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27/10/1986 | FRANCE | N°37206

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 27 octobre 1986, 37206


Vu la requête enregistrée le 9 septembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSETIERES", dont le siège est ... à Lyon 69008 , représentée par son gérant, M. X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement, en date du 2 juillet 1981, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de la SCI les Rosetières tendant à la réduction des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 14 mars 1970 au 10 juillet 1974 ;
2° lu

i accorde la réduction demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le ...

Vu la requête enregistrée le 9 septembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSETIERES", dont le siège est ... à Lyon 69008 , représentée par son gérant, M. X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement, en date du 2 juillet 1981, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de la SCI les Rosetières tendant à la réduction des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 14 mars 1970 au 10 juillet 1974 ;
2° lui accorde la réduction demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Querenet Onfroy de Breville, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les redressements qui sont à l'origine du complément de taxe sur la valeur ajoutée que conteste la société civile immobilière "Les Rosetières" ont, après un premier refus, été formellement acceptés par la société requérante dans une lettre, en date du 22 juin 1975, en réponse à la notification qui lui avait été adressée le 23 mai 1975 ; que, si la société soutient que cette acceptation était subordonnée à l'engagement, que l'administration aurait envisagé de prendre, de ne pas intenter de poursuites pénales contre le gérant de cette société, il ressort des termes de la lettre du 22 juin 1975 que la société n'avait pas subordonné son accord à cette condition ; que, par suite, et en tout état de cause, la société requérante ne peut, en vertu des dispositions du 2 de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, alors en vigueur obtenir par la voie contentieuse la réduction d'impôt qu'elle demande qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que la société civile immobilière "Les Rosetières", dont le gérant est M. Antoine X..., conteste les suppléments de taxe sur la valeur ajoutée, qui lui ont été assignés pour la période correspondant aux années 1972 à 1974 et qui résultent de la réintégration dans ses bases d'imposition de la taxe figurant sur diverses factures de travaux et de fournitures, dont le service n'a pas admis la déduction en raison du caractère fictif de ces facturations ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération" ; qu'aux termes du 2 de l'article 272 du même code : "La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies à l'article 283-4 ne peut fire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu" ; qu'enfin, aux termes du 4 de l'article 283 : "Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la taxe sur la valeur ajoutée ne peut pas être déduite par l'entreprise à qui elle a été facturée lorsque la facture sur laquelle figure cette taxe, bien qu'ayant été réglée par ladite entreprise, ne correspond pas à des biens ou à des prestations de services réellement acquis par elle et revêt en conséquence un caractère fictif à l'égard de cette entreprise ;
En ce qui concerne les factures établies par la société anonyme Ferjo, Rose et Delard :
Considérant que la société anonyme Ferjo, Rose et Delard, dont le président directeur général était également le gérant de la société requérante, était titulaire du marché de gros oeuvre de l'opération immobilière "Les Rosetières" ; qu'elle a facturé à la société requérante des travaux supplémentaires par deux mémoires, en date du 10 décembre 1972, pour des montants respectifs de 84 000 F et 16 800 F, taxes comprises ;

Considérant que le premier mémoire était intitulé "mur de clôture ouest" et énumérait tous les travaux nécessaires à la réalisation dudit mur ; que, toutefois, il n'est pas contesté que ce mur n'a pas été construit ; que la société civile immobilière requérante, qui, ainsi, qu'il a été dit, à la charge de la preuve, n'établit pas, que ce premier mémoire comportait, par suite d'une simple erreur, un intitulé inexact, et correspondait bien à des fournitures effectivement nécessitées par la réalisation de l'ensemble immobilier "Les Rosetières" ;
Considérant, en revanche, que si l'administration a estimé que le second mémoire, qui correspond à des travaux de sondages, était fictif, du fait qu'il ne porte pas le visa de l'architecte qui était chargé de ce type de travaux et qu'il a été émis deux ans après la réalisation desdits sondages, la société civile immobilière "Les Rosetières", démontre qu'elle a versé à l'architecte des honoraires au titre de ces travaux, réalisés sous le contrôle de celui-ci par un cabinet d'études, et établit que ce mémoire correspond à des travaux de sondages effectivement réalisés pour la construction de l'ensemble immobilier "Les Rosetières" ; qu'elle est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que la déduction de la taxe mentionnée sur ledit mémoire soit 2 514,29 F lui a été refusée ;
En ce qui concerne la facture "Arts et Bois" :
Considérant que cette facture, d'un montant de 15 749 F, faisant apparaitre un montant de taxe de 2 938 F, correspond à l'achat, dont la réalité n'est pas contestée, de meubles meublants destinés à l'appartement témoin ; que l'administration, sans contester que cette taxe avait en principe un caractère déductible dans la mesure où elle porte sur des biens acquis à titre d'immobilisations, a refusé d'en admettre la déduction au-delà de la moitié, par le motif qu'il n'était pas apporté de justifications quant à l'utilisation et la destination finale de ce mobilier ; que la société soutient que, du fait de l'utilisation intensive et prolongée de l'appartement témoin, ce mobilier a été mis au rebut ;

Considérant que, ni le prix payé, ni la matérialité de l'achat du mobilier et de son affectation durable à l'exploitation n'étant contestés, la circonstance que la taxe acquittée lors de l'achat de ces immobilisations pouvait conduire la société au reversement d'une partie du montant de la taxe déduite, en cas de revente, ne saurait justifier par elle-même l'exclusion du droit à déduction ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que lui a été refusée la déduction de la moitié de la taxe dont s'agit, soit 1 469 F ;
En ce qui concerne la facture "Pierrel" :
Considérant que cette facture, d'un montant de 2 960 F, se rapporte à la "fourniture et pose de luminaires pour halls d'entrée" ; que l'administration a refusé la déduction de la taxe qui y figurait en estimant que cette facture était fictive, dès lors que l'état descriptif des travaux faisant l'objet du marché d'électricité prévoyait déjà la fourniture et la pose de tels éléments ;
Considérant que, si la société requérante soutient qu'elle a voulu améliorer l'éclairage des halls d'entrée afin de tenir compte de l'évolution de la mode et de faciliter la commercialisation des appartements, la facture produite, qui, selon cette thèse, aurait dû, dans ces conditions, ne faire apparaitre qu'un supplément de prix par rapport au prix des fournitures visées au descriptif, ne fait pas référence à celui-ci ; que, compte tenu de ces circonstances, la société n'établit pas que la facture "Pierrel" corresponde à des fournitures réelles qu'elle devait acquitter pour la réalisation de l'ensemble immobilier "Les Rosetières" ;
Sur les pénalités :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1729 et 1731 du code général des impôts, alors en vigueur, lorsque la bonne foi du contribuable ne peut être admise, les droits correspondant aux insuffisances de déclarations en matière de taxe sur la valeur ajoutée sont majorés de 60 ou 100 % selon que le montant des droits excède ou n'excède pas la moitié des droits réellement dus et sont majorés de 200 % si le contribuable s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ;
Considérant qu'il appartient au ministre de l'économie, des finances et du budget, d'apporter la preuve de l'existence des manoeuvres frauduleuses, que s'il fait valoir que la société civile immobilière "Les Rosetières" n'a pas été en mesure, pour les redressements laissés à sa charge, de justifier des fournitures ou prestations correspondant aux factures écartées cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, à établir l'existence de manoeuvres frauduleuses ; que l'administration ne démontre pas davantage l'existence d'agissements de nature à restreindre ou égarer son pouvoir de contrôle ; que, cependant, elle doit être regardée comme établissant que la bonne foi de la société requérante ne peut être admise ; qu'il y a lieu, de ce fait, de substituer aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses auxquelles celle-ci a été assujettie, les pénalités pour absence de bonne foi, sur la base des droits maintenus ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société "Les Rosetières" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant que celle-ci rejetait les conclusions auxquelles il est fait droit par la présente décision ;
Article ler : La société civile immobilière "Les Rosetières" est déchargée des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 14 mars 1970 au 10 juillet 1974 par suite du refus de déduction du montant de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures relatives à la réalisation de travaux de sondages et à l'achat des meubles pour l'appartement témoin.

Article 2 : Les pénalités pour absence de bonne foi sont substituées aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses en ce qui concerne les droits maintenus à la charge de la société.

Article 3 : La société "Les Rosetières" est déchargée de la différence entre le montant des pénalités calculées comme il est dit
à l'article 2 et le montant des pénalités qui lui a été réclamé.

Article 4 : Le jugement n° 5506 du tribunal administratif de Lyon en date du 2 juillet 1981 est réformé en ce qu'il a de contraireà la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière "Les Rosetières" et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 37206
Date de la décision : 27/10/1986
Sens de l'arrêt : Réformation réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-08-03-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - CONDITIONS DE LA DEDUCTION -Absence de déduction en cas de facture ne correspondant pas à une marchandise ou un service réellement acquis ou au prix effectivement payé [article 283-4 du C.G.I.] - Portée de ces dispositions.

19-06-02-08-03-02 L'article 283-4 du C.G.I. prévoit que "lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur", la taxe sur la valeur ajoutée "est due par la personne qui l'a facturée", auquel cas, en vertu de l'article 272-1, elle ne peut faire l'objet d'aucune déduction par la personne qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu. En cas d'intitulé erroné des prestations figurant sur une facture, la personne qui a reçu cette facture peut cependant opérer une telle déduction si elle établit que cet intitulé inexact résulte d'une simple erreur, et que la facture correspond à des prestations effectivement fournies, ne revêtant pas en conséquence un caractère fictif à son égard.


Références :

CGI 1649 quinquiès A 2, 271 1, 272 2, 283 4, 1729, 1731


Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 1986, n° 37206
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Querenet Onfroy de Breville
Rapporteur public ?: M. Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:37206.19861027
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