Vu la requête, enregistrée le 22 février 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Marie X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler le jugement du 19 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de la défense en date du 4 décembre 1987 rejetant le recours hiérarchique qu'il avait formé en vue de la reconsidération de sa notation pour l'année 1987 ;
2°/ d'annuler cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 83-1252 du 31 décembre 1983 relatif à la notation des militaires ;
Vu le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Mitjavile, Auditeur,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du tribunal administratif d'Orléans :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 septembre 1953 : "Le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort ... 2° des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République ..." ; qu'en vertu de l'article 42 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, les officiers sont nommés par décret du Président de la République ; qu'ainsi, le Conseil d'Etat était compétent en premier et dernier ressort pour connaître de la requête du capitaine Jean-Marie X... dirigée contre la décision en date du 4 décembre 1987 du ministre de la défense refusant de reconsidérer sa notation pour l'année 1987 ;
Considérant que, si l'article 13 du décret du 2 septembre 1988 dispose que : "Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat ressortit à la compétence de l'une de ces juridictions, celle d'entre elles qui en est saisie est compétente, nonobstant les règles de répartition des compétences entre celles-ci, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ...", il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ait reçu le 14 janvier 1988 notification de la décision attaquée ; qu'ainsi, sa demande présentée au tribunal administratif d'Orléans le 5 avril 1988, moins de deux mois après la notification de ladite décision, faite le 4 février 1988 par lettre recommandée avec accusé de réception, n'était pas tardive ;
Considérant que le ministre de la défense soutient que la demande de M. X... était néanmoins entachée d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, dès lors que l'intéressé vait reçu communication de sa notation pour 1987 le 24 août 1987 et, qu'ayant négligé d'exercer le recours en révision de la notation prévu par l'article 7 du décret du 31 décembre 1983, le recours hiérarchique qu'il a présenté le 5 octobre 1987 au chef d'Etat-major de l'armée de l'air n'était pas de nature à lui conserver le délai du recours contentieux, lequel était expiré le 5 avril 1988, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif ;
Mais considérant que le recours en révision de la notation prévu à l'article 7 du décret du 31 décembre 1983 ne constitue pas un préalable obligatoire à la saisine de l'autorité hiérarchique ou du juge ; que, par suite, le militaire qui n'a pas fait usage du droit que lui reconnait l'article 7 précité de saisir l'autorité qui l'a noté d'une demande en révision de sa note, peut adresser un recours hiérarchique au ministre de la défense ; que ce recours hiérarchique, s'il a été présenté dans les deux mois de la notification de la décision de notation, conserve le délai du recours contentieux à l'encontre de ladite décision ; qu'ainsi, le recours hiérarchique de M. X..., présenté le 5 octobre 1987, dans le délai du recours contentieux, contre sa notation pour 1987, dont il avait eu connaissance le 24 août 1987, a interrompu ledit délai ; que celui-ci n'était pas expiré, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le 5 avril 1988, date à laquelle l'intéressé a déféré au juge la décision ministérielle du 4 décembre 1987 rejetant son recours hiérarchique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions dont M. X... avait saisi le tribunal administratif d'Orléans n'étaient pas entachées d'une irrecevabilité manifeste et que ce tribunal n'était, dès lors, pas compétent pour les rejeter ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du 19 décembre 1989 du tribunal administratif d'Orléans et de statuer sur la requête de M. X... :
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision d'abaisser d'un degré par rapport à 1986 la note caractéristique de M. X... pour 1987 est fondée notamment sur l'exercice de recours hiérarchiques par l'intéressé ; qu'en exerçant, sans en abuser, ces voies de recours, cet officier n'a fait qu'user de ses droits ; qu'il ne pouvait en être légalement tenu compte, comme élément négatif, dans sa notation ; qu'ainsi, en se fondant sur un tel motif, les autorités chargées de la notation de ce militaire ont commis une erreur de droit ; que, dans ces conditions, M. X... est fondé à demander l'annulation de la décision, en date du 4 décembre 1987, par laquelle le ministre de la défense a refusé de reconsidérer sa notation ;
Article 1er : Le jugement, en date du 19 décembre 1989, du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La décision du 4 décembre 1987 du ministre de la défense refusant de reconsidérer la notation de M. X... pour 1987 est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de la défense.