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18/11/1988 | FRANCE | N°84564

France | France, Conseil d'État, 7 / 9 ssr, 18 novembre 1988, 84564


Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION, CHARGE DU BUDGET, enregistré le 22 janvier 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 13 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à M. Etienne X..., viticulteur, la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ce contribuable a été assujetti au titre des années 1977 et 1978 dans les rôles de la commune de Castillon de Castets (33210),<

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Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION, CHARGE DU BUDGET, enregistré le 22 janvier 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 13 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à M. Etienne X..., viticulteur, la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ce contribuable a été assujetti au titre des années 1977 et 1978 dans les rôles de la commune de Castillon de Castets (33210),
2°) remette intégralement les impositions contestées à la charge de M. X...,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Turquet de Beauregard, Maître des requêtes,
- les observations de Me Parmentier, avocat de M. Etienne X...,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a, le 23 décembre 1975, cédé par voie d'apport à une société civile le domaine viticole qu'il exploitait personnellement à Saint-Magne de Castillon et dont les bénéfices étaient imposables à l'impôt sur le revenu sous le régime du forfait légal fixé à l'article 64 du code général des impôts ; qu'il a conservé la propriété des stocks de vins qui se trouvaient en chai au 31 décembre 1975 ; qu'il a, en 1976, 1977 et 1978, procédé à la vente des vins provenant de ces stocks ; qu'il doit être regardé comme ayant, ce faisant, poursuivi, au cours de ces années, son activité d'exploitant agricole ; que les profits qu'il a réalisés de ce chef devaient, par suite, en vertu de l'article 63 du code général des impôts, être imposés à l'impôt sur le revenu en tant que bénéfices agricoles ; que, compte tenu du montant des recettes brutes qu'il a perçues à cette occasion, soit, respectivement, pour chacune des années susmentionnées, 1 408 753 F, 1 569 604 F et 1 901 556 F, il relevait, pour les années 1977 et 1978, du régime d'imposition d'après le bénéfice réel, par application des dispositions de l'article 69 A du même code ;
Considérant, toutefois, que M. X... s'est prévalu devant le tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L.80 du livre des procédures fiscales, de l'interprétation de la loi fiscale qui a été exprimée par le ministre des finances dans sa réponse à la question écrite de M. Y..., député, publiée au Journal Officiel des débats de l'Assemblée Nationale du 24 août 1974, selon lesquelles les ventes, par un exploitant qui cesse son ativité agricole, de cognac stocké pendant la période d'exploitation au cours de laquelle il relevait du régime forfaitaire ne peuvent être à nouveau soumises à l'impôt sur le revenu dès lors qu'elles sont censées avoir été déjà taxées ; que, par le jugement du 13 novembre 1986 que conteste le MINISTRE CHARGE DU BUDGET, le tribunal administratif de Bordeaux, en se fondant sur ce que ladite interprétation était opposable à l'administration, a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti au titre des années 1977 et 1978 ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris au deuxième alinéa de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales : "Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente" ;
Considérant que, pour déterminer si une somme dont un contribuable a disposé au cours d'une année est passible de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, selon quelles modalités ou à quel taux, il y a lieu, sauf disposition législative contraire, de rechercher quelle est la loi en vigueur au 31 décembre de ladite année ou, lorsque l'impôt s'applique aux résultats d'un exercice, à la date de clôture de cet exercice ; que, lorsque le contribuable pour faire échec à la loi fiscale, se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées, d'une interprétation plus favorable que l'administration avait fait connaître, il y a lieu, pour le juge de l'impôt, de rechercher si, à la date du 31 décembre de l'année d'imposition ou à celle de la clôture de l'exercice, selon le cas, l'interprétation administrative propre à faire obstacle à la loi, ainsi invoquée, n'avait pas été rapportée ; que les dispositions précitées de l'article 1649 quinquies E ne contiennent sur ce point aucune dérogation aux règles qui gouvernent l'assiette des impositions à l'impôt sur le revenu ;

