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26/06/1987 | FRANCE | N°39008

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 26 juin 1987, 39008


Vu 1° sous le n° 39 008 la requête enregistrée le 24 décembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS", société à responsabilité limitée dont le siège est ... 95100 , mise en règlement judiciaire converti en liquidation de biens par jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 30 mai 1980, agissant poursuites et diligences tant de son gérant en exercice, M. Jean Y..., demeurant ... à Colombes 92700 , que de son syndic de liquidation, Me Charles-Henri X..., demeurant ... 95300 , et tendant à ce que le Con

seil d'Etat :
1° réforme un jugement, en date du 16 octobre 1981...

Vu 1° sous le n° 39 008 la requête enregistrée le 24 décembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS", société à responsabilité limitée dont le siège est ... 95100 , mise en règlement judiciaire converti en liquidation de biens par jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 30 mai 1980, agissant poursuites et diligences tant de son gérant en exercice, M. Jean Y..., demeurant ... à Colombes 92700 , que de son syndic de liquidation, Me Charles-Henri X..., demeurant ... 95300 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme un jugement, en date du 16 octobre 1981, en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1971 et 1973 et des cotisations supplémentaires à la contribution exceptionnelle, à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années,
2° lui accorde la décharge des impositions contestées,
3° subsidiairement ordonne une expertise,

Vu 2° sous le n° 40 437 le recours du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget enregistré le 25 février 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le même jugement, en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Versailles a accordé à la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS" la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu auxquels cette société avait été assujettie au titre des anndées 1970 et 1972,
2° remette à la charge de la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS" les impositions contestées ainsi que les pénalités correspondantes,

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Barbey, avocat de la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS",
- les conclusions de M. Z.... Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la société à responsabilité limitée "SPECIAL POIDS-LOURDS" et le recours du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant qu'à l'issue d la vérification de comptabilité de la société "SPECIAL POIDS-LOURDS", qui exploite un fonds de commerce de pneumatiques ,portant notamment sur les exercices clos en 1970, 1971, 1972 et 1973, l'administration a, d'une part, par voie de rectification d'office en ce qui concerne les années 1970, 1971 et 1972 et, par voie de taxation d'office en ce qui concerne l'année 1973, assigné à la société des suppléments d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de ces quatre années et à la contribution exceptionnelle au titre de l'année 1973 et, d'autre part, en application de l'article 117 du code général des impôts assujetti la société à des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 1970, 1972 et 1973 et à des cotisations de majoration exceptionnelle au titre de l'année 1973 ; que, par jugement du 16 octobre 1981, le tribunal administratif de Versailles, ayant fait droit aux conclusions de la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS", qui tendaient à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1970 et 1972 et rejeté les conclusions relatives aux années 1971 et 1973, la société fait appel de ce jugement en tant qu'il porte sur les impositions établies au titre de ces deux dernières années, cependant que le ministre fait appel du même jugement en tant qu'il porte sur les impositions établies au titre des deux premières années ;
Sur les conclusions de la requête de la société relatives à l'année 1971 et sur le recours du ministre relatif aux années 1970 et 1972 :

Considérant qu'il ressort de l'examen de la demande présentée devant le tribunal administratif par la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS" qu'à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge de l'ensemble des impositions contestées, y compris celle qui lui a été assignée au titre de l'année 1971, la société invoquait un moyen tiré de la violation de l'article 1649 septies F du code général des impôts ; qu'elle est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté, comme n'étant assorties d'aucun moyen et, par suite, comme étant irrecevables les conclusions de sa demande relatives à l'imposition établie au titre de l'année 1971 ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué sur ce point ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions relatives à l'année d'imposition 1971 présentées par la société devant le tribunal administratif de Versailles ; qu'il appartient également au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens présentés par la société à l'appui de ses conclusions relatives aux années 1970 et 1972 ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que, toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont remises ; qu'en outre, cette pratique ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles 1649 septies et 1649 septies F du code précité dans sa rédaction en vigueur à la date de la vérification et qui ont notamment pour objet de lui assurer sur place des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la vérification de la comptabilité dont procèdent les impositions en litige, le vérificateur a, sans demande écrite du contribuable et sans délivrer de reçu à celui-ci, emporté divers documents dont un bail afférent à des locaux commerciaux et un projet de révision de ce bail ; que ces documents doivent être regardés comme des pièces justificatives de la comptabilité qui, en vertu des dispositions susrappelées du code général des impôts, ne pouvaient être emportées par le vérificateur hors des locaux du contribuable, sans l'accord de celui-ci et sans délivrance de reçu ; que, dès lors, la vérification de comptabilité dont la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS" a fait l'objet est, dans son ensemble, entachée d'irrégularité ; que l'irrégularité de la vérification entraîne la nullité de tous les redressements qui y trouvent leur source, même si certains d'entre eux ne sont pas directement fondés sur l'examen des documents déplacés irrégulièrement ; que, de ce qui précède, il résulte, d'une part, que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a, par le jugement attaqué, accordé à la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS" la décharge des impositions contestées des années 1970 et 1972 et, d'autre part, qu'il y a lieu d'accorder à la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS" la décharge de son imposition contestée de l'année 1971 ;
Sur les conclusions de la requête de la société relatives à l'année 1973 :

