Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alic X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 juillet 1982 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande en décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti respectivement au titre des années 1973 à 1976 et au titre de l'année 1973 dans les rôles de la ville de Montpellier ;
2°) lui accorde la décharge des impositions restant en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Magniny, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant qu'il est constant que, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu au titre des années 1973 à 1976, M. X... n'a déposé qu'après l'expiration du délai légal les déclarations auxquelles il était tenu ; qu'il se trouvait, dès lors, en situation de taxation d'office au titre de ces années ; qu'il n'invoque aucun vice propre à la procédure de taxation d'office ; que les moyens qu'il tire des irrégularités qui entacheraient la procédure d'imposition et qui sont fondés sur des règles applicables à la procédure contradictoire d'imposition sont inopérants ;
Considérant que le contribuable auquel est applicable la procédure de taxation d'office ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction des impositions qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues ;
Sur les bases d'imposition :
Considérant qu'aux cours des années d'imposition 1973 à 1976, M. X... exerçait, en plus de son activité de médecin biologiste dans un laboratoire d'analyses médicales exploité à titre individuel, des fonctions de dirigeant dans une société anonyme et une société civile immobilière ayant pour objet la construction et l'exploitation d'une clinique chirurgicale ; que sa femme était président-directeur général d'une autre société anonyme qui vendait du matériel pour collectivités ; que, pour fixer les bases, l'administration a établi une balance entre les disponibilités connues du foyer fiscal et les disponibilités engagées, dont le solde inexpliqué a été retenu comme constituant un revenu imposable ; qu'en outre, l'administration a tenu compte, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, de l'incidence du rejet de déficits déclarés ; que M. X..., s'il ne conteste pas les réductions apportées aux déficits de ses revenus fonciers, s'efforce, sans critiquer la méthode retenue par le service, de justifier la nature et la provenanc des revenus de 1973 regardés comme étant d'origine indéterminée et de démontrer l'existence de déficits globaux reportables qui feraient disparaître tout revenu imposable au titre des quatre années en cause ;
Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, le ministre chargé du budget reconnaît que le revenu imposable de M. X... au titre de l'année 1973 doit être ramené de 1 783 900 F à 1 435 100 F, soit à un montant inférieur à celui qui a été retenu par le tribunal administratif ;
En ce qui concerne l'année 1973 :
Considérant que M. X... fait valoir que, comme le reconnait le ministre chargé du budget, dans la balance susmentionnée, le solde en fin d'année des comptes bancaires du foyer fiscal, soit 62 843 F compte tenu d'un solde positif de 521 F du compte de chèques postal, a été par erreur comptabilisé positivement alors qu'il était négatif ; qu'il convient, par suite, de diminuer à due concurrence le montant des disponibilités employées et de majorer d'autant, comme le demande le requérant, les disponibilités dégagées ; que, de même, doivent être déduits des disponibilités employées une somme de 27 990 F, correspondant à des amortissements, lesquels ne peuvent être regardés comme une dépense, et une somme de 366 667 F qui a été employée en 1972 et non en 1973 ; que, comme le demande d'ailleurs l'administration, les dépenses de train de vie financées en espèces doivent, en revanche, être portées de 49 000 F à 84 430 F, montant des retraits effectués à cette fin par Mme X... sur son compte courant dans la société "Rey et Tremblay" ;
Considérant que, si M. X... demande que soit rajoutée aux "disponibilités dégagées", dans le poste "solde créditeur au 1er janvier 1973 du compte courant de Mme X... dans la société "Rey et Tremblay"", la totalité des sommes qui ont été versées sur ce compte dans le courant de l'année pour un montant de 628 000 F, ses prétentions ne peuvent être accueillies ; qu'il ressort, en effet, des pièces du dossier que les salaires de Mme X..., soit 49 738 F, déduction faite des charges, et les loyers perçus pour son compte par la société, soit 226 000 F, inscrits au crédit de ce compte, ont déjà été inclus dans les "disponibilités dégagées" et ne peuvent donc être pris en compte une seconde fois, comme l'a jugé à tort le tribunal administratif, et que les autres sommes ont été à juste titre exclues de ce poste en l'absence de justification ; que, de même, les 84 430 F retirés par Mme X... en espèces de ce compte pour financer les dépenses d'existence du ménage, qui ont été régulièrement inclus dans les disponibilités employées par le jeu du solde du compte du 31 décembre 1973, ne peuvent être simultanément inscrits dans les "disponibilités dégagées" en raison de la méthode adoptée par le vérificateur ; qu'aucune justification n'est fournie quant à l'utilisation des 44 227 F qui auraient été prélevés sur ce compte pour payer des fournisseurs de la société ;
Considérant que, si M. X... soutient qu'une somme de 160 485 F, retirée en espèces du compte bancaire de son épouse à la B.N.P. en juillet 1972, doit être incluse dans les ressources justifiées, il n'établit pas qu'il avait encore la disposition de cette somme au début de l'année 1973 ; qu'en ce qui concerne les mouvements de fonds qui auraient affecté ce compte en 1973, M. X..., qui n'en a fait état qu'en appel sans fournir le montant des soldes au 1er janvier et au 31 décembre de ladite année, ne justifie pas l'origine et la nature des mouvements de ce compte par les relevés partiels qu'il présente ; qu'il ne justifie pas non plus d'un encaissement de 68 848 F dont il fait état ; qu'il ne justifie pas qu'un crédit de 14 000 F aurait été omis sur son compte de chèques postal ;
Considérant, en outre, que, si M. X... demande que le solde de son compte courant dans la société Paul Valéry au 31 décembre 1973, inscrit dans les "disponibilités employées", soit porté d'un montant positif de 217 377 F à un montant négatif de 446 310 F, il résulte de l'instruction que la variation ainsi invoquée provient de paiements effectués par la société pour le compte de M. X..., compensés par une avance de la société et par le crédit du compte courant, et que les "disponibilités dégagées" étant ainsi égales aux "disponibilités employées", les soldes créditeurs du compte demeurent identiques en début et en fin d'exercice ; que, si le requérant soutient que les charges retenues au titre des revenus fonciers, des bénéfices commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des salaires n'auraient pas été effectivement payées ou auraient été assumées sur les revenus du ménage et que, par suite, les montants correspondants devraient être déduites des "disponibilités employées", il n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations ; que, si le requérant soutient que, contrairement à ses affirmations initiales, il n'aurait pas versé 315 000 F mais seulement 200 000 F pour l'achat d'actions, il résulte de l'instruction que les 115 000 F restant, s'ils n'ont pas été affectés à une acquisition de cette nature, ont été engagés pour régler une partie des travaux réalisés pour la société "Carré du Roi", sans que cette opération puisse être assimilée à un simple transfert de dettes sans décaissement ; qu'enfin, la circonstance, à la supposer établie, que les soldes créditeurs des comptes courants détenus par les époux X... dans les différentes sociétés dont ils étaient actionnaires n'auraient pas été disponibles ne peut avoir pour conséquence de les faire retirer de la balance susmentionnée dès lors que le requérant n'établit que ces sommes n'étaient pas à sa disposition sur ces comptes ;
Considérant que les hypothèques et cautions fournies aux sociétés susmentionnées ne peuvent être incluses dans les charges personnelles déductibles, au regard des dispositions du II de l'article 156 du code général des impôts, les engagements correspondants ne pouvant, en tout état de cause, être regardés comme des dépenses assumées en 1973 ; que les pertes en capital subies par les sociétés anonymes "Carré du Roi" et "Rey et Tremblay" dont lui-même et sa femme étaient actionnaires, à les supposer établies, n'ont pas été supportées par eux et ne constituent pas des charges devant être incluses dans la balance établie par l'administration pour évaluer le revenu imposable ; que, de même, le déficit enregistré par la société civile immobilière "Paul Valéry" ne saurait être admis en charge pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dès lors que cette société exerçait une activité commerciale et était de ce fait soumise à l'impôt sur les sociétés ;
Considérant, enfin, que, si M. X... fait valoir que ses investissements en France, à partir de l'année 1973, auraient été financés au moyen de fonds provenant de la vente, en 1962, de participations qu'il détenait dans deux sociétés suisses exploitant des pharmacies à Genève, il n'établit ni la réalité de ces opérations, ni le rapatriement des fonds, ni leur existence à sa disposition au début de l'année 1973 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la base d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1973, telle qu'elle résulte du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 juillet 1982 doit être réduite de 484 913 F ;
En ce qui concerne les années 1974, 1975 et 1976 :
Considérant que M. X..., qui ne conteste pas les motifs des redressements apportés aux revenus qu'il a déclaré au titre de ces trois années, se borne, pour demander le dégrèvement des impositions supplémentaires correspondantes, à réclamer l'imputation, à concurrence de ses droits sociaux dans le capital de chacune d'elle, des déficits enregistrés au cours de ces trois exercices par les deux sociétés anonymes et la société civile immobilière mentionnées précédemment ; que, comme il vient d'être dit, les résultats de ces sociétés n'étant pas imposables à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés, les pertes qui affecteraient les résultats de ces sociétés sont sans influence sur le calcul du revenu imposable de M. X... ;
Article 1er : La base d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle au titre de l'année 1973 telle qu'elle a été fixée par le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 juillet 1982 est réduite de 484 913 F.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre le montant de la cotisation à l'impôt sur le revenu et la majoration exceptionnelle auquel il a été assujetti au titre de l'année 1973 et le montant qui résulte de la base définie à l'article premier ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 juillet 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.