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28/07/1995 | FRANCE | N°139725

France | France, Conseil d'État, Section, 28 juillet 1995, 139725


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.A. Plâtres Lambert Productions, représentée par le président de son conseil d'administration en exercice ; la S.A. Plâtres Lambert Productions demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, à la demande de la commune de Courtry et autres, 1°/ annulé la décision du 9 octobre 1991 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a autorisé ladite société à défricher 4 ha 20 a 87 ca de bois s

itués sur le territoire communal ; 2°/ condamné la société à verser à l...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.A. Plâtres Lambert Productions, représentée par le président de son conseil d'administration en exercice ; la S.A. Plâtres Lambert Productions demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, à la demande de la commune de Courtry et autres, 1°/ annulé la décision du 9 octobre 1991 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a autorisé ladite société à défricher 4 ha 20 a 87 ca de bois situés sur le territoire communal ; 2°/ condamné la société à verser à la commune la somme de 5 000 F au titre des frais exposées par elle et non compris dans les dépens ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Courtry et autres devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Jactel, Auditeur,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la S.A. Plâtres Lambert Productions, et de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la commune de Courtry,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de l'association Seine et Marnaise de sauvegarde de la nature :
Considérant que l'association Seine et Marnaise de sauvegarde de la nature a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Versailles n'aurait pas statué sur l'ensemble des conclusions de la requête de première instance manque en fait ;
Sur la légalité de l'autorisation de défrichement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 9 février 1994, "L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma directeur, d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, a pour effet de remettre en vigueur le schéma directeur, le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur" ;
Considérant que la délibération du 27 mai 1988 par laquelle le conseil municipal de la commune de Courtry a approuvé le nouveau plan d'occupation des sols de la commune a été annulée par une décision du Conseil d'Etat du 31 mai 1995 ; que si cet acte est ainsi réputé n'être jamais intervenu, son annulation a eu pour effet de remettre en vigueur les dispositions du plan d'occupation des sols antérieur, approuvé le 2 mars 1980, auquel il s'était substitué ; qu'il s'ensuit qu'au 9 octobre 1991, date à laquelle a été pris l'arrêté préfectoral autorisant la S.A. Plâtres Lambert Productions à défricher 4ha 20a 87 ca de bois situés sur la commune de Courtry au lieu-dit "Les Cailloux", le territoire de la commune était couvert par un plan d'urbanisme opposable aux tiers ; que ce plan classait les parcelles boisées sises au lieu-dit "Les Cailloux" comme espace boisé à conserver en application des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, les plans d'occupation des sols doivent être compatibles avec les orientations des schémas directeurs ; qu'aux termes du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région Marne Nord, approuvé le 12 juillet 1976 et modifié le 13 décembre 1978, "étant donné, d'une part, l'intérêt au point de vue des sites et paysages que présentent la crête et la pente sud du versant boisé, ( ...) et d'autre part la valeur des espaces boisés, les conditions d'exploitation des gisements de gypse et d'argile devront tenir compte pour le versant sud de la préservation des espaces boisés et nécessiteront des mesures particulières pouvant aller jusqu'à une interdiction d'exploitation. Pour le versant Nord, la protection des espaces boisés ne saurait par contre justifier un refus d'ouverture de carrière ( ...)" ;

