Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 janvier 1984 et 18 janvier 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Pierre X..., demeurant 20 cours Bosquel à Pau 64000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 8 novembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Pau ne lui a accordé qu'une décharge partielle des compléments d'impôts sur le revenu et de majoration exceptionnelle, et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti respectivement au titre des années 1973 d'une part, et 1973 et 1975, d'autre part, dans les rôles de la ville de Pau ;
2° lui accorde la décharge totale de l'imposition contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Turquet de Beauregard, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que dans sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif, M. X... s'est borné à contester le bien-fondé des impositions complémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti respectivement au titre des années 1973, 1974, 1975, 1976 et au titre des années 1973, 1975 dans les rôles de la ville de Pau ; que c'est seulement dans un mémoire complémentaire, enregistré au greffe du tribunal administratif après l'expiration du délai de recours contentieux qu'il a fait valoir que la procédure d'imposition serait irrégulière ; que ce moyen n'est pas d'ordre public et repose sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle se fondaient les moyens invoqués dans le délai de recours aux premiers juges ; que dès lors, en soulevant ce moyen, M. X... a formulé une demande nouvelle qui, présentée tardivement, a été, à bon droit, rejetée comme irrecevable par le tribunal administratif ; que cette demande n'est pas davantage recevable en appel ;
Sur le bien-fondé de l'imposition des allocations forfaitaires pour frais :
Considérant qu'aux termes de l'article 62 du code général des impôts : "Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations allouées ...aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ... sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leur bénéficiaire s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211 même si les résultats de l'exercice sont déficitaires. Le montant des rémunérations visées à l'alinéa précédent est déterminé sous déduction des fras inhérents à l'exploitation sociale et effectivement supportés par les bénéficiaires dans l'exercice de leurs fonctions" ; qu'il résulte de ces dispositions que la circonstance que les remboursements forfaitaires de frais alloués à un gérant majoritaire ont été admis en déduction pour le calcul des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés entraîne l'imposition de ces remboursements à l'impôt sur le revenu dans la catégorie de revenus définie par ce texte ; que, dès lors, M. X..., gérant majoritaire de la société à responsabilité limitée "Laraillet magasins généraux" n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans ses revenus imposables des années 1973 à 1976, le montant des allocations forfaitaires pour frais qu'il a reçues, au cours de chacune de ces années de cette société et dont l'administration a admis la déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ;
Sur le bien-fondé de l'imposition des indemnités pour frais réels :
Considérant, qu'il est constant que M. X... a, au cours des années d'imposition, utilisé pour les besoins de la société à responsabilité limitée dont il était le gérant majoritaire, plusieurs véhicules utilitaires dont il était propriétaire et que ladite société lui a versé en contrepartie chaque année une indemnité venant s'ajouter à sa rémunération de gérant ; que, sans contester la réalité des déplacements effectués par M. X... pour les besoins de la société avec des véhicules lui appartenant, l'administration n'a accepté que la déduction des frais correspondant à l'un des véhicules ; que le requérant justifie, par les pièces qu'il produit, que les frais déductibles au titre des véhicules utilisés et inhérents à l'exploitation de sa société doivent être portés de 12 000 F, chiffre retenu par l'administration, à 25 000 F pour chacune des années d'imposition ;
Sur la déduction d'un déficit foncier :
Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts : "1. En cas de disproportion marquée "entre le train de vie du contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après ... 3. Les contribuables ne pourront faire échec à l'imposition résultant des dispositions qui précèdent en faisant valoir que leurs revenus imposables à l'impôt sur le revenu seraient inférieurs aux bases d'imposition résultant du barème ci-dessus" ; qu'aux termes de l'article 156 du même code : "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable. Ce revenu est déterminé sous déduction ... I... du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le mode forfaitaire de détermination du revenu global imposable qu'elles prévoient fait obstacle à ce que le contribuable fasse état des déficits nés au cours d'une année au titre de laquelle il a été imposé en application de l'article 168 , pour le calcul de l'assiette de l'impôt, tant au titre de ladite année, qu'au titre d'années postérieures ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à demander qu'un déficit foncier de l'année 1968, au titre de laquelle il a été imposé en application de cet article, soit déduit de ses revenus imposables de l'année 1973 ; que dès lors, le requérant n'est pas en droit d'invoquer l'existence d'un déficit foncier de l'année 1968 pour demander sa déduction des revenus imposables de l'année 1973 ;
Sur les pénalités :
Considérant, d'une part, que les erreurs et omissions relevées par le service dans les déclarations de revenus de M. X... ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à prouver que la bonne foi du contribuable ne peut être admise ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à demander, par la voie du recours incident, que, sauf en ce qui concerne le redressement consécutif à l'annulation du report déficitaire en 1973, M. X... soit rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle à raison des pénalités pour absence de bonne foi dont les premiers juges lui ont accordé la décharge ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1728 du code général des impôts : "Lorsqu'un contribuable fait connaître par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte dans une note annexée les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition en totalité ou en partie ..., les redressements opérés à ce titre n'entraînent pas l'application de l'indemnité ou de l'intérêt de retard prévu ci-dessus" ; qu'il résulte de l'instruction que les déclarations de revenus que M. X... a souscrites au titre des années 1973 à 1976 ne comportaient pas, en ce qui concerne les bases des impositions complémentaires maintenues par la présente décision, les indications expresses prévues par les dispositions précitées ; qu'il s'ensuit que les redressements auxquels l'administration a procédé devaient, contrairement à ce que soutient M. X... ,
Article ler : Les revenus de M. X... pour l'assiette de l'impôt sur le revenu de 1973, 1974, 1975 et 1976 et pour l'assiette de la majoration exceptionnelle de 1973 et 1975 seront calculés sous déduction, chaque année, d'une somme de 25 000 F, au lieu de 12 000 F, au titre des frais de gérance.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre le montant de l'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti respectivement au titre des années 1973 à1976 d'une part et au titre des années 1973 et 1975 d'autre part.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Pau, en date du 8 novembre 1983, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision .
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et le recours incident du ministre de l'économie, des financeset du budget sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation chargé du budget.