Vu la requête enregistrée le 15 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Télé Free Dom, dont le siège est B.P. 666 à Saint Denis de la Réunion cédex (97474) ; la société Télé Free Dom demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir - la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel n° 90-41 en date du 2 mars 1990 autorisant la société Antenne Réunion à exploiter un service de télévision privé par voie hertzienne à caractère local dans le département de la Réunion, - la décision du même conseil du 9 mars 1990 portant rejet de la demande d'autorisation d'exploitation d'un service de télévision privé présentée par la société Télé Free Dom, - la décision n° 90-42 en date du 2 mars 1990 portant appel à candidatures pour l'usage de fréquences en vue de l'exploitation en temps partagé avec un autre service autorisé, d'un service de télévision privé dans le département de la Réunion ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Télé Free Dom et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la société Antenne Réunion,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel n° 91-41 du 2 mars 1990 autorisant la Société Antenne Réunion à utiliser des fréquences pour l'exploitation d'un service local de télévision :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés à l'appui de ces conclusions :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : "Sous réserve des dispositions des articles 26 et 65 de la présente loi, l'usage de fréquences pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article. Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel aux candidatures. Il fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées. La déclaration de candidature est déposée par une société. Elle indique notamment l'objet et les caractéristiques générales du service, les caractéristiques techniques d'émission, la composition du capital, ainsi que la liste des administrateurs, les prévisions de dépenses et de recettes, l'origine et le montant des financements prévus. Les déclarations de candidatures sont également accompagnées des éléments constitutifs d'une convention comportant des propositions sur un ou plusieurs des points mentionnés à l'article 28. A l'issue du délai prévu au deuxième alinéa ci-dessus et après audition publique des candidats, le conseil accorde l'autorisation en appréciant l'intérêt de chaque projet au regard des impératifs prioritaires mentionnés au huitième alinéa de l'article 29" ;
Considérant que, pour mettre les candidats en concurrence dans des conditions leur assurant une égalité de traitement, il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel de préciser, dans l'appel aux candidatures, si les propositions présentées doivent porter sur un service à temps complet ou si des dossiers portant sur un temps d'antenne limité pour l'attribution d'une fréquence à partager avec un autre candidat, pourront être examinés ; que l'appel aux candidatures lancé en l'espèce par le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui ne comportait aucune indication sur la durée du service attendu devait être regardé comme portant sur un service à temps complet ; que lorsqu'à la suite d'un tel appel, il est saisi de dossiers portant les uns sur un service complet et les autres sur un service à temps partagé et qu'aucune candidature pour un service complet ne lui paraît pouvoir être accueillie, le Conseil supérieur ne peut retenir une autre proposition sans lancer un nouvel appel aux candidatures pour un service à temps partiel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Télé Free Dom est fondée à soutenir qu'en accordant, par la décision attaquée, en date du 2 mars 1990, à la Société Antenne Réunion l'autorisation d'exploiter un service local de télévision pour une durée quotidienne de cinq heures, à la suite d'un appel aux candidatures qui, à défaut de précision contraire, portait sur un service à temps complet, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a entaché sa décision d'excès de pouvoir ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 9 mars 1990 portant rejet de la candidature de la société Télé Free Dom :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société requérante a, conformément aux dispositions de l'annexe II de l'appel à candidatures du 30 mai 1989, joint à sa candidature les éléments constitutifs d'une convention exigée par l'article 30 de la loi du 27 novembre 1986 modifiée par la loi du 17 janvier 1989 ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que le premier motif invoqué pour écarter sa candidature et tiré de ce qu'elle n'avait pas fourni un projet de convention était inexact ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le Conseil supérieur de l'audiovisuel aurait pris la même décision, s'il n'avait retenu que le second motif invoqué, tiré des insuffisances du projet de la société Télé Free Dom sur le plan financier ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en écartant la candidature de la société Télé Free Dom par le motif tiré de ce que son projet ne présentait pas des garanties d'équilibre financier suffisantes, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, notamment, ni la circonstance invoquée par la société qu'elle émettait depuis quatre ans, alors qu'elle émettait dans des conditions illégales, ni le fait que le projet de financement présenté aurait présenté des analogies avec celui de la société TF1 ne sont de nature à établir que l'appréciation à laquelle s'est livré le Conseil supérieur de l'audiovisuel serait entachée d'erreur ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Télé Free Dom n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 9 mars 1990 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté sa candidature ;
Sur les conclusions dirigées contre l'appel aux candidatures du 2 mars 1990 :
Considérant que la décision n° 90-42 du 2 mars 1990 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a lancé un appel aux candidatures pour l'utilisation en temps partagé d'un service de télévision privé dans le département de la Réunion, présente le caractère d'une mesure préparatoire et ne constitue pas une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que, dès lors, les conclusions dirigées contre cette décision sont irrecevables ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision n° 90-262 du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 19 juillet 1990 autorisant la société Canal Réunion à utiliser, en temps partagé, des fréquences pour l'exploitation d'un service local de télévision :
Considérant qu'aux termes de l'article 49 de l'ordonnance du 31 juillet 1945, "sauf dispositions législatives contraires, le recours ou la requête au Conseil d'Etat contre la décision d'une autorité ou d'une juridiction qui y ressortit n'est recevable que dans un délai de deux mois ; ce délai court de la date de la publication de la décision attaquée, à moins qu'elle ne doive être notifiée ou signifiée, auquel cas le délai court de la date de la notification ou de la signification" ;
Considérant que l'article 643 du nouveau code de procédure civile dispose que "lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en Fance métropolitaine les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de : 1°) un mois pour les personnes qui demeurent dans un département d'outre-mer ou dans un territoire d'outre-mer" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été publiée au Journal officiel de la République française du 30 août 1990 ; que les conclusions de la société Télé Free Dom dirigées contre cette décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel n'ont été enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat que le 14 juin 1991 ; que dès lors elles ont été présentées tardivement et ne sont pas recevables ;
Article 1er : La décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel n° 90-41 du 2 mars 1990 est annulée.
Article 2 : Le surplus de la requête de la société Télé Free Dom est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Télé Free Dom, à la société Antenne Réunion, à la société Canal Réunion, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au ministre de la communication.