Considérant que le plan d'occupation des sols de la commune de Courtry, approuvé le 2 mars 1980 dans sa rédaction en vigueur au moment de la décision attaquée, procède au classement de la zone du "Bois des Cailloux" en espace boisé à protéger en application des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ; que cette zone, sur laquelle se situent les terrains que la société requérante souhaite défricher en vue de l'exploitation des gisements miniers qu'ils renferment, est située géographiquement sur le versant sud des espaces boisés susmentionnés ; que dès lors, les dispositions contestées du plan d'occupation des sols de la commune de Courtry n'étaient pas incompatibles avec les orientations du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région Marne Nord ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en classant les parcelles litigieuses en espace boisé à protéger, les auteurs du plan d'occupation des sols auraient commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 123-1 précité du code de l'urbanisme, les plans d'occupation des sols doivent respecter "les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de projets d'intérêt général relevant de l'Etat, de la région, du département ou d'autres intervenants" ; que l'article R. 121-13 du code de l'urbanisme dispose que : "Constitue un projet d'intérêt général au sens de l'article L. 121-12 du présent code, tout projet d'ouvrage, de travaux ou de protection présentant un caractère d'utilité publique et répondant aux conditions suivantes : 1° Etre destiné à la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipement, au fonctionnement d'un service public, à l'accueil des populations défavorisées, à la protection du patrimoine naturel ou culturel, à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles ou à l'aménagement agricole et rural ; 2° Avoir fait l'objet : a) soit d'une délibération ou d'une décision d'un des intervenants définis ci-après, arrêtant le principe et les conditions de réalisation du projet, et mise à la disposition du public ; b) soit d'une inscription dans un des documents de planification prévus par les lois et règlements, approuvé par l'autorité compétente et ayant fait l'objet d'une publication. Ne peuvent constituer des projets d'intérêt général, les projets réalisés à l'initiative des collectivités locales responsables de l'élaboration du document d'urbanisme concerné. Ont la qualité d'intervenants, au sens de l'article L. 121-12 du présent code, l'Etat, les régions, les départements, les communes, les groupements de collectivités, les établissements publics et les autres personnes ayant la capacité d'exproprier." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucun document d'urbanisme n'a reconnu à l'exploitation des gisements exploités par la S.A. Plâtres Lambert Productions le caractère d'un projet d'intérêt général ; que, de plus, aucune décision des intervenants mentionnés au 3ème alinéa de l'article R. 121-13 précité du code de l'urbanisme n'est venue arrêter le principe et les conditions de réalisation du projet ; que dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'exploitation de ses gisements de gypse constituerait un projet d'intérêt général ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, "Les plans d'occupation des sols peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer ( ...) -Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. Nonobstant toutes dispositions contraires, il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue à l'article 157 du code forestier. -Il est fait exception à ces interdictions pour l'exploitation des produits minéraux importants pour l'économie nationale ou régionale, et dont les gisements ont fait l'objet d'une reconnaissance par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé avant le 10 juillet 1973 ou par le document d'urbanisme en tenant lieu approuvé avant la même date. Dans ce cas, l'autorisation ne peut être accordée que si le pétitionnaire s'engage préalablement à réaménager le site exploité et si les conséquences de l'exploitation, au vu de l'étude d'impact, ne sont pas dommageables pour l'environnement" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le plan directeur d'urbanisme intercommunal, qui avait reconnu le gisement de gypse propriété de la société requérante, a été rendu public le 22 décembre 1969, il est constant qu'il n'a jamais été approuvé ; que dès lors le préfet de Seine-et-Marne qui ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions du 4ème alinéa de l'article L. 130-1 précité pour délivrer l'autorisation de défrichement sollicitée par la société requérante, était tenu de rejeter la demande dont il a été saisi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen retenu surabondamment par le tribunal administratif, que la S.A. Plâtres Lambert Productions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté préfectoral du 9 octobre 1991 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la commune de Courtry, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la S.A. Plâtres Lambert Productions la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi précitée du 10 juillet 1991 et de condamner la S.A. Plâtres Lambert Productions à verser à la commune de Courtry la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Considérant que l'association Seine et Marnaise de sauvegarde de la nature n'étant pas partie à la présente instance les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à la condamnation de la S.A. Plâtres Lambert Productions à lui verser la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de l'association Seine et Marnaise de sauvegarde de la nature est admise.
Article 2 : La requête de la S.A. Plâtres Lambert Productions est rejetée.
Article 3 : La S.A. Plâtres Lambert Productions versera à la commune de Courtry la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions de l'association Seine et Marnaise pour la sauvegarde de la nature tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la S.A. Plâtres Lambert Productions, à la commune de Courtry, à l'association Seine et Marnaise pour la sauvegarde de la nature et au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 139725
Date de la décision : 28/07/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - Article L - 125-5 du code de l'urbanisme issu de l'article 1er de la loi n° 94-112 du 9 février 1994 - Applicabilité - Existence - Annulation ou déclaration d'illégalité postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 9 février 1994 - Application dans un litige relatif à une autorisation de défrichement délivrée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi - sous l'empire d'un plan d'occupation des sols annulé postérieurement à cette entrée en vigueur.

01-08-03, 68-06-05 Plan d'occupation des sols approuvé le 27 mai 1988, annulé par le Conseil d'Etat statuant au contentieux le 31 mai 1995. L'annulation de cet acte a, en vertu des dispositions de l'article L.125-5 du code de l'urbanisme issu de la loi du 9 février 1994, eu pour effet de remettre en vigueur les dispositions du plan d'occupation des sols antérieur, approuvé le 2 mars 1980, auquel il s'était substitué. L'autorisation de défrichement attaquée, délivrée par le préfet le 9 octobre 1991, concernant des parcelles que le plan d'occupation des sols approuvé le 2 mars 1980 classe comme espaces boisés à conserver en application des dispositions de l'article L.130-1 du code de l'urbanisme, elle encourt l'annulation.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - EFFETS DES ANNULATIONS - Schémas directeurs et plans d'occupation des sols annulés ou déclarés illégaux - Article L - 125-5 du code de l'urbanisme issu de l'article 1er de la loi n° 94-112 du 9 février 1994 - Applicabilité - Existence - Annulation ou déclaration d'illégalité postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 9 février 1994 - Application dans un litige relatif à une autorisation de défrichement délivrée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi - sous l'empire d'un plan d'occupation des sols annulé postérieurement à cette entrée en vigueur.


Références :

Code de l'urbanisme L125-5, L130-1, L123-1, R121-13
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 94-112 du 09 février 1994 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1995, n° 139725
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Jactel
Rapporteur public ?: M. Daël
Avocat(s) : SCP Defrenois, Lévis, SCP Delaporte, Briard, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:139725.19950728
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