Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 29 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement en date du 24 juillet 1985 par lequel le tribunal administratif de Nice a déchargé M. Kenneth Drake X... des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ce contribuable a été assujetti dans les rôles de la commune de Grasse au titre des années 1978, 1979 et 1980 ;
2- rétablisse M. X... aux rôles de l'impôt sur le revenu à raison de l'intégralité des droits supplémentaires qui ont été mis à sa charge au titre des années 1978 et 1979 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pouillieute, Maître des requêtes,
- les observations de Me Consolo, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions contestées : "1- En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de son train de vie le barème ci-après ..." ; que, parmi les éléments du barème figurent les "employés de maison, précepteurs, préceptrices, gouvernantes ..." ;
Considérant que, pour justifier l'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu au titre des années 1978 et 1979 sur le fondement des dispositions précitées, l'administration fiscale a retenu, au nombre des éléments de train de vie de l'intéressé, deux employés de maison en 1978 et trois en 1979 ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que le nombre des employés de maison devant être pris en compte n'était que d'un seul pour chacune des deux années ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET soutient, dans son appel, que ce nombre était en réalité de quatre pour chacune des deux années, ce qui fait apparaître une base supérieure à celle qui avait été initialement retenue et que, par suite, les impositions qui auraient dû être établies étant d'un montant supérieur à celui qui a été fixé, il y a lieu de rétablir intégralement les impositions contestées ;
Considérant que, pour l'application des dispositions législatives précitées, il convient d'entendre par "employés de maison" les personnes qui sont, à temps complet, au service du contribuable ou des membres de son foyer fiscal pourl'exécution des tâches de la vie courante y compris celles de ces tâches qui consistent dans le gardiennage de l'habitation ou l'entretien de jardins ou de parcs constituant la dépendance de l'habitation ;
Considérant que, selon les précisions données par M. X... lui-même, celui-ci employait, au cours des deux années 1978 et 1979, une employée de maison non logée chargée de travaux courants du ménage, pour 160 heures par mois, et une cuisinière pour 140 heures par mois ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit et eu égard au temps de travail, ces deux salariées devaient être prises en compte pour l'application du barème, comme employés de maison ;
Considérant, il est vrai, que, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts reprises à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, M. X... se prévaut de l'interprétation de la loi fiscale qui serait contenue dans les dispositions du paragraphe 27 de l'instruction du 3 avril 1959, reprises des paragraphes 39 à 43 de la documentation administrative de base à jour au 1er mars 1979 (rubrique 5 B 5232) ;
Considérant qu'il ressort de l'examen de ce document que ces dispositions, si elles écartent de la prise en compte les personnes qui ne consacrent au contribuable "qu'une partie de leur temps" et, notamment, "les extras et les femmes de ménage", précisent que "l'employé de maison doit ... être attaché de façon permanente au service de l'employeur", notamment sur le plan matériel et personnel, en mentionnant qu'il "est sans intérêt que l'employé de maison soit ou non logé et nourri, qu'il soit rémunéré par un tiers ou par le contribuable ..." ; qu'il suit de là que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la prise en compte des deux personnes susmentionnées comme employés de maison pour l'application du barème n'est pas contraire à l'interprétation de la loi fiscale que l'administration aurait donnée dans une instruction administrative ; que, dès lors, le moyen que présente sur ce point M. X... n'est pas fondé ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, durant les années dont s'agit, le contribuable disposait à Grasse en tant que locataire d'une vaste villa, propriété d'une société dont le siège est à Panama et comportant un parc de plus de trois hectares, dont l'entretien était assuré jusqu'au 7 mai 1978 par un et, à compter de cette date, par deux employés de la société bailleresse, rémunérés à concurrence d'un quart par ladite société et des trois-quarts par le contribuable ; que l'un de ces employés assurait également, en 1979, les fonctions de gardien ; qu'il suit de là qu'en retenant, pour un employé de maison en 1978 et deux en 1979, ces personnes, nonobstant la circonstance qu'elles étaient liées par contrat de travail à une société tierce et affiliées à un régime social obligatoire autre que celui qui est applicable aux employés de maison, l'administration a fait, dans les circonstances de l'espèce, une exacte application des dispositions précitées de l'article 168 du code général des impôts ; qu'il ne ressort pas du dossier, en revanche, et contrairement à ce que soutient le ministre en appel, qu'un second jardinier ait été employé au cours de l'année 1978 dans des conditions qui permettent de le prendre en compte pour l'application du barème ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les bases d'imposition de M. X... sur le fondement de l'article 168 devaient être fixées pour l'année 1978 à 470 800 F et pour l'année 1979 à 634 000 F ; que l'imposition contestée ayant été établie sur des bases d'imposition fixées à 395 400 F pour 1978 et 560 300 F pour 1979, LE MINISTRE DELEGUE CHARGE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accordé à M. X... la réduction des impositions contestées ;
Article 1er : M. X... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1978 et 1979 à raison de l'intégralité des droits supplémentaires et des pénalités qui lui ontété assignés.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 24 juillet 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.