Considérant qu'il est constant que la société requérante n'a pas souscrit dans le délai légal sa déclaration de résultats afférente à l'exercice clos en 1973 ; que, dans ces conditions, l'administration était en droit, en application des dispositions du 1 de l'article 223 du code général des impôts, de procéder à la liquidation d'office de l'impôt dû à raison de ses résultats imposables au titre dudit exercice ; qu'il suit de là, d'une part, que les irrégularités qui ont entaché la vérification de comptabilité à laquelle l'administration s'est livrée sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition et, d'autre part, qu'il appartient au contribuable d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Considérant, en premieu lieu, que pour déterminer les recettes procurées à l'entreprise par la vente de pneumatiques neufs au cours de l'exercice 1973, le service, après avoir évalué le stock de ces pneumatiques à la clôture de l'exercice, par comparaison avec les chiffres correspondant des exercices précédents, a arrêté à 10 % le coefficient de marge brute sur achats, en se fondant sur le dépouillement d'un échantillon important de factures et sur l'analyse des prix de marché habituellement pratiqués par la société ; que si la société, qui ne critique pas le principe de la méthode d'évaluation adoptée par l'administration, conteste le calcul du stock à la clôture de l'exercice, et du coefficient de marge brute, elle n'apporte aucun élément de nature à établir l'insuffisance de ce stock ou l'exagération de cette marge et des résultats ainsi dégagés ; qu'en particulier, si elle se prévaut d'un inventaire de stock de clôture de l'exercice 1973 ledit inventaire ayant été reconstitué postérieurement à la clôture de l'exercice auquel il se rapporte est dépourvu de valeur probante ;

Considérant, en second lieu, que, faute pour la société "SPECIAL POIDS-LOURDS" d'avoir mentionné sur le relevé visé à l'article 54 quater du code général des impôts les frais de déplacement et de réception alloués à son gérant, M. Y..., pendant l'exercice clos en 1973, l'administration en a, sur le fondement des dispositions du 5 de l'article 39 du même code, réintégré le montant dans le bénéfice imposable ; que si l'administration a, par une instruction du 22 mars 1967, invoquée par la société en vertu de l'article 1649 quinquies E du code repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, recommandé au service de s'abstenir de réintégrer les frais généraux dans les bénéfices de l'entreprise défaillante lorsqu'il est établi que l'omission ou l'erreur de déclaration a été commise de bonne foi, cette instruction se borne à faire une recommandation aux agents de l'administration et ne peut être regardée comme comportant une interprétation formelle du texte fiscal dont la société puisse utilement se prévaloir sur le fondement des textes précités ; qu'ainsi les frais de déplacement et de réception ont été à bon droit réintégrés dans son bénéfice imposable ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction qu'aucune imposition à l'impôt sur les sociétés n'a été mise à la charge de la société requérante au titre de l'année 1973 à raison de la prise en compte, à concurrence de 150 400 F, d'achats qu'elle aurait effectués sans facture ; qu'ainsi les conclusions de la société, d'ailleurs présentées pour la première fois en appel, tendant à la réduction, sur ce point, des bases imposables, sont sans objet et, par suite irrecevables ;

Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée à titre subsidiaire par la société requérante, que la SOCIETE "SPECIAL POIDS-LOURDS" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin de décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et, par voie de conséquence, de l'imposition à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1973 ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 16 octobre 1981, est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "SPECIAL POIDS-LOURDS" tendant à la décharge du supplément d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1971.

Article 2 : Il est accordé à la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE"SPECIAL POIDS-LOURDS" la décharge du supplément d'imposition à l'impôt sur les sociétés et de l'imposition à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1971.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "SPECIAL POIDS-LOURDS" est rejeté.

Article 4 : Le recours du ministre délégué auprès du ministre del'économie et des finances, chargé du budget est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., gérant, à M. X..., syndic de liquidation de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "SPECIAL POIDS-LOURDS" et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 39008
Date de la décision : 26/06/1987
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES


Références :

CGI 1649
CGI 1649 quinquies E
CGI 1649 septies F
CGI 223 1
CGI 39 5
CGI 54 quater
CGI livre des procédures fiscales L80


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 1987, n° 39008
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Teissier du Cros
Rapporteur public ?: Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:39008.19870626
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