Considérant qu'il n'est pas allégué que M. X... aurait clos à une date autre que celle du 31 décembre les exercices correspondant à son activité agricole imposable à l'impôt sur le revenu au titre des années 1977 et 1978 ;
Considérant que l'instruction administrative du 14 juin 1977 relative au régime d'imposition des bénéfices agricoles, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts du même mois, précise que les profits que procure à un ancien agriculteur la vente de stocks qu'il a conservés après cession ou cessation de son exploitation constituent des bénéfices agricoles, sous réserve que les ventes ne soient pas faites au détail dans une installation commerciale permanente ou à l'aide d'un personnel spécial, et que les recettes provenant de la vente de stocks après cession ou cessation d'activité doivent, sous réserve qu'elles ne présentent pas un caractère commercial, être prises en compte pour l'appréciation de la limite de 500 000 F prévue à l'article 69 A du code général des impôts ; que ces dispositions, qui ne comportent aucune restriction à l'égard de certains produits agricoles, ont eu pour effet de mettre fin, selon un mode de publicité suffisant, à l'interprétation contraire que le ministre des finances avait fait connaître dans sa réponse susmentionnée ; que, dès lors, aucune interprétation susceptible de faire échec à la loi fiscale n'était opposable à l'administration et, par suite, au juge de l'impôt, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, à la date des 31 décembre 1977 et 31 décembre 1978 auxquelles, comme il a été dit, il convient de se placer en l'espèce pour apprécier les obligations du contribuable en matière d'impôt sur le revenu et, par suite, les droits du Trésor au titre des années 1977 et 1978 ;

Considérant qu'il suit de là que le ministre appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des compléments d'imposition en litige, le tribunal administratif s'est fondé, dans le jugement attaqué, sur l'interprétation de la loi fiscale qui a été donnée dans la réponse à la question écrite susmentionnée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif ;
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que M. X... n'a pas souscrit, au titre des années 1977 et 1978, la déclaration de bénéfices agricoles à laquelle il était tenu en vertu des dispositions combinées des articles 69 quater et 53 du code général des impôts ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a établi par voie de taxation d'office les impositions à l'impôt sur le revenu, au titre desdites années, dans la catégorie des bénéfices agricoles ; que, par suite, M. X... ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction des impositions ainsi établies qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur, en l'absence de comptabilité, a évalué le bénéfice imposable en retenant un bénéfice moyen de 3 F par bouteille de Bordeaux supérieur vendue et de 4 F par bouteille de Saint-Emilion vendue ; qu'eu égard à la méthode suivie par le vérificateur, qui n'est pas contestée dans son principe, le moyen que tire M. X... de l'erreur de droit qui aurait été commise dans l'évaluation des stocks, au 31 décembre 1977, est inopérant ; que le nombre de bouteilles de Bordeaux supérieur et de Saint-Emilion respectivement vendues n'est pas contesté par lui ; que, s'il soutient qu'il n'a pas été suffisamment tenu compte des frais qu'il a supportés, notamment en ce qui concerne la commercialisation et les emprunts contractés pour améliorer la rentabilité de l'exploitation, il se borne, sur ces divers points, à formuler des affirmations qui ne sont assorties d'aucun commencement de justifications ; qu'il ne fait état d'aucun élément, comptable ou extra comptable, de nature à établir que le bénéfice moyen par bouteille de Bordeaux supérieur ou de Saint-Emilion vendue était en réalité inférieur à celui retenu par le vérificateur ; que M. X... ne précise pas quels sont les pièces ou documents qui pourraient être utilement soumis à l'appréciation d'un homme de l'art ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise qu'il sollicite, il ne peut être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à M. X... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu qui ont été assignés à celui-ci au titre des années 1977 et 1978 ;
Article 1er : Le jugement en date du 13 novembre 1986 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : M. X... est rétabli aux rôles de l'imposition à l'impôt sur le revenu au titre des années 1977 et 1978 à raison de l'intégralité des compléments d'imposition auxquels il avait été assujetti dans la catégorie des bénéfices agricoles au titre desdites années.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 84564
Date de la décision : 18/11/1988
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L80, L80-A
CGI 64, 69 A, 1649 quinquies E al. 2, 69 quater, 53


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 1988, n° 84564
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Turquet de Beauregard
Rapporteur public ?: Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:84564.19881118
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