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01/10/1993 | FRANCE | N°60526

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 01 octobre 1993, 60526


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour MM. Jean Y... et André X..., demeurant ... et ... ; MM. Y... et X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 mars 1984 qui les a condamnés, à la demande de l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord, à verser à cet établissement la somme de 76 724,79 F, avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 1981 capitalisés à compter du 17 novembre 1982 pour produire eux-mêmes int

érêts, et a mis à leur charge l'expertise effectuée par voie de référé ;
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Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour MM. Jean Y... et André X..., demeurant ... et ... ; MM. Y... et X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 mars 1984 qui les a condamnés, à la demande de l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord, à verser à cet établissement la somme de 76 724,79 F, avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 1981 capitalisés à compter du 17 novembre 1982 pour produire eux-mêmes intérêts, et a mis à leur charge l'expertise effectuée par voie de référé ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord au tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Hagelsteen, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Boulloche, avocat de MM. Jean Y... et André X... et de Me Ricard, avocat de l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.173 du code des tribunaux administratifs, alors applicable : "La minute du jugement est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le secrétaire-greffier" ; qu'il ressort des mentions du jugement que l'affaire a été appelée à l'audience du 8 mars 1984 au rapport d'un président de chambre autre que celui qui a signé la minute en qualité de président-rapporteur ; que cette modification dans la composition de la formation de jugement qui a siégé à l'audience et au délibéré rend le jugement irrégulier et entraîne son annulation ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire pour y statuer immédiatement ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par les architectes :
Considérant, d'une part, que MM. Y... et X..., architectes chargés par l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord de la construction de 64 logements à Anzin, dont la responsabilité est mise en cause par l'office, se prévalent de l'article 7 du contrat du 12 octobre 1964 qu'ils interprètent comme stipulant une procédure obligatoire de règlement amiable des litiges préalable à toute action contentieuse ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction, en tout état de cause, que l'office, avant d'introduire l'instance devant le tribunal administratif, a suivi cette procédure en solliitant les avis du directeur départemental de l'équipement et du conseil régional de l'ordre des architectes ;

Considérant, d'autre part, que la réception définitive des travaux prononcée sans réserves, qui ne met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs qu'en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des architectes soit ultérieurement recherchée à raison des fautes qu'ils ont commises dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des acomptes à verser aux entreprises ; qu'ainsi, MM. Y... et X... ne peuvent utilement se prévaloir de cette réception ;
Sur la responsabilité des architectes :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté que MM. Y... et X... ont signé des situations de travaux qui ne correspondaient pas aux travaux réellement exécutés ; qu'ils se sont ainsi mal acquittés de la mission de vérification des décomptes des entreprises que leur impartissait le contrat du 12 octobre 1964 ; que cette méconnaissance de leurs obligations constitue une faute de nature à engager vis-à-vis de l'office leur responsabilité contractuelle ;
Sur l'existence et l'évaluation du préjudice :
Considérant que le trop-perçu des entreprises Moreau et Hulin a été calculé par l'expert en comparant les sommes versées par l'office au montant contractuel du marché, lui-même ramené, par un "avenant n° 5" du 24 juin 1975, au montant des travaux effectivement réalisés avant l'abandon du chantier, évalué sur une base des prix de février 1964 à 1 299 301,30 F ;

