Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 octobre 1986 la requête présentée par l'Union des chambres syndicales de l'industrie du pétrole, représentée par son président en exercice ; elle demande que le Conseil d'Etat annule le décret 86-549 du 14 mars 1986 portant création d'une taxe parafiscale sur les huiles de base au profit de l'agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets, ensemble la décision implicite des ministres rejetant le recours gracieux dont ils étaient saisis et réputée acquise le 26 avril 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret attaqué ;
Vu l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances ;
Vu le traité de Rome ;
Vu le décret du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schmeltz, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de l'Union des chambres syndicales de l'industrie du pétrole,
- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret attaqué du 14 mars 1986, les huiles de base, passibles de la taxe parafiscale que ce texte institue, sont "les huiles lubrifiantes et autres, reprises au numéro 27.10 C III du tarif des douanes à l'exclusion des produits qui présentent le caractère soit d'huiles régénérées, obtenues par un raffinage d'huiles usagées, soit de préparations lubrifiantes constituées d'un mélange de pétrole et de produits non pétroliers" ; que l'Union des chambres syndicales de l'industrie du pétrole soutient que les dispositions précitées établiraient ainsi une discrimination entre producteurs d'huiles neuves et producteurs de lubrifiants régénérés ;
Mais considérant que le principe d'égalité devant les charges publiques ne s'oppose pas à ce que des règles différentes soient appliquées à des catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, au regard du but en vue duquel est instituée une taxe parafiscale ;
Considérant qu'en admettant que les huiles neuves et les huiles régénérées présentent des caractéristiques physiques analogues et que ces deux catégories de lubrifiants entrent indifféremment dans la composition "d'huiles de commerce", ces circonstances sont sans influence sur la légalité du décret attaqué dès lors que la taxe parafiscale contestée, instituée au profit de l'Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets, a pour objet de favoriser, dans l'intérêt de la protection de l'environnement, la collecte, le traitement et l'élimination des huiles usagées ; qu'il suit de là que l'inégalité de traitement établi entre les producteurs et importateurs d'huiles neuves et les producteurs et importateurs d'huiles régénérées, qui est en rapport direct avec l'objet même en vue duquel la taxe parafiscale a été instituée, ne méconnaît pas le principe de l'égalité devant les charges publiques ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du traité de Rome prohibant les discriminations à raison de la nationalité des producteurs :
Considérant que si les dispositions de l'article 95 du traité instituant la communauté économique européenne font interdiction à tout Etat membre de frapper directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires, il ressort des dispositions précitées de l'article 2 du décret susvisé du 14 mars 1986, que la taxe litigieuse frappe les produits lubrifiants neufs indépendamment de leur provenance et exclut de son champ d'application les huiles régénérées quelle qu'en soit également la provenance ; que par suite, l'Union requérante n'est pas fondée à soutenir qu'aurait été méconnu le principe posé par l'article 95 précité du traité de Rome ;
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ainsi que du décret du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des articles 1 et 8 du décret attaqué que la taxe parafiscale dont s'agit est instituée au profit de l'Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets et que son produit est transféré mensuellement à cet organisme, lequel, est un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial ; qu'ainsi ni la mission, confiée au comité de gestion prévu à l'article 9 du décret, de décider la répartition du produit disponible de la taxe entre les affectations définies à l'article 8, ni la circonstance qu'un contrôleur d'Etat près de l'agence susmentionnée dispose du droit de s'opposer aux décisions du comité de gestion, ne suffisent pas en l'espèce, contrairement à ce que soutient l'Union requérante, à établir que la taxe parafiscale aurait en réalité été instituée au profit de l'Etat en violation de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et que l'Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets ne serait pas l'utilisateur de ladite taxe ;
Considérant, d'autre part, que le comité de gestion ayant pour unique tâche de procéder à la répartition du produit disponible de la taxe dont l'organisme bénéficiaire, l'affectation, l'assiette, le fait générateur, les règles de liquidation et de recouvrement ainsi que le taux sont définis par le décret en Conseil d'Etat attaqué, le moyen tiré de la violation des règles de compétence posées par le décret du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales ne peut qu'être écarté ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la requête de l'Union des chambres syndicales de l'industrie du pétrole ne saurait être accueillie ;
Article 1er : La requête de l'Union des chambres syndicales de l'industrie du pétrole est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des chambres syndicales de l'industrie du pétrole, au Premier Ministre, au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget et au ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs.