Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 24 septembre 1987 et 25 janvier 1988, présentés pour M. Jean-Paul X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 17 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 10 octobre 1983 mettant fin à ses fonctions d'assistant à temps plein au Centre hospitalier départemental Félix Guyon ainsi que du commandement du 20 mars 1985 lui enjoignant de restituer l'indemnité spéciale qu'il avait perçue et d'autre part à ce que ce centre hospitalier soit condamné à lui verser la somme de 445 876,60 F ;
2° annule lesdites décisions ;
3° condamne le Centre hospitalier départemental Félix Guyon à lui verser une indemnité de 400 000 F avec intérêts à compter de la demande initiale et capitalisation des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olson, Auditeur,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de M. Jean-Paul X...,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 octobre 1983 du directeur du Centre hospitalier départemental Félix Guyon de Saint-Denis de la Réunion :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 5, 3° du décret susvisé du 8 mars 1978, tout candidat à un emploi à temps plein soumis au statut défini par ce même décret, doit être titulaire du diplôme d'Etat de docteur en médecine ; qu'il est constant que M. X... n'était pas titulaire de ce diplôme lorsqu'il a été recruté en qualité d'assistant à temps plein au Centre hospitalier départemental Félix Guyon par décision du directeur de ce centre à compter du 1er août 1983 ; qu'en tout état de cause, l'administration n'était pas tenue de proposer à M. X... un poste de remplaçant ; que dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 octobre 1983 par laquelle le directeur du Centre hospitalier a mis fins à ses fonctions ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation du Centre hospitalier :
Considérant qu'en l'absence de service fait à compter du 10 octobre 1983, le requérant n'est pas fondé à demander le versement du traitement qu'il aurait perçu s'il avait exécuté jusqu'à son terme le contrat de deux ans pour lequel le Centre hospitalier départemental Félix Guyon l'avait engagé ; que pour évaluer l'indemnité à laquelle il peut prétendre, il y a lieu de tenir compte, d'une part, de la responsabilité encourue par ce centre hospitalier du fait de la faute qu'il a commise en engageant M. X... alors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, celuici ne remplissait pas la condition de diplôme pour occuper un poste d'assistant et, d'autre part, de la responsabilité imputable à M. X... en raison de son imprudence à avoir accepté ce contrat dans de telles conditions ; que le préjudice matériel et moral subi par M. X... peut être évalué dans les circonstances de l'espèce à une somme de 100 000 F ; qu'il sera fait une juste appréciation du partage de responsabilités susmentionné en condamnant le Centre hospitalier départemental Félix Guyon à verser à M. X... une indemnité correspondant à la moitié dudit préjudice, soit une somme de 50 000 F ; que M. X... est, dès lors, fondé à prétendreque c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté la demande d'indemnité dont il l'avait saisi ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ledit jugement en tant qu'il a rejeté la totalité des conclusions indemnitaires présentées pour M. X... à l'appui de sa demande ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 50 000 F à compter du jour de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de SaintDenis de la Réunion, soit le 9 décembre 1983 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que M. X... a demandé la capitalisation des intérêts les 5 juillet 1989, 7 janvier 1991 et 10 février 1992 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du commandement en date du 20 mars 1985 et de l'état exécutoire dont il procède :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a perçu l'intégralité de la prime spéciale instituée par l'article 59 du décret susvisé du 8 mars 1978 au bénéfice des praticiens qui s'engagent à servir d'une manière ininterrompue pendant deux années consécutives dans un établissement d'hospitalisation situé dans un département d'outre-mer ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X... n'a accompli qu'une brève période de ce service de deux années ; que le Centre hospitalier départemental Félix Guyon était par suite fondé à poursuivre le recouvrement de la fraction de cette indemnité correspondant à la période postérieure à la décision du 10 octobre 1983 mettant fin à ses fonctions ; que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation du commandement en date du 20 mars 1985 et de l'état exécutoire dont il procède ;
Article 1 : Le jugement du 17 juin 1987 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de la demande de M. X....
Article 2 : Le Centre hospitalier départemental Félix Guyon est condamné à verser à M. X... la somme de 50 000 F.
Article 3 : Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 9 décembre 1983.
Article 4 : Les intérêts échus les 5 juillet 1989, 7 janvier 1991 et 10 février 1992 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : Le surplus de la requête de M. X... et le surplus des conclusions de sa demande présentée au tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au Centre hospitalier départementalFélix Guyon et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.