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10/06/1988 | FRANCE | N°87433

France | France, Conseil d'État, 3 /10 ssr, 10 juin 1988, 87433


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 mai 1987 et 5 juin 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SEVRES, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par délibération du conseil municipal en date du 7 mai 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 23 janvier 1987 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Paris a annulé à la demande de M. Michel X... d'une part l'arrêté en date du 24 janvier 1986 par lequel le maire de Sèvres a infligé à

M. X... un abaissement d'échelon et d'autre part la décision du même jour...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 mai 1987 et 5 juin 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SEVRES, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par délibération du conseil municipal en date du 7 mai 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 23 janvier 1987 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Paris a annulé à la demande de M. Michel X... d'une part l'arrêté en date du 24 janvier 1986 par lequel le maire de Sèvres a infligé à M. X... un abaissement d'échelon et d'autre part la décision du même jour par laquelle le maire a refusé de retirer l'arrêté du 23 décembre 1985 ayant placé M. X... en disponibilité pour convenances personnelles,
°2) rejette les demandes susanalysées présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Paris,
°3) décide qu'il sera sursis à l'exécution dudit jugement en tant qu'il a annulé les deux décisions en date du 24 janvier 1986 du maire de Sèvres ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi °n 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret °n 85-1141 du 23 octobre 1985 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Baptiste, Auditeur,
- les observations de la SCP Lemaitre-Monod, avocat de la COMMUNE DE SEVRES,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives à l'arrêté du 24 janvier 1986 du maire de Sèvres infligeant à M. X... la sanction de l'abaissement d'échelon :

Considérant, en premier lieu, que le blâme infligé le 2 mai 1984 par le maire de Sèvres à M. X... était motivé par le comportement général d'indiscipline de l'intéressé à l'égard de ses supérieurs hierarchiques ainsi que par un incident qui l'avait opposé, le 2 avril 1984, à l'ingénieur des bâtiments de la ville ; que l'arrêté précité du 24 janvier 1986 est fondé, d'une part, sur une absence non justifiée le 21 août 1985 et, d'autre part, sur la poursuite du comportement d'indiscipline de M. X... manifestée par des agissements postérieurs à ceux qui avaient été retenus pour fonder le blâme prononcé en 1984 ; que, dans ces conditions, en prenant l'arrêté du 24 janvier 1986, le maire de Sèvres n'a pas infligé à M. X... une seconde sanction disciplinaire à raison des mêmes faits ;
Considérant, en second lieu, que le maire de Sèvres n'a pas fondé cet arrêté sur l'insuffisance professionnelle reprochée à M. X..., dont il a d'ailleurs tiré les conséquences en refusant, par une autre décision, de titulariser l'intéressé dans le grade de maître-ouvrier ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que, malgré les mises en garde qui lui ont été adressées par l'autorité municipale, M. X... a continué à faire preuve d'indiscipline à l'égard des ordres donnés par ses supérieurs hiérarchiques et de mauvaise volonté dans l'exécution des travaux qui lui étaient confiés ; que M. X... se borne à affirmer avoir prévenu en temps utile le responsable de son atelier de son absence du 21 août 1985 sans apporter d'élément de nature à corroborer cette affirmation, qui est contredite par les déclarations précises de ce responsable ; que le maire ne s'est pas ainsi fondé, pour prendre la décision attaquée, sur des faits matériellement inexacts ;

Considérant, enfin, que ces faits étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'en infligeant à M. X..., à raison de ces faits, la sanction de l'abaissement d'échelon, le maire n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 24 janvier 1986, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les motifs tirés de ce que M. X... aurait été frappé de deux sanctions pour les mêmes faits, de ce que le maire se serait fondé sur l'insuffisance professionnelle de M. X... et de ce que certains des faits reprochés n'étaient ni établis ni de nature à justifier la sanction disciplinaire ;
Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par M. X... devant le tribunal administratif ;
Considérant, que si M. X... soutient que la sanction qui lui a été infligée le 24 janvier 1986 aurait en fait été motivée par sa qualité de militant syndical, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que la COMMUNE DE SEVRES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du maire de Sèvres du 24 janvier 1986 portant abaissement d'échelon de M. X... ;
Sur les conclusions relatives à la mise en disponibilité de M. X... pour convenances personnelles :

