Vu le recours enregistré le 20 décembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 21 octobre 1983 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé les deux arrêtés du préfet de la Seine-Maritime en date des 14 novembre 1975 et 17 décembre 1979 intervenus en matière d'action des équarisseurs dans le département ;
2° rejette les demandes présentées devant le tribunal par la SOCIETE Y... et SARL "EQUARISSAGE DEKEYSER-DEZANDRE" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de la SOCIETE Y... et de la SARL "EQUARISSAGE DEKEYSER-DEZANDRE", de la SCP Nicolay, avocat de la société Avizote,
- les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Avizote a intérêt au maintien des décisions administratives contestées ; que son intervention doit donc être admise ;
Considérant que la société Y... a demandé au préfet de Seine-Maritime de modifier son arrêté du 15 mars 1975 qui, notamment, fixe le périmètre de l'atelier d'équarissage que la société Avizote exploite à Saint-Aubin le Cauf à la totalité du département de la Seine-Maritime, réserve faite d'un périmètre provisoire attribué à deux sociétés ; que le préfet a rejeté cette demande par une décision du 14 novembre 1979 ; que la préfet a, d'autre part, pris un arrêté le 17 décembre 1979, qui rapporte et remplace le précédent arrêté du 15 mars 1975, mais confirme que le périmètre de l'atelier d'équarissage de la société Avizote s'étend à l'ensemble du département sans périmètre provisoire ; que, par son jugement du 21 octobre 1983, le tribunal administratif de Rouen a annulé tant la décision du 14 novembre 1979 que l'arrêté du 17 décembre 1979 ;
Sur la légalité de la décision du 14 novembre 1979 :
Considérant qu'aux termes de l'article 266 du code rural : "Autour de chaque établissement d'équarissage dont l'ouverture a été autorisée, un périmètre est délimité par arrêté préfectoral sur rapport du directeur des services vétérinaires du département, après avis de la profession. Si le périmètre doit s'étendre sur le territoire de départements différents, chaque préfet intéressé détermine, comme ci-dessus, la fraction du périmètre correspondant à son département. Dans chaque département, la totalité du territoire doit être couverte par l'aire d'activité d'un ou de plusieurs équarrisseurs et doit comprendre, si nécessaire, un ou plusieurs dépôts de stockage" ;
Considérant que si le texte précité de l'article 266 oblige le préet à recueillir l'avis de la profession "lorsqu'il détermine le périmètre d'action autour d'un établissement d'équarissage", il n'est pas tenu de recueillir cet avis lorsqu'il prend une décision, comme celle du 14 novembre 1979, par laquelle il refuse de procéder à une modification de ce périmètre ; que le ministre de l'agriculture est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler cette décision, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le motif qu'elle n'avait pas été précédée de l'avis de la profession ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble de l'affaire par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens que la société Y... avait présentés devant le tribunal administratif ;
Considérant en premier lieu que la décision du 14 novembre 1979 n'entre dans aucun des cas pour lesquels la loi du 11 juillet 1979, qui n'était d'ailleurs pas encore entrée en vigueur, prévoit la motivation ;
Considérant en second lieu que la société Y... a bien été convoquée devant la commission départementale d'équarissage ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas été convoquée manque en fait ;
Considérant en troisième lieu que le moyen tiré de la violation de l'article 85 du traité de Rome est, en tout état de cause inopérant, la situation de monopole dont dispose la société Avizote à l'intérieur du périmètre qui lui a été assigné étant la conséquence directe des dispositions de l'article 266 du code rural dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1975 ;
Considérant en quatrième lieu qu'en refusant de modifier le périmètre fixé par son arrêté du 15 mars 1975, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant enfin que le préfet de la Seine-Maritime, bien qu'il n'y fut pas légalement tenu, a consulté la commission départementale d'équarissage instituée par l'article 274 du code rural, dont faisait légalement partie en qualité de représentant de l'"industrie de l'équarissage" M. X..., qui était également directeur de la société Avizote ; qu'il ne résulte pas du dossier et notamment du procès-verbal de la réunion tenue par cette commission le 22 octobre 1979,que du fait de l'attitude de M. X..., la délibération de la commission n'a pas présenté les garanties d'impartialité requises pour qu'elle ne puisse pas être tenue pour régulière ; que, par suite, la décision du 14 novembre 1979 est intervenue sur une procédure régulière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 14 novembre 1979 et que la demande des consorts Y... dirigée contre cette décision doit être rejetée ;
Sur la légalité de l'arrêté du 17 décembre 1979 :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 266 du code rural que cet arrêté, qui détermine le périmètre d'action autour de l'établissement d'équarissage de la société Avizote, devait être précédé de l'avis de la profession ; que si cet avis pouvait être donné par M. X..., qui représentait, dans le département de la Seine-Maritime, le Syndicat national des équarisseurs, seul représentant de la profession de l'équarissage au plan tant national que local, il est constant que le préfet s'est borné à consulter la commission départementale d'équarissage dont faisait partie M. X..., sans demander à ce dernier de formuler son avis dans le cadre d'une procédure distincte ; que l'avis de la profession ne saurait, dans ces circonstances être regardé comme ayant été régulièrement émis ; que l'arrêté du 17 décembre 1979 étant ainsi entaché d'un vice de forme de nature à en entraîner l'illégalité, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen en a prononcé l'annulation ;
Article ler : L'intervention de la société Avizote est admise.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rouen du 21 octobre 1983 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DEL'AGRICULTURE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Y..., à la société "EQUARISSAGE DEKEYSER-DEZANDRE", à la société AVIZOTE et au MINISTRE DE L'AGRICULTURE.