Vu la requête enregistrée le 14 février 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle A... et M. X... demeurant ... ; Mlle A... et M. X... demandent que le Conseil d'Etat annule le décret du 18 décembre 1990 en tant qu'il nomme Mme Y... et Mme Z... épouse B..., aux postes de juge d'instance de Grenoble et de juge de l'application des peines au tribunal de grande instance de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 30 décembre 1921 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 58-1277 du 22 décembre 1958 ;
Vu le décret du 16 septembre 1985 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le syndicat de la magistrature a un intérêt de nature à justifier son intervention ; qu'ainsi cette intervention est recevable ;
Sur les conclusions dirigées contre le décret du 18 décembre 1990 en tant qu'il nomme Mme Y... juge chargé du tribunal d'instance de Grenoble et Mme B... juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Grenoble, et qu'il rejette implicitement les demandes de Mlle A... tendant à être mutée sur l'un ou l'autre des postes dont s'agit :
Considérant que la loi du 30 décembre 1921 s'applique aux magistrats mais ne tend qu'au rapprochement des "fonctionnaires qui ... sont unis par le mariage", ce qui exclut les agents qui, comme les requérants, vivent en concubinage ;
Considérant que ni l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ni les dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 1958, ni aucun principe général n'imposent d'assimiler la situation des concubins à celle des conjoints en ce qui concerne la mise en oeuvre des dispositions prévues par la loi du 30 décembre 1921 ; que les dispositions en vigueur, à la date du décret attaqué de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, invoquées par les requérants, ne sont pas applicables aux magistrats et ne prévoient d'ailleurs de mesures spécifiques de rapprochement qu'en faveur des fonctionnaires mariés ; que le rejet, par l'administration, de la demande de Mlle A... tendant à être nommée dans l'un des postes dont s'agit n'est donc pas entachée d'une erreur de droit ; que la décision d'y nommer Mme Y... et Mme B... n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les conclusions tendant à l'annulation du décret du 18 décembre 1990 ne peuvent, par suite, être accueillies ;
Sur les conclusions dirigées contre l'avis du conseil supérieur de la magistrature :
Considérant que les requérants ne sont pas recevables à attaquer cet avis, qui ne constitue qu'une mesure préparatoire ; que ces conclusions doivent donc être rejetées ;
Sur les conclusions dirigées contre la lettre du garde des sceaux du 28 décembre 1990 tirant les conséquences de ce que Mlle A... sera mise en disponibilité pour convenances personnelles sur le fondement du b de l'article 44 du décret du 16 septembre 1985, et non sur le fondement du c du même décret, prévoyant une mise en disponibilité "pour suivre son conjoint lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession en un lieu éloigné du lieu d'exercice des fonctions du fonctionnaire." :
Considérant que Mlle A..., qui n'est pas mariée, ne pouvait bénéficier de la mise en disponibilité prévue par le c de l'article 47 du décret du 16 septembre 1985 ; que les conclusions des requérants contre la lettre du garde des sceaux du 28 décembre 1990 ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Article 1er : L'intervention du syndicat de la magistrature est admise.
Article 2 : La requête de Mlle A... et de M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle A..., à M. X..., à Mme Y..., à Mme B..., au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.