Considérant, d'une part, que si MM. Y... et X... soutiennent que cet "avenant n° 5" aurait en réalité fixé le montant des travaux à 1 361 700,17 F, ce qui réduirait le trop-perçu, ils ne l'établissent pas, en se bornant à produire un bordereau d'envoi daté du 18 juillet 1974, soit antérieurement à la conclusion définitive dudit "avenant", intervenue le 24 juin 1975 ;
Considérant, d'autre part, que si MM. Y... et X... soutiennent que l'office n'a subi aucun préjudice financier dans la mesure où l'exécution d'autres marchés passés avec les mêmes sociétés Moreau et Hulin pour la construction à Anzin de 98 logements a fait apparaître, compte-tenu des sommes versées sur proposition des architextes, MM. Y... et X..., et des travaux effectivement réalisés par les entreprises, un solde créditeur en faveur de celles-ci, ils ne peuvent utilement, en tout état de cause, invoquer les décomptes définitifs établis au titre de ces marchés, aucune compensation ne pouvant être appliquée ni aux opérations comprises dans ces comptes, ni entre les soldes de contrats distincts ;
Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'office, qui n'y était pas tenu, aurait appelé les cautions bancaires fournies par les entreprises et aurait ainsi obtenu le remboursement des sommes versées en excédent, qui doivent être fixées à 76 724,79 F, compte-tenu du montant des travaux effectivement réalisés arrêté par l'expert au chiffre de 1 299 301,30 F ci-dessus et des sommes obtenues par l'office en produisant au passif des sociétés Moreau et Hulin ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la somme de 76 724,79 F ci-dessus doit porter intérêt à compter du 24 septembre 1981, date d'introduction de la demande de l'office devant le tribunal administratif, jusqu'à la date du paiement, s'il a eu lieu, par MM. Y... et X... à l'office en exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Lille ;
Considérant que la capitalisation de ces intérêts a été demandée par l'office les 24 septembre, 15 octobre 1981 et 17 novembre 1982 ; qu'à cette dernière date seulement, il était dû au moins une année d'intérêts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. Y... et X... ne sont pas fondés à demander la restitution de sommes versées en exécution du jugement susvisé du tribunal administratif ; que, par suite, leur demande de paiement d'intérêts doit, en tout état de cause, être rejetée ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, effectuée par voie de référé, à la charge des architectes, MM. Y... et X... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 mars 1984 est annulé.
Article 2 : MM. Y... et X... sont condamnés conjointement et solidairement à verser à l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord la somme de 76 724,79 F.
Article 3 : La somme de 76 724,79 F portera intérêt au taux légal à compter du 24 septembre 1981 jusqu'à la date du paiement qui a été fait, le cas échéant, par MM. Y... et X... en exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Lille.
Article 4 : Les intérêts échus au 17 novembre 1982 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : MM. Y... et X... supporteront les frais de l'expertise prescrite par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 19 novembre 1971.
Article 6 : Le surplus de la demande de l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord et le surplus des conclusions d la requête de MM. Y... et X... sont rejetés.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à MM. Y... et X..., à l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Sens de l'arrêt : Annulation condamnation solidaire
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - QUESTIONS GENERALES - RECEPTION DES TRAVAUX - RECEPTION DEFINITIVE - Effets de la réception définitive - Circonstance faisant obstacle à l'engagement de la responsabilité contractuelle des architectes - Absence.

39-06-01-01-01-02 La réception définitive des travaux prononcée sans réserves, qui ne met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs qu'en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des architectes soit ultérieurement recherchée à raison des fautes qu'ils ont commises dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des acomptes à verser aux entreprises. Responsabilité contractuelle des architectes engagée en l'espèce à raison d'une faute commise dans leur mission contractuelle de vérification des décomptes des entreprises.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - FAITS DE NATURE A ENTRAINER LA RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - Erreur commise dans le contrôle des situations de travaux.

39-06-01-02-03 Même après la réception définitive des travaux prononcée sans réserves, la responsabilité contractuelle des architectes peut être recherchée à raison des fautes qu'ils ont commises dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des acomptes à verser aux entreprises. Responsabilité contractuelle des architectes engagée en l'espèce du fait de la signature de situations de travaux ne correspondant pas aux travaux réellement exécutés, en méconnaissance de leur obligation contractuelle de vérification des décomptes des entreprises.


Références :

Code des tribunaux administratifs R173


Publications
Proposition de citation: CE, 01 oct. 1993, n° 60526
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: Mme Hagelsteen
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Formation : 9 / 8 ssr
Date de la décision : 01/10/1993
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 60526
Numéro NOR : CETATEXT000007835704 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1993-10-01;60526 ?
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