Vu la requête enregistrée le 19 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Paul X..., demeurant L'Esterel, ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 1990 par lequel le maire de Loriol-sur-Drôme (26270) a prononcé sa révocation de son emploi de gardien principal de police municipale ; d'autre part, à ce que le tribunal ordonne qu'il soit procédé à la reconstitution de sa carrière et fixe une date limite pour le versement des indemnités qu'il estime lui être dues en réparation du préjudice subi ;
2°) annule l'arrêté du 1er octobre 1990 ;
3°) prononce sa réintégration et la reconstitution de sa carrière ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 95-125 du 8 février 1995, modifiant la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;
Vu la loi du 20 mai 1988 et la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Boucher, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Guinard, avocat de la commune de Loriol-sur-Drôme,
- les conclusions de M. Descoings, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la révocation de M. X... :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que M. X..., agent principal de la police municipale de Loriol (Drôme), s'est borné à faire application des prescriptions de l'article 40 du code de procédure pénale en transmettant directement au procureur de la République, le 2 novembre 1983, et sans en référer au maire de la commune, une relation des faits dont il avait eu connaissance lors du recensement complémentaire opéré au mois d'octobre 1983 sur le territoire de la commune et dont la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble a reconnu le caractère frauduleux ; que s'il a cru devoir assortir cette relation des faits de considérations relatives à la situation du maire, des adjoints et du secrétaire général, cette circonstance, en l'espèce, n'est pas constitutive d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que, par suite, l'arrêté du maire de Loriol du 21 mars 1990 prononçant la révocation de M. X... est entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 décembre 1992, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article 77 de la loi du 8 février 1995 ajoutant un article 6-1 à la loi du 16 juillet 1980, "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que M. X... conclut à ce que sa réintégration et la reconstitution de sa carrière soient ordonnées par le Conseil d'Etat ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ces conclusions et d'enjoindre à la commune de Loriolde réintégrer M. X... à la date de sa révocation et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
Sur les conclusions tendant à l'application de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la commune de Loriol la somme qu'elle demande au titre de la disposition précitée ;
Article 1er : Le jugement du 31 décembre 1992 du tribunal administratif de Grenoble, ensemble l'arrêté du 1er octobre 1990 du maire de Loriol sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Loriol de réintégrer M. X... à la date de sa révocation et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Loriol au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul X..., à la commune de Loriol et au ministre de l'intérieur.