Vu la requête, enregistrée le 8 juin 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jacques X..., demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 29 mars 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Legal, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. Jacques X..., - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué du tribunal administratif de Paris en date du 29 mars 1984 fait état de la présence à l'audience du requérant et mentionne l'audition de ses observations orales, alors qu'il est constant que l'intéressé était alors détenu à la maison d'arrêt de Fresnes ; que dès lors ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les revenus de capitaux mobiliers :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1989 du code général des impôts, dans la rédaction applicable à l'espèce : "L'autorité judiciaire doit donner connaissance à l'administration des finances de toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'administration fiscale est en droit, avant même toute décision, d'obtenir de l'autorité judiciaire la communication des indications que celle-ci est susceptible de détenir ; qu'il appartient à cette autorité, qu'elle soit ou non saisie d'une telle demande, d'apprécier souverainement si les renseignements et les pièces qu'elle détient sont ou non au nombre des indications qui, étant de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale, doivent être communiquées à l'administration des impôts ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les agents de la direction nationale des enquêtes fiscales ont, à l'occasion de perquisitions opérées le 26 juin 1981 en vertu des pouvoirs qu'ils tenaient de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, saisi des documents appartenant à la société SOGAR, ainsi qu'à d'autres sociétés contrôlées par M. X... ; que le juge d'instruction chargé de conduire l'information judiciaire alors ouverte a donné communication de ces documents à l'administration fiscale ; que, dans ces conditions, c'est par une application régulière des dispositions de l'article 1989 du code général des impôts que l'administration a reçu les renseignements qui ont concouru à l'établissement des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu mis à la charge du requérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre l'usage irrégulier fait par le service des dispositions de l'article 1987 du code, lesquelles n'ont pas été mises en oeuvre, sont inopérants ; qu'il en va de même du moyen tiré de la prétendue irrégularité d'une perquisition effectuée par les agents du même service au domicile de M. X..., dès lors que les impositions litigieuses ne procèdent pas, en tout état de cause, de l'exploitation de documents qui auraient pu être saisis lors de cette perquisition ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la direction nationale des enquêtes fiscales avait reçu, avant de décider l'intervention de ses agents, une dénonciation précise, écrite et signée ; que celle-ci faisait état, entre autres agissements frauduleux, de l'utilisation de fausses factures dans la gestion des sociétés contrôlées par M. X... ; que ce type d'agissement était au nombre des infractions de caractère économique telles qu'elles étaient limitativement énumérées par l'ordonnance précitée du 30 juin 1945 ; que la circonstance que les opérations de contrôle menées sur le fondement de ce texte n'auraient pas ultérieurement donné lieu à des poursuites pour infractions économiques n'est pas, dans ces conditions, de nature à établir un détournement de procédure ; que, de même, le fait que certains des documents dont le service a obtenu communication auprès du juge d'instruction auraient auparavant été volés et recélés par les auteurs des dénonciations, lesquels ont été pénalement sanctionnés à raison de ces agissements, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, en notifiant à M. X... les redressements qu'elle se proposait d'apporter à ses revenus imposables, suffisamment informé le contribuable de la teneur des renseignements qu'elle avait recueillis dans l'exercice de son droit de communication pour que l'intéressé ait été, ainsi, mis à même de demander la communication des documents en cause avant la mise en recouvrement des impositions ; que, contrairement à ce que soutient M. X..., l'administration n'était pas tenue de communiquer d'elle-même, en l'absence de toute demande de la part du contribuable, lesdites pièces ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts : "Sont considérés comme revenus distribués : ... 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices" ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt, devenu définitif, en date du 4 novembre 1982 de la cour d'appel de Paris, condamnant le contribuable pour le délit d'abus de biens sociaux, que M. X... s'est livré de 1976 à 1980 à des détournements de recettes en espèces des magasins des sociétés qu'il contrôlait ; qu'en application du texte précité, l'administration était fondée à regarder les sommes détournées comme des revenus distribués au contribuable et à les taxer à son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant, en second lieu, que si M. X... fait grief à l'administration de ne pas lui avoir accordé, pour le calcul de son impôt sur le revenu, le bénéfice de la "cascade" prévue à l'article L.77 du livre des procédures fiscales, ce moyen est, en tout état de cause, inopérant, dès lors que la base d'imposition n'a pas été calculée à partir des bénéfices sociaux redressés, mais correspond à des sommes qui, ainsi qu'il vient d'être dit, ont été directement appréhendées par le requérant ;
Sur les revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles 176 et 179 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux impositions contestées, que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration, et qu'en cas de défaut de réponse, le contribuable est taxé d'office à l'impôt sur le revenu ;
Considérant que ces dispositions ont été appliquées à M. X... à raison d'apports en espèces à son compte bancaire se montant à 363 000 F en 1977, et 55 000 F en 1978 ; que l'intéressé s'est borné à faire état, en termes généraux, tant devant l'administration que devant le juge de l'impôt, d'une part, de la vente de bons de caisse qu'il aurait acquis antérieurement, sans en justifier autrement que par des bordereaux anonymes, et d'autre part, de l'existence de prélèvements imposés au titre des revenus de capitaux mobiliers ainsi que de retraits d'espèces antérieurs aux années d'imposition, sans présenter aucun élément à l'appui de ces affirmations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que l'administration était en droit de regarder les réponses de M. X... comme équivalant à un défaut de réponse au sens de l'article 179 du code général des impôts, et en conséquence de le taxer d'office, d'autre part, que l'intéressé, auquel incombe de ce fait la charge de la preuve, ne justifie pas davantage devant le juge de l'impôt de l'origine des sommes litigieuses ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. X... ne peut être accueillie ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 mars 1984 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Jacques X... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.