Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er septembre 1983 et 28 décembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "BRUEZ", société anonyme, dont le siège est à La Chapelle-sous-Chaux à Valdoie 90300 , représentée par son président-directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 5 juillet 1983 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en décharge de l'amende fiscale, d'un montant de 67 278,24 F, à elle assignée par avis de mise en recouvrement du 9 octobre 1980 ;
2° lui accorde la décharge de cette amende,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi du 29 décembre 1984 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de la S.A. BRUEZ,
- les conclusions de M. Le Roy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1740 ter du code général des impôts, dans la rédaction issue de l'article 70 de la loi du 29 décembre 1976, "Lorsqu'il est établi qu'une personne, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles, a travesti l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, ou sciemment accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations. Cette amende est recouvrée suivant les procédures et sous les garanties prévues pour les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont instruites et jugées comme pour ces taxes. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que des ventes, pour un montant total de 22 024,59 F ont, au cours des années 1977 et 1978, été faites par la Société anonyme BRUEZ, qui exploite un fonds de brasserie à La Chapelle-sous-Chaux Territoire de Belfort , aux époux Z... sous couvert de bons de livraison établis au nom de parents ou d'amis de ceux-ci, alors qu'ainsi qu'ils l'ont reconnu, les marchandises étaient destinées à l'approvisionnement du café-restaurant dont ils sont exploitants, à Belfort ; qu'il ressort des termes mêmes de l'attestation des époux Z... produite en première instance par la société requérante, que, si les intéressés demandaient que les bons de livraison fussent établis à d'autres noms que le leur, les préposés de la société BRUEZ se sont pliés à cette exigence en sachant quelle était la destination réelle ds marchandises ; que l'administration doit, par suite, être regardée comme apportant la preuve que ces opérations sont au nombre de celles visées par les dispositions prcitées de l'article 1740 ter du code ;
Considérant, en revanche, qu'en libellant des bons de livraison se rapportant à des ventes faites à Mme A..., née Y..., à ce dernier nom, la S.A. BRUEZ ne peut être regardée comme ayant travesti l'identité de son client ou sciemment accepté l'utilisation par ce dernier d'une identité fictive ; que l'administration admet n'avoir pu établir que les ventes faites à M. X... aient, en fait, été destinées à l'approvisionnement du débit de boissons dans lequel ce dernier était employé, sans que, d'ailleurs, il soit démontré que les préposés de la société BRUEZ en fussent informés ; qu'il n'est pas davantage établi que les ventes effectuées au nom de débitants de boissons ayant cessé toute activité ou au nom de particuliers "non identifiés" aient déguisé d'autres acquéreurs, au su de la société, ni que des ventes prétendûment faites à des unités militaires aient été destinées en réalité à d'autres clients ; qu'enfin, la circonstance que des ventes ont été faites sans désignation de l'identité des acheteurs, alors pourtant que les quantités vendues ne permettraient pas de les réputer faites au détail, est étrangère aux prévisions de l'article 1740 ter du code général des impôts dans la rédaction précitée, antérieure à l'intervention de l'article 105-II de la loi du 29 décembre 1984 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. BRUEZ est fondée à demander la réduction de l'amende litigieuse à la somme de 11 012,29 F, et la réformation du jugement attaqué en ce sens ;
Article ler : L'amende fiscale assignée à la S.A. BRUEZ par avis de mise en recouvrement du 9 octobre 1980 est réduite à la somme de 11 012,29 F.
Article 2 : Il est accordé à la S.A. BRUEZ décharge de la différence entre le montant de l'amende fiscale mise en recouvrement à son encontre et celui fixé à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Besançon, du 5 juillet 1983, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée de la S.A. BRUEZ est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la S.A. BRUEZ et au ministre d'Etat, chargé de l'économie, des finances et de la privatisation.