait, en méconnaissance de l'article R. 111-1-3 du code de l'urbanisme, un risque de nuisance sonore, et, en méconnaissance de l'article R. 111-2 du même code, un surcroît de circulation dans le quartier ; qu'il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que les installations liées à la climatisation de l'hôtel qui ont reçu les autorisations nécessaires soient de nature à porter atteinte à la tranquillité des lieux avoisinants, ni que le nouvel hôtel, qui est situé dans une zone urbanisée et à proximité d'équipements de même nature, soit, compte tenu de son importance et de ses accès, de nature à compromettre la circulation dans le quartier de la Saline ; que, dès lors, les moyens tirés de la violation des articles R. 111-3-1 et R. 111-2 du code de l'urbanisme manquent en fait ;
Considérant, en huitième lieu, que le moyen tiré de l'abattage, sans autorisation, d'arbres existant sur le terrain d'assiette du projet, manque aussi en fait ;
Considérant, enfin, que le terrain d'assiette du projet n'est pas au nombre de ceux pour lesquels l'article UC 1 du plan d'occupation des sols a rendu obligatoire la délivrance d'un permis de démolir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI "LE RAYON VERT" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé l'arrêté du maire de Saint-Paul du 22 août 1991 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 3 juin 1992 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... et autres devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCI "LE RAYON VERT", à Mme X... et autres, à la commune de Saint-Paul et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE.


Références :

Code de l'urbanisme R123-22, R123-22-2, L88, R111-1-3, R111-2, R111-3-1
Décret du 13 janvier 1922 art. 8
Décret du 27 août 1957
Décret 55-885 du 30 juin 1955
Loi du 02 août 1884


Publications
Proposition de citation: CE, 10 mai. 1996, n° 140026
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bardou
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Formation : 9 / 8 ssr
Date de la décision : 10/05/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 140026
Numéro NOR : CETATEXT000007919475 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-05-10;140026 ?
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