Considérant qu'il résulte de l'examen des mémoires produits par M. X... devant le tribunal administratif de Paris que celui-ci contestait la légalité non seulement de l'arrêté du 23 décembre 1985 par lequel le maire de Sèvres l'avait placé, à sa demande, en position de disponibilité pour convenances personnelles, mais aussi du refus opposé par le maire à la demande gracieuse de retrait dudit arrêté ; qu'ainsi le tribunal administratif de Paris s'est estimé à bon droit saisi de conclusions contre ce refus ;
Considérant que par l'arrêté, en date du 23 décembre 1985, le maire de Sèvres a fait droit à la demande du 19 décembre 1985 de M. X... tendant à être placé, à compter de la date d'expiration de ses congés, en position de disponibilité pour convenances personnelles ; que, par lettre du 31 décembre 1985, M. X... a déclaré retirer ladite demande ; qu'à la suite de la notification de l'arrêté du 23 décembre 1985 le plaçant en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 29 janvier 1986, M. X... a, par recours gracieux en date du 10 janvier 1986, demandé au maire de Sèvres de retirer ledit arrêté ; que le maire a rejeté ce recours par décision du 24 janvier 1986 ;
Sur la légalité de l'arrêté du 23 décembre 1985 :

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que M. X... ait retiré sa demande de mise en disponibilité avant même que l'arrêté du 23 décembre 1985 lui ait été notifié et avant la date d'effet de sa mise en disponibilité est sans incidence sur la légalité de cet arrêté, laquelle doit être appréciée à la date où celui-ci est intervenu ;

Considérant, en second lieu, que si M. X... soutient que, lorsqu'il a présenté sa demande de mise en disponibilité pour convenances personnelles, il aurait été hors d'état d'apprécier la portée de sa demande en raison de son état de santé, il n'apporte à l'appui de ces allégations aucune pièce, notamment d'ordre médical, susceptible d'en établir la réalité ;
Considérant, enfin, que la circonstance que M. X... ait visé, dans sa demande de mise en disponibilité pour convenances personnelles, l'article 72 de la loi °n 84-53 du 26 janvier 1984, alors que le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 73 de ladite loi pour l'application des dispositions de l'article 72 susmentionné n'était pas encore intervenu, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 23 décembre 1985 n'était pas entaché d'illégalité ;
Sur la légalité de la décision du 24 janvier 1986 refusant de retirer l'arrêté du 23 décembre 1985 :
Considérant qu'en vertu des règles générales applicables au retrait des actes administratifs, auxquelles il n'est dérogé par aucune disposition applicable en l'espèce, l'auteur d'une décision ayant créé des droits ne peut légalement la rapporter ou la remplacer par une autre décision qu'à la condition que cette décision soit elle-même illégale, si ce n'est, lorsque le retrait est sollicité par la voie d'un recours gracieux et qu'il n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers, pour lui substituer une décision plus favorable à l'auteur de ce recours ; que, toutefois, l'auteur de la décision n'est, en pareil cas, pas tenu de prononcer le retrait sollicité ;

Considérant, d'une part, que s'il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'à la date où le maire de Sèvres a été saisi de la demande de M. X... tendant au retrait de l'arrêté du 23 décembre 1985, la commune avait déjà procédé au recrutement, en vue du remplacement de M. X..., d'un autre agent aux droits duquel le retrait sollicité aurait été susceptible de porter atteinte et si, dans ces conditions, ce retrait était légalement possible, le maire n'était, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pas tenu d'y procéder ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que la décision prise par le maire de Sèvres pour rejeter le recours gracieux présenté par M. X... ne repose ni sur des faits matériellement inexacts ni sur une erreur de droit et n'est entachée ni d'une erreur manifeste d'appréciation ni d'un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE SEVRES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé le refus de son maire du 24 janvier 1986 de faire droit à la demande de retrait de l'arrêté du 23 décembre 1985 ;
Article 1er : Le jugement en date du 23 janvier 1987, du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a annulé, d'une part, l'arrêté du maire de Sèvres du 24 janvier 1986 infligeantà M. X... la sanction de l'abaissement d'échelon et, d'autre part, la décision du même jour par laquelle la même autorité a rejeté le recours gracieux de M. X... tendant au retrait de l'arrêté du 23 décembre 1985.
Article 2 : Les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision du maire de Sèvres du 24 janvier 1986 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SEVRES, à M. X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 87433
Date de la décision : 10/06/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DISPARITION DE L'ACTE - RETRAIT - RETRAIT DES ACTES CREATEURS DE DROITS - CONDITIONS DU RETRAIT - Décision légale - Retrait sur recours gracieux - Possibilité de prendre une mesure plus favorable.

COMMUNE - AGENTS COMMUNAUX - DISCIPLINE - SANCTIONS - Abaissement d'échelon - Faits de nature à justifier la sanction - Absence d'erreur manifeste.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - SANCTIONS - Respect de la règle "non bis in idem".


Références :

Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 72, art. 73


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 1988, n° 87433
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Baptiste
Rapporteur public ?: Mme Moreau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:87433.19880610
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