Vu la requête enregistrée le 11 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean X..., demeurant ... à Ezy-sur-Eure 27530 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 4 février 1983 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté son opposition à contrainte formée à l'occasion des actes de poursuites exercés contre lui par le percepteur d'Ivry-La-Bataille pour avoir paiement de l'impôt sur le revenu au titre des années 1973 à 1976 ;
2° annule la contrainte et les actes de poursuite qui en procèdent,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le décret n° 65-29 du 15 janvier 1965 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Latournerie, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Roger, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Martin-Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions alors en vigueur de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative, l'opposabilité des délais spéciaux inférieurs à deux mois est subordonnée à la condition que la durée du délai spécial ait été mentionnée dans la notification de la décision contestée ; que le ministre n'établit pas que la notification le 27 septembre 1978 à M. X... de la décision du 25 septembre 1978 par laquelle le trésorier-payeur général de l'Eure a rejeté son opposition à contraintes en date du 31 août 1978 mentionnait que, par application de l'article 1846 du code général des impôts alors en vigueur, le délai de recours contentieux contre cette décision était d'un mois ; que, dès lors, aucune fin de non-recevoir tirée de l'expiration de ce délai ne pouvait être opposée à la demande de M. X... enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen le 2 novembre 1978 ; que, par suite, le jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande comme tardive doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1952 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date de mise en recouvrement des impositions litigieuses, "1. En matière d'impôts directs recouvrés par les comptables du Trésor, le contribuable qui, par une réclamation contentieuse introduite dans les conditions fixées par le code général des impôts, conteste le bien fondé ou la quotité des impositions mises à sa charge, peut surseoir au paiement de la partie contestée desdites impositions s'il en fait la demande dans sa réclamation introductive d'instance et fixe le montant ou précise les bass du dégrèvement auquel il prétend. Le contribuable doit constituer des garanties propres à assurer le recouvrement des impôts contestés ... A défaut de constitution de garanties, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés, la vente ne pouvant être effectuée jusqu'à ce qu'une décision ait été prise sur la réclamation contentieuse susvisée soit par l'administration, si elle est compétente, soit par le tribunal administratif. Le comptable invite par lettre recommandée le contribuable à constituer des garanties. Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes par le contribuable, parce qu'elles ne répondent pas aux conditions prévues aux alinéas précédents, le comptable notifie sa décision par lettre recommandée au contribuable. 2. Dans les huit jours de la réception de cette lettre, le contribuable peut ... saisir de la contestation le juge du référé administratif ... Pendant la durée de la procédure de référé, le comptable ne peut exercer sur les biens du contribuable aucune action autre que les mesures conservatoires prévues au 1, troisième alinéa" ; qu'en vertu des dispositions précitées, les impositions contestées par un contribuable qui a assorti sa réclamation introduite dans les conditions fixées par le code général des impôts d'une demande de sursis de paiement ne redeviennent exigibles, avant qu'il ait été statué sur le bien fondé de ces impositions par le directeur des services fiscaux ou, le cas échéant, par le tribunal administratif, que si le comptable, après avoir invité le contribuable à constituer des garanties, lui a régulièrement notifié qu'il n'offrait pas de garanties propres à assurer le recouvrement des impositions contestées ;
Considérant qu'il est constant que le 29 août 1978, date à laquelle a été notifié à M. X... un commandement de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises en recouvrement le 30 septembre 1977 qui lui avaient été assignées au titre des années 1973 à 1976, il n'avait pas encore été statué, dans les conditions susindiquées, sur le bien fondé desdites impositions contre lesquelles M. X... avait formé une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement ; qu'il résulte de l'instruction que le comptable n'avait pas non plus régulièrement notifié à M. X... que la garantie, qu'à la suite de la demande qui lui avait été faite, il avait offerte le 26 avril 1978, n'était pas propre à assurer le recouvrement de ces impositions ; que, dès lors, ces impositions n'étaient pas exigibles, à la date à laquelle lui a été notifié le commandement susmentionné ; que, par suite, l'opposition à contrainte de M. X... est fondée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 4 février 1983 est annulé.
Article 2 : L'opposition de M. X... à la contrainte dont procède le commandement qui lui a été notifié le 29 août 1978 est admise.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation.