Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 11 juin et 12 octobre 1990, présentés pour M. André Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 27 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 26 août 1985 lui prescrivant la fermeture de son débit de boissons pour une durée de 21 jours, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 147 000 F en réparation des conséquences dommageables nées de cette mesure ;
2°) annule l'arrêté en date du 26 août 1985 ;
3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 147 000 F avec les intérêts de droit capitalisés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des débits de boissons et notamment son article L. 62 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévis, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat de M. André Y...,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 26 août 1985 :
Considérant que l'arrêté du 26 août 1985 ordonnant la fermeture du débit de boissons de M. Y... pour une durée de 21 jours a été pris, par délégation de signature du Préfet, par M. X..., secrétaire général de la Préfecture de la Seine-et-Marne ; que si, à cette même date, le préfet, alors en fonction, avait par arrêté donné délégation de signature au secrétariat général, cet arrêté n'a été publié au reccueil des actes administratifs de la préfecture que le 24 septembre 1985 ; que la délégation de signature antérieurement consentie à M. X... par le précédent préfet était devenue caduque, du fait de la nomination d'un nouveau préfet par décret du 6 août 1985 ; qu'ainsi M. Y... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente et à demander l'annulation du jugement du 27 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant qu'en prenant une décision entachée d'incompétence, l'autorité administrative a commis une faute ; que cependant, cette faute est atténuée par celle du requérant dont, s'il n'est pas établi que son établissement était habituellement fréquenté par des toxicomanes, il résulte de l'instruction qu'il a servi des boissons alcoolisées à une personne dont l'état d'ébriété était apparent et a ainsi méconnu la législation sur les débits de boissons l'exposant à une sanction administrative ; qu'il sera fait une exacte appréciation du dommage causé par la fermeture du débit et par les fautes respectives de l'administration et de M. Y... en allouant à ce dernier une indemnité de 15 000 F ; que M. Y... est donc fondé à demander également l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnité ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que M. Y... demande que l'indemnité qui lui est allouée porte intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 1985, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Versailles ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 juin 1990 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à ce titre à M. Y... la somme de 10 000 F ;
Article 1er : Le jugement du 27 mars 1990 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-et-Marne en date du 26 août 1985 est annulé.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. André Y... la somme de 15 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 1985. Les intérêts échus le 11 juin 1990 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L'Etat versera à M. Y... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.