Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés les 30 mars 1994, 8 avril 1994, 27 juin 1994, 15 juillet 1994, 10 août 1994, 18 août 1994, 6 septembre 1994 et 15 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. François X..., demeurant centre de détention à Neuvic-sur-Isle (24190) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule :
- d'une part, le jugement du 10 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, ses demandes tendant au sursis à l'exécution de l'arrêté du 10 août 1993 par lequel le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a révoqué la libération conditionnelle qui avait été accordée le 13 septembre 1991,
- d'autre part, l'ordonnance du 10 mars 1994 par laquelle le magistrat délégué par le président dudit tribunal a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, ses demandes tendant à ce que le juge des référés administratifs ordonne à diverses autorités et notamment au juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Bordeaux de lui communiquer des documents relatifs à la mesure de révocation de sa libération conditionnelle prise par arrêté du 10 août 1993 ;
2°) ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêté du 10 août 1993 par lequel le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a révoqué la libération conditionnelle qui avait été accordée le 13 septembre 1991 ;
3°) ordonne sous astreinte à diverses autorités et notamment au juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Bordeaux de lui communiquer des documents relatifs à la mesure de révocation de sa libération conditionnelle prise par arrêté du 10 août 1993 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Aguila, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 729 du code de procédure pénale : "Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle s'ils présentent des gages sérieux de réadaptation sociale ..." ; qu'aux termes de l'article 730 du même code : "Le droit d'accorder la libération conditionnelle appartient selon les distinctions ci-après, soit au juge de l'application des peines soit au ministre de la justice. Lorsque le condamné doit subir une ou plusieurs peines privatives de liberté entraînant une détention dont la durée totale, à compter du jour de l'incarcération, n'excéde pas cinq années, la libération conditionnelle est accordée par le juge de l'application des peines après avis de la commission de l'application des peines. Lorsque le condamné doit subir une ou plusieurs peines privatives de liberté entraînant une détention dont la durée totale, à compter du jour de l'incarcération, excède cinq années, la libération conditionnelle est accordée par le ministre de la justice. La proposition de libération conditionnelle est établie par le juge de l'application des peines, après avis de la commission de l'application des peines. Elle peut être soumise par le ministre de la justice à un comité consultatif de libération conditionnelle. L'avis du préfet du département où le condamné entend fixer sa résidence est recueilli dans tous les cas ..." ; qu'aux termes de l'article 733 dudit code : "En cas de nouvelle condamnation, d'inconduite notoire, d'infraction aux conditions ou d'inobservation des mesures énoncées dans la décision de mise en liberté conditionnelle, cette décision peut être révoquée, suivant les distinctions de l'article 730, soit, après avis des membres du comité de probation et d'assistance aux libérés qui ont pris en charge le condamné, par le juge d'application des peines compétent pour sa mise en oeuvre, soit, sur proposition de ce magistrat, et après avis, le cas échéant, du comité consultatif de libération conditionnelle, par le ministre de la justice ... En cas d'urgence, l'arrestation peut être provisoirement ordonnée par le juge d'application des peines du lieu où se trouve le libéré, le ministère public entendu et à charge, s'il y a lieu, de saisir l'autorité compétente pour révoquer la libération conditionnelle. Après révocation, le condamné doit subir selon les dispositions de la décision de révocation, tout ou partie de la durée de la peine qu'il lui restait à subir au moment de sa mise en liberté conditionnelle, cumulativement, s'il y a lieu, avec toute nouvelle peine qu'il aurait encourue ; le temps pendant lequel il a été placé en état d'arrestation provisoire compte toutefois pour l'exécution de sa peine. Si la révocation n'est pas intervenue avant l'expiration du délai prévu à l'article précédent, la libération est définitive. Dans ce cas, la peine est réputée terminée depuis le jour de la libération conditionnelle" ;
Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître des litiges relatifs à la nature et aux limites d'une peine infligée par une juridiction judiciaire et dont l'exécution est poursuivie à la diligence du ministère public ; que la décision par laquelle le juge de l'application des peines ou le ministre de la justice accorde à un condamné une libération conditionnelle ou la révoque, totalement ou partiellement, ne se rattache pas au fonctionnement administratif du service pénitentiaire, mais constitue une mesure qui modifie les limites de la peine ; que, par suite, les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et tendant, d'une part, au sursis à l'exécution de l'arrêté du 10 août 1993 par lequel le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a révoqué la libération conditionnelle qui lui avait été accordée le 13 septembre 1991 et, d'autre part, à ce que le juge des référés administratif ordonne à diverses autorités et notamment au juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Bordeaux de lui communiquer des documents relatifs à la mesure de révocation de sa libération conditionnelle ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative ;
Considérant toutefois, que l'appel dirigé contre le jugement et l'ordonnance qui ont rejeté ces conclusions doit être porté devant le juge d'appel de droit commun au sein de l'ordre juridictionnel administratif ; que ni les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif ni celles du 17 mars 1992 pris pour son application ne confèrent compétence au Conseil d'Etat pour connaître de l'appel formé par M. X... ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre cette requête à la cour administrative d'appel de Paris ;
Article 1er : Le jugement de la requête susvisée de M. X... est attribué à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. François X..., au président de la cour administrative d'appel de Paris et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.