Vu la requête enregistrée le 14 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Youcef X..., demeurant ... ; M. X... demande au Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 juin 1992 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 16 juin 1992, par lequel le préfet de police de Paris a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par l'avenant du 22 décembre 1985 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu la loi 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à la mention de la décision du préfet de police de Paris du 24 mars 1992, M. X..., ressortissant algérien, s'est borné le 23 mars 1992 à demander la modification de l'adresse dont faisait mention le certificat de résidence au titre de commerçant valable du 25 juin 1991 au 24 juin 1992 dont il était titulaire et non le renouvellement de ce titre de séjour, ce qu'il n'était pas encore tenu de faire à cette date par application de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 modifié ; qu'ainsi la décision du 24 mars 1992 qui invitait M. X... à quitter le territoire français dans le délai d'un mois doit être qualifiée non de refus de renouvellement mais de retrait du certificat de résidence précédemment délivré ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, dans sa rédaction résultant de l'avenant du 22 décembre 1985 "... les certificats de résidence peuvent être retirés aux seuls ressortissants algériens oisifs qui sont de leur propre fait sans emploi et dépourvus de ressources depuis plus de six mois consécutifs" ;
Considérant que la décision du 24 mars 1992 est motivée par le fait que M. X... n'a pu produire ni extrait du registre du commerce, ni justification des déclarations fiscales, ni justification de l'admission à un régime de protection sociale ; que ce fait n'est pas de nature à établir que M. X... remplissait à cette date la condition prévue par les stipulations précitées de l'accord franco-algérien d'être dépourvu de ressources depuis plus de six mois dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il avait vendu le 28 février 1992 pour le prix de 290.000 F le fonds de commerce créé par lui avec sa femme à Périgueux en 1991 et était en pourparlers pour l'achat d'un fonds de commerce à Paris ; que dès lors, l'exception d'illégalité soulevée par M. X... à l'encontre de la décision du 24 mars 1992, dont il est constant qu'elle n'est pas devenue définitive, doit être accueillie ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 16 juin 1992 par le préfet de police de Paris est dépourvu de base légale et à en demander l'annulation ainsi que du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 22 juin 1992, ensemble l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. Youcef X... par le préfet de police de Paris le 16 juin 1992 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au préfet de police de Paris et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.