Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 juillet 1988 et 28 novembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ..., représenté par son syndic en exercice ; le syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 9 mai 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 1986 du maire de Paris s'opposant aux travaux d'extension d'une loge de concierge ayant fait l'objet d'une déclaration préalable, et la décision du 19 décembre 1986 dudit maire rejetant son recours gracieux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Broglie, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Tiffreau, Thouin-Palat, avocat du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ..., avocat de la ville de Paris,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en vertu de l'article R. 109 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel applicable à la date du jugement attaqué : "Les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance sans déplacement au bureau central du greffe des pièces de l'affaire" ; que cette prescription ne peut produire son entier effet et donner à la procédure un caractère pleinement contradictoire que si chaque partie est avisée par le tribunal administratif des différentes productions versées au dossier ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le syndicat requérant ait été informé par le tribunal administratif de Paris de la production, par le maire de Paris, d'une attestation de la mairie du 16ème arrondissement de Paris, certifiant, à la demande du tribunal administratif, que la déclaration des travaux exemptés de permis de construire souscrite par le syndicat de copropriétaires requérant avait été affichée à la mairie du 16ème arrondissement du 21 août au 12 octobre 1986 ; qu'il résulte du jugement attaqué que le tribunal administratif a tenu compte des précisions apportées par cette attestation ; que, dans ces conditions, le syndicat requérant est fondé à soutenir que ce jugement a été rendu sur une procédure irrégulière ;
Considérant qu'au cours de l'instruction devant le Conseil d'Etat, communication a été donnée au requérant de l'attestation dont il s'agit ; que, par suite, l'affaire est en état et qu'il y a lieu de l'évoquer pour être statué immédiatement au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.422-2 du code de l'urbanisme : "Les constructions ou travaux exemptés de permis de construire ... font l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux. Sauf opposition dûment motivée, notifiée par l'autorité compétente en matière de permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la déclaration, les travaux peuvent être exécutés ..." ; qu'aux termes de l'article R.422-10 : "Dans les huit jours de la réception de la déclaration en mairie, le maire procède à l'affichage de cette déclaration avec indication de la date à laquelle les travaux pourront, en l'absence d'opposition, être commencés" ;
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la date de la décision d'opposition à la réalisation des travaux qui faisaient l'objet de la déclaration du syndicat requérant, une décision implicite de non-opposition était née par application de l'article R. 422-10 du code de l'urbanisme en raison du silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur la déclaration qui lui avait été adressée ; que la décision attaquée doit donc être regardée comme retirant cette décision implicite ;
Considérant, d'une part, que l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme et l'article R. 422-10 du même code, lequel, pris pour l'application de l'article L.422-2, ne contient aucune disposition relevant du domaine législatif, ont pour effet de limiter le délai pendant lequel les tiers sont recevables à demander l'annulation d'une décision tacite de non-opposition résultant du silence gardé par l'administration ; qu'il en résulte que les décisions obtenues dans ces conditions peuvent, lorsqu'elles sont entachées d'illégalité, être rapportées par leur auteur ou par l'autorité investie du pouvoir hiérarchique tant que le délai de recours contentieux n'est pas expiré ou que le juge, saisi d'un tel recours dans le délai légal, n'a pas statué ; que la circonstance que l'affichage n'a été, en l'espèce, effectué que postérieurement au délai de huit jours à compter de la déclaration en mairie fixé à l'article R. 422-10 du code de l'urbanisme, si elle a pour conséquence de retarder l'expiration du délai de recours contentieux, ne saurait interdire à l'autorité compétente de retirer une décision tacite de non-opposition illégale ;
Considérant que les travaux, objet de la déclaration du syndicat requérant, avaient pour effet d'accroître le coefficient d'occupation des sols au-delà de la limite fixée à l'article UR 14 du plan d'occupation des sols de la ville de Paris ; que si l'article UR 15 de ce plan prévoit la possibilité d'autoriser des dépassements de cette limite notamment pour des raisons d'architecture ou d'urbanisme, une telle disposition, qui autorise un dépassement du coefficient d'occupation des sols sans limitation ni plafond, est contraire aux dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ; qu'en l'absence de toute autre disposition lui permettant de déroger également au coefficient d'occupation maximum résultant de l'article UR 14 du plan, le maire de Paris était tenu de s'opposer aux travaux objet de la déclaration ; que la décision tacite de non-opposition étant, pour ce motif, illégale, le maire de Paris a pu légalement la retirer dans le délai du recours contentieux ;
Considérant dès lors que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du maire de Paris faisant opposition à l'exécution des travaux faisant l'objet de sa déclaration du 8 août 1986 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 mai 1988 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ..., au maire de Paris et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.