Vu le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 janvier 1988 et le recours à fins de sursis enregistré à la même date et présentés par le ministre de l'intérieur et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 15 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté ministériel d'expulsion pris à l'encontre de M. Ismet X... le 13 mars 1987 ;
2°) décide qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Vu la décision du conseil constitutionnel n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 ;
Vu la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Duléry, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si l'article 25, 2°, 3° et 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction résultant des lois du 29 octobre 1981 et 17 juillet 1984 interdisait l'expulsion des étrangers résidant habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de 10 ans, depuis plus de quinze ans ou qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ou bien à plusieurs peines d'emprisonnement sans sursis au moins égales, ces dispositions ont été modifiées par la loi du 9 septembre 1986 qui a limité l'interdiction "à l'étranger qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de dix ans ou depuis plus de dix ans et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou un an avec sursis ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées" ;
Considérant que l'expulsion d'un étranger n'a pas le caractère d'une sanction, mais d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que, dès lors, les dispositions précitées de la loi du 9 septembre 1986, publiée au journal officiel le 12 septembre suivant, qui sont entrées en vigueur dans le délai prévu par le décret du 5 novembre 1870, pouvaient dès l'expiration de ce délai être appliquées à des étrangers remplissant les conditions fixées par elles, quelle que fût la date des condamnations retenues à leur encontre ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la circonstance que les condamnations pénales retenues à l'encontre de M. Ismet X... étaient antérieures à l'intervention de la loi précitée pour annuler l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR du 25 novembre 1986 prononçant l'expulsion de l'intéressé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi e l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Ismet X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Considérant d'une part que M. Ismet X... a reçu le 15 janvier 1987 à la maison d'arrêt de Saint-Etienne où il se trouvait incarcéré, le bulletin l'informant qu'une procédure d'expulsion était engagée à son encontre et que la commission des expulsions examinerait son cas lors de sa séance du 26 janvier suivant ; qu'il a ainsi été informé de cette réunion dans les délais impartis par l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et qu'il a pu présenter sa défense ; que par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure devant la commission ne peut être accueilli ;
Considérant d'autre part qu'il est constant que M. Ismet X... s'est rendu coupable de vol d'armes qualifié, de vol aggravé avec effraction et en réunion et qu'il a été condamné pour ces faits à des peines d'emprisonnement pour un total de 29 mois ; qu'ainsi il pouvait légalement faire l'objet d'un arrêté d'expulsion ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, et notamment du lourd passé délictueux de l'intéressé, que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public, le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre requérant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. Ismet X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 décembre 1987 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Ismet X... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ismet X... et au ministre de l'intérieur.