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08/11/1995 | FRANCE | N°143181

France | France, Conseil d'État, 10 ss, 08 novembre 1995, 143181


Vu l'ordonnance en date du 27 novembre 1992, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 décembre 1992, par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. Laurent X... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion le ler octobre 1992, présentée par M. Laurent X... demeurant ..., Bois de Nèfle à Saint

e Clotilde (la Réunion) et tendant, d'une part, à l'annulation d...

Vu l'ordonnance en date du 27 novembre 1992, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 décembre 1992, par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. Laurent X... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion le ler octobre 1992, présentée par M. Laurent X... demeurant ..., Bois de Nèfle à Sainte Clotilde (la Réunion) et tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 9 septembre 1992 du garde des sceaux, ministre de la justice, refusant de faire droit à sa demande d'intérêts moratoires dûs à raison du paiement tardif de l'indemnité d'éloignement, et d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser ces intérêts, augmentés des intérêts légaux ainsi qu'une somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-984 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ollier, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. Laurent X...,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 susvisé : "les fonctionnaires de l'Etat qui recevront une affectation dans l'un des départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique ou de la Réunion, à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation et dont le précédent domicile était distant de plus de 3 000 km du lieu d'exercice de leurs nouvelles fonctions, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de services de quatre années consécutives, une indemnité dénommée "indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer ... l'indemnité d'éloignement est payable en trois fractions : la première lors de l'installation du fonctionnaire dans son poste ; la seconde au début de la troisième année de service et la troisième après quatre ans de service" ;
Considérant que M. X... demande, d'une part, l'annulation de la décision en date du 9 septembre 1992, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de lui verser les intérêts moratoires qui lui sont dus à raison du paiement tardif de la deuxième tranche de l'indemnité d'éloignement, d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme assortie des intérêts au taux légal ainsi qu'une somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 susvisé : "le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort ... des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République ..." ;
Considérant que M. X..., en sa qualité de magistrat, est nommé par décret du Président de la République ; que le présent litige est relatif aux conditions dans lesquelles lui a été versée l'indemnité d'éloignement, qui lui était due à raison de son affectation dans l'île de la Réunion sur le fondement du décret du 22 décembre 1953 précité ; qu'il suit de là que, contrairement à ce qu'a soutenu le requérant devant le tribunal administratif, qui a à bon droit renvoyé l'affaire au Conseil d'Etat, celui-ci est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de sa réclamation ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X... avait droit au paiement de l'indemnité d'éloignement ; qu'il en a perçu la première tranche, lors de son installation à Saint-Denis de la Réunion en janvier 1990 ; que la deuxième fraction de ladite indemnité, qui lui était due en vertu des dispositions précitées en janvier 1992, ne lui a été versée que le 26 juin 1992 ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à demander le versement d'intérêts moratoires sur la somme dont s'agit ; que, lesdits intérêts représentant le prix de l'argent dans le temps, la circonstance, invoquée en défense par l'administration, quele retard intervenu dans le versement ne serait ni fautif, ni excessif, est inopérante ; que ces intérêts courent toutefois, non à dater de la demande que le requérant en a faite à l'administration, mais à dater de la réception par celle-ci de ladite demande, soit le 3 février 1992 et jusqu'au 26 juin 1992 ;

Considérant que ces intérêts forment eux-mêmes une créance productive d'intérêts dans les conditions de l'article 1153 du code civil selon lequel "les intérêts sont dus à compter du jour de la sommation de payer" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a demandé le 4 août 1992 que lui soit versée la somme correspondant à cette créance ; que cette demande a constitué une sommation de payer et qu'ainsi elle a fait courir les intérêts au taux légal, sans que puisse être utilement invoqué l'article 1154 du code civil sur la capitalisation des intérêts ; qu'il est, dès lors, fondé à demander le paiement d'intérêts moratoires sur ladite somme, à compter du 4 août 1992, date de la réception par l'administration de sa demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est par suite fondé à demander l'annulation de la décision en date du 9 septembre 1992, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a refusé le versement d'intérêts moratoires, en ce qui concerne les périodes courant d'une part, du 3 février 1992 au 26 juin 1992, d'autre part, à compter du 4 août 1992, et la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes correspondantes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les conclusions susanalysées de M. X... doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 4 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La décision du garde des sceaux, ministre de la justice en date du 9 septembre 1992 est annulée en tant qu'elle rejette la demande de M. X... tendant au versement d'intérêts moratoires sur la deuxième tranche de l'indemnité d'éloignement pour la période du 3 février 1992 au 26 juin 1992.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... une somme égale aux intérêts moratoires au taux légal sur la deuxième tranche de l'indemnité d'éloignement pour la période courant du 3 février 1992 au 26 juin 1992. Cette somme portera elle-même intérêts au taux légal à compter du 4 août 1992.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... une somme de 4 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Laurent X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 10 ss
Numéro d'arrêt : 143181
Date de la décision : 08/11/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT - LITIGES RELATIFS A LA SITUATION INDIVIDUELLE DES FONCTIONNAIRES NOMMES PAR DECRET DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE AUX FONCTIONNAIRES SERVANT DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - REMUNERATION - INDEMNITE D'ELOIGNEMENT DES FONCTIONNAIRES SERVANT OUTRE-MER.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS.


Références :

Code civil 1153, 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 53-1266 du 22 décembre 1953 art. 2
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 1995, n° 143181
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Ollier
Rapporteur public ?: M. Combrexelle

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:143181.19951108
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