Vu 1°) sous le n° 84 757 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 janvier 1987 et 10 avril 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société AUTOMOBILES CITROEN, dont le siège social est ..., représentée par le président du directoire en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 64-576-64-577/7 du 25 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit aux conclusions de sa demande et a limité à 50 000 F la condamnation, qu'il estime insuffisante, prononcée à l'encontre de l'Etat en réparation des préjudices résultant des illégalités commises par l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois ;
2°) condamne l'Etat à lui verser d'une part la somme de 101 610,17 F avec intérêts à compter du 8 novembre 1985 en réparation des préjudices subis en raison de la faute de service commise par l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois d'autre part la somme de 10 000 F avec intérêts à compter de la même date en réparation du préjudice subi en raison de la faute personnelle inexcusable, non dépourvue de lien avec le service, commise par ce même inspecteur du travail ;
Vu 2°) sous le n° 85 033 le recours enregistré le 11 février 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présenté par le ministre des affaires sociales et de l'emploi et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement no 64 576 et 64 577/7 du 25 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite rejetant une demande de la société AUTOMOBILES CITROEN tendant au versement d'une indemnité et l'a condamné à verser une indemnité de 50 000 F à ladite société ;
2°) rejette les demandes présentées par la société AUTOMOBILES CITROEN devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu 3°) sous le n° 85 034, le recours enregistré le 11 février 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présenté par le ministre des affaires sociales et de l'emploi et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 60 195-60 196/7 du 25 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de la société AUTOMOBILES CITROEN les décisions implicites de rejet de l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois, résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de licenciement pour faute de MM. X... et Y... présentées par ladite société ;
2°) rejette les demandes présentées par la société AUTOMOBILES CITROEN devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décebre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat de la société AUTOMOBILES CITROEN,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de la société AUTOMOBILES CITROEN et les recours du ministre des affaires sociales et de l'emploi présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que par deux jugements du 2 juillet 1985, confirmés par la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 9 octobre 1987, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du 11 mars 1983 de l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois et les décisions implicites confirmatives du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale refusant à la société AUTOMOBILES CITROEN l'autorisation de licencier pour faute M. X..., délégué syndical, représentant syndical au comité d'établissement et délégué du personnel et M. Y..., membre du comité d'établissement, aux motifs que ces salariés avaient commis des fautes suffisamment graves pour justifier leur licenciement, qu'il n'était pas établi que leur licenciement fût en rapport avec leurs fonctions représentatives ou leur appartenance syndicale et que, dans les circonstances de l'espèce, les refus opposés à leur licenciement portaient une atteinte excessive aux intérêts de l'entreprise ; qu'à la suite de ces jugements, la société AUTOMOBILES CITROEN a, le 15 juillet 1985, demandé de nouveau à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour faute MM. X... et Y... ; que ces demandes ayant été implicitement rejetées, la société a saisi le tribunal administratif de Paris qui, par les deux jugements attaqués en date du 25 novembre 1986, a, respectivement, annulé les décisions de rejet implicites de l'inspecteur du travail et condamné l'Etat à verser à la société AUTOMOBILES CITROEN une indemnité de 50 000 F ;
En ce qui concerne le recours n° 85.034 dirigé contre le jugement n° 60 195-60 196/7 du 25 novembre 1986 :
Sur les conclusions de l'appel incident de la société AUTOMOBILES CITROEN :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail, l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi d'une demande d'autorisation de licenciement de représentants du personnel ou de représentants syndicaux, "procède à une enquête contradictoire ... (et) statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai ... ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient ..." ; que la décision de l'inspecteur du travail de prolonger le délai susmentionné a le caractère d'une mesure préparatoire qui n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, la société AUTOMOBILES CITROEN n'est pas fondée à soutenir, par la voie du recours incident, que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre les lettres de l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois du 23 juillet 1985 l'informant qu'il prolongeait, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 436-4 du code du travail, le délai d'instruction des deux demandes d'autorisation de licenciement dont la société l'avait saisi le 15 juillet 1985 ;
Sur les conclusions du recours du ministre des affaires sociales et de l'emploi :
En ce qui concerne la décision refusant d'autoriser le licenciement de M. X... :
Considérant qu'il est constant que M. X... a été licencié pour motif économique par la société AUTOMOBILES CITROEN au cours du mois d'octobre 1985 ; qu'il suit de là qu'à la date d'expiration du délai de quatre mois courant à compter de la demande présentée le 15 juillet 1985 par la société en vue d'obtenir l'autorisation de licencier ce salarié pour faute, ladite demande n'avait plus d'objet et ne pouvait qu'être rejetée par l'inspecteur du travail ; que, dès lors, le ministre du travail et de l'emploi est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail rejetant la demande d'autorisation de licencier M. X... ;
En ce qui concerne la décision refusant d'autoriser le licenciement de Y... :
