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20/03/1996 | FRANCE | N°164070

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 20 mars 1996, 164070


Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.A. L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, dont le siège social est ..., représentée par le président en exercice de son conseil d'administration ; la S.A. L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 22 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 13 juillet 1993 et du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 30 novembre 1993, l'autorisant

licencier, pour motif économique, M. X... ;
2°) rejette la de...

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.A. L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, dont le siège social est ..., représentée par le président en exercice de son conseil d'administration ; la S.A. L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 22 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 13 juillet 1993 et du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 30 novembre 1993, l'autorisant à licencier, pour motif économique, M. X... ;
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
3°) ordonne le sursis à exécution du jugement attaqué ;
4°) condamne M. X... à lui payer une somme de 10 000 F, au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.611-4 du code du travail : "Dans les établissements soumis au contrôle technique des ministères chargés des travaux publics, des transports ou du tourisme, les attributions des inspecteurs du travail et de la main d'oeuvre sont confiées aux fonctionnaires de ce département ..." ;
Considérant que, pour annuler les décisions du 13 juillet 1993 de l'inspecteur du travail et du 30 novembre 1993 du ministre du travail, autorisant la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE à licencier M. X..., employé en qualité de chef de chantier et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le tribunal administratif a estimé que seul le directeur régional de l'industrie et de la recherche était compétent, en application de l'article L. 611-4 précité, pour accorder une telle autorisation ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ait été affecté à des chantiers situés à l'intérieur d'entreprises de production, de transport et de distribution d'énergie électrique, soumises au contrôle technique du ministre chargé de l'industrie ; que, par suite, l'inspecteur du travail de Villeurbanne était bien compétent pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la direction régionale du Sud-Est de la France de la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, dont le siège social est à Villeurbanne ; qu'ainsi, cette dernière est fondée à soutenir que le tribunal administratif s'est à tort fondé sur ce que la décision autorisant de licencier M. Y... avait été prise par une autorité incompétente, pour annuler les décisions ci-dessus mentionnées ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peut être prononcé qu'avant l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives qu'il exerce ni avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est fondée sur un motif économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la direction régionale du sud-est de la France de la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE et l'agence de Pierrelatte, qui en dépend et à laquelle était rattaché M. X..., ont connu au cours des années 1991 et 1992 une régression de leur activité qui a conduit à la mise en chômage partiel d'une partie du personnel au cours des trois premiers mois de l'année 1993 ; que la réalité de la suppression du poste de travail occupé par M. X... n'est pas contestée ; qu'ainsi la matérialité du motif économique invoqué à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement de l'intéressé doit être regardée comme établie ;
Considérant, en deuxième lieu, que les membres du comité d'entreprise, régulièrement convoqués par l'employeur, ont refusé, lors de leur réunion du 3 mai 1993, d'émettre un avis sur le projet de licenciement de M. X... ; que, par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'absence d'avis du comité d'entreprise aurait entaché d'irrégularité la demande d'autorisation de licenciement présentée par son entreprise ;
Considérant, en troisième lieu, que la situation personnelle de M. X..., qui avait bénéficié d'un congé individuel de formation au titre d'un précédent plan social, a fait l'objet d'un nouvel examen, en vue de rechercher les possibilités d'assurer son reclassement ; que, faute de pouvoir lui proposer un emploi équivalent au sein de l'agence de Pierrelatte et des autres agences situées à proximité, la société a présenté à M. X..., qui les a refusées, trois offres de reclassement sur les sites de Cherbourg, Reims et Bourg-en-Bresse ; que M. X... soutient qu'il pouvait être reclassé à l'agence de Vitrolles, compte tenu de l'accroissement des effectifs de celle-ci ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que l'augmentation du personnel de cette agence ne résulte pas de nouveaux recrutements, mais de restructurations opérées au sein du groupe ; que, par suite, l'employeur doit être regardé comme ayant satisfait à ses obligations ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure de licenciement engagée à l'égard de M. X... soit en rapport avec sa fonction représentative ou qu'elle tiendrait à sa personne ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de M. X... ;
Sur les conclusions des parties qui tendent à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que ces conclusions doivent être regardées comme tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner M. X... à payer à la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE la somme de 10 000 F qu'il réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce que la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. X... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 novembre 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X... qui tendent à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, et le surplus des conclusions de la requête de la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, à M. Vincent X... et au ministre du travail et des affaires sociales.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 164070
Date de la décision : 20/03/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail L611-4
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 1996, n° 164070
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Struillou
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:164070.19960320
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