Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 août 1984 et 10 décembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Anselme X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 3 mai 1984, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1977 et 1979 à raison de la réintégration dans ses revenus fonciers desdites années d'indemnités d'éviction respectivement de 150 000 F et de 99 042 F,
2°) lui accorde la réduction des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 13 du code général des impôts : "Le ... revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut... sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu" et qu'aux termes de l'article 28 du même code : "Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété" ;
Considérant que, ni l'indemnité versée, en cas de non-renouvellement du bail, au preneur d'un local commercial ou au fermier d'une exploitation agricole, ni les indemnités réparatrices des dommages de tous ordres subis par ces locataires du fait de leur éviction, n'entrent dans les charges de propriété énumérées par les dispositions du I de l'article 31 du code ; que, d'autre part, pour déterminer si de telles indemnités trouvent leur contrepartie dans un accroissement du capital immobilier du bailleur ou doivent être regardées comme des dépenses effectuées par lui en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu, au sens du 1 de l'article 13 du code, ou si lesdites indemnités entrent, le cas échéant, dans l'une et l'autre de ces catégories, selon des proportions à fixer, il y a lieu de tenir compte des circonstances de l'espèce ;
En ce qui concerne l'indemnité versée à M. Z... :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés sur ce point, dans sa requête, par M. X... :
Considérant qu'en vue de reprendre la disposition du domaine agricole d'une superficie de 42 ha 86 a 84 ca dont il est propriétaire à La Houssoye (Oise) et dont il avait confié l'exploitation à M. Z... par un bail à ferme venu à expiration en 1968, mais prorogé par l'effet des dispositions du code rural, M. X... s'est engagé, par convention amiable du 11 mai 1977, à verser à M. Z... une indemnité de 150 000 F en contrepartie du départ de ce dernier ; qu'il a reloué le domaine ainsi libéré, porté à 44 ha 13 a par l'adjonction d'une parcelle lui appartenant, à son fils, M. Alain X..., par un bail conclu le 29 décembre 1977 ;
Considérant que le requérant soutient que, d'une part, M. Z... n'avait pas correctement entretenu, comme il en avait la charge, la terre de la Houssaye et ses bâtiments d'exploitation qui s'étaient notablement détériorés et que le nouveau locataire a dû engager de ce fait des dépenses importantes, pour partie à la charge du propriétaire en fin de bail et que, d'autre part, le changement de locataire lui a permis d'augmenter le fermage ; que l'administration ne conteste pas sérieusement ces affirmations en se bornant à prétendre que l'indemnité d'éviction servie à M. Z... trouverait sa contrepartie dans l'accroissement du capital immobilier du requérant et que l'augmentation de loyer serait imputable à la faible extension des surfaces louées au nouveau locataire ou à l'augmentation générale de productivité de l'agriculture ; que, compte tenu de ces circonstances, l'indemnité d'éviction de 150 000 F payée à M. Z... doit être regardée en l'espèce comme ayant eu le caractère d'une dépense effectuée en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu, au sens du 1 de l'article 13 du code général des impôts ; qu'il n'est pas contesté que l'intégralité de cette indemnité a été versée à M. Z... en 1977 ; qu'elle était donc déductible du revenu imposable de M. X..., au titre de ladite année ;
En ce qui concerne l'indemnité versée à M. Y... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la "société civile immobilière du ...", alors en cours de formation et dont l'épouse de M. X... est l'associée, a acquis, par adjudication, en 1970, un immeuble en cours de construction après démolition d'un immeuble ancien sis ... ; que les propriétaires successifs de ces immeubles, dont la société civile, actuel propriétaire, ont été conjointement et solidairement condamnés par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 mai 1979, à payer une indemnité à M. Y... en réparation des dommages subis par ce dernier du fait de son éviction d'un local situé dans l'immeuble ancien, sur lequel il détenait un bail commercial ; que M. X... a versé à M. Y... une fraction, égale à 99 042 F, de cette indemnité ;
Considérant que M. X... soutient que, du fait d'une mention inexacte du cahier des charges de l'adjudication, selon laquelle l'immeuble du ... aurait été mis en vente libre de toute occupation, l'immeuble acquis aurait été grevé d'une charge de propriété commerciale à l'insu de la société civile et que le versement de l'indemnité d'éviction aurait donc eu pour seul effet, non d'accroître la valeur de l'immeuble, mais de le rétablir à sa valeur d'origine ; qu'il ne donne, toutefois, aucune indication sur l'utilisation de l'immeuble envisagée par la société civile après le versement de l'indemnité due à M. Y... ; qu'ainsi, il ne justifie pas que ce paiement aurait eu le caractère d'une dépense effectuée pour l'acquisition ou la conservation du revenu, au sens du 1 de l'article 13 du code général des impôts ;
Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre de l'année 1977 sur une base de 150 000 F ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu imposable assigné à M. X..., au titre de l'année 1977, sont réduites de 150 000 F.
Article 2 : M. X... est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1977, à raison de la réduction, des bases d'imposition, de la somme de 150 000 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 mai 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.