Considérant qu'à la suite de l'annulation, par le jugement susmentionné du tribunal administratif de Paris en date du 2 juillet 1985, de la décision de l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois du 11 mars 1983 et de la décision ministérielle confirmative refusant à la société AUTOMOBILES CITROEN l'autorisation de licencier pour faute M. Y..., il appartenait à l'administration de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation, qui avait été confirmée le 15 juillet 1985, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par la société ;
Mais considérant, d'une part, que l'inspecteur du travail ne pouvait, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée par le tribunal et par le Conseil d'Etat, ni dénier aux faits reprochés à M. Y... le caractère de faute suffisamment grave pour justifier son licenciement, ni estimer que la demande de licenciement de ce salarié était en rapport avec ses fonctions représentatives ; que, d'autre part, si l'inspecteur du travail conservait la faculté de refuser l'autorisation sollicitée en retenant, eu égard à la situation existant à la date de sa décision, des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence, il ne résulte pas de l'instruction que de tels motifs aient pu être légalement retenus pour s'opposer au licenciement de M. Y... à la date à laquelle l'inspecteur du travail a implicitement rejeté la demande d'autorisation présentée par la société le 15 juillet 1985 ; que, dès lors, le ministre des affaires sociales et de l'emploi n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 1er de son jugement, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois rejetant la demande d'autorisation de licencier M. Y... ;
En ce qui concerne la requête n° 84 757 et le recours n° 85 033 dirigés contre le jugement n° 64 576-64 577/7 du 25 novembre 1986 :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en relevant que la société AUTOMOBILES CITROEN n'invoquait aucun préjudice distinct directement imputable à la faute professionnelle commise par l'inspecteur du travail et qui justifierait l'octroi d'une indemnité de 10 000 F, le tribunal administratif a répondu aux conclusions de la société tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable de la faute personnelle non dépourvue de lien avec le service qu'aurait, selon elle, commise ledit inspecteur et a suffisamment motivé son jugement sur ce point ; qu'en outre, ledit jugement n'est entaché d'aucune contradiction de motifs ;
Au fond :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions à fins d'indemnité présentées en première instance par la société AUTOMOBILES CITROEN :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la prolongation, par l'inspecteur du travail, du délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 436-4 du code du travail n'était pas justifiée par les nécessités de l'enquête ; que, par suite, la mesure ainsi prise par l'inspecteur du travail n'est pas constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision implicite par laquelle l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour faute de M. X... n'était pas entachée d'illégalité ; qu'ainsi, ladite décision ne saurait engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'illégalité commise par l'administration en refusant d'autoriser le licenciement de M. Y... constitue une faute de service susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, les seuls préjudices dont la société AUTOMOBILES CITROEN demande réparation de ce chef sont, dans le dernier état de ses conclusions devant le Conseil d'Etat, constitués par les sommes que la société a versées à M. Y... à titre de préavis et l'indemnité de licenciement lorsqu'elle a licencié ce salarié en janvier 1986 pour une faute autre que celle qui avait motivé la demande de licenciement rejetée illégalement ; que ces préjudices ne sont donc pas la conséquence directe de la faute ainsi commise par l'administration ;
Considérant, enfin, que si, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois a commis une faute de service en refusant illégalement d'autoriser le licenciement de M. Y..., il ne résulte pas de l'instruction que ce fonctionnaire ait agi pour des motifs étrangers à l'intérêt général ni fait preuve de partialité à l'égard de la société AUTOMOBILES CITROEN ; que, dès lors, et quelle que soit la gravité de la faute commise, la société ne saurait soutenir que le comportement de l'inspecteur du travail a constitué, indépendamment de la faute de service susmentionnée, une faute personnelle non dépourvue de lien avec le service et de nature à engager, distinctement, la responsabilité de l'Etat ; qu'ainsi, et en tout état de cause, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnité de 10 000 F présentée à ce titre par la société ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part que le ministre des affaires sociales et de l'emploi est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser une indemnité de 50 000 F à la société AUTOMOBILES CITROEN, et d'autre part, que ladite société n'est pas fondée à demander la réformation du même jugement en tant qu'il lui aurait alloué une réparation insuffisante ;
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 60 195-60 196/7 du 25 novembre 1986 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il annule la décision implicite de l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois rejetant la demande de la société AUTOMOBILES CITROEN tendant à obtenir l'autorisation de licencier M. X....
Article 2 : La demande de la société AUTOMOBILES CITROEN présentée devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de la décision implicite de l'inspecteur du travail d'Aulnay-sous-Bois rejetant sa demande d'autorisation de licencier M. X... est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours n° 85 034 du ministre des affaires sociales et de l'emploi et les conclusions du recours incident de la société AUTOMOBILES CITROEN dans la même instance sont rejetés.
Article 4 : Les articles 1 et 2 du jugement n° 64-576-64 577/7 du 25 novembre 1986 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 5 : La requête n° 84 757 de la société AUTOMOBILES CITROEN et les demandes d'indemnité présentées par la société devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société AUTOMOBILES CITROEN, à M. X..., à M. Y..., et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.