Vu le recours du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, enregistré le 27 mai 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- à titre principal :
1° annule le jugement du 2 décembre 1981 par lequel le tribunal administratif de Lille a accordé à M. Jacques X... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 1972 et 1973 et à la majoration exceptionnelle au titre de l'année 1973 auxquelles il a été assujetti sous les articles 236, 237 et 237-B des rôles de la commune de Lambersart, mis en recouvrement le 31 décembre 1975 ;
2° remette intégralement l'imposition contestée et les pénalités y afférentes à la charge de M. X... ;
- subsidiairement :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Lille susmentionné en tant qu'il a statué sur des conclusions dont il n'était pas saisi ;
2° rétablisse M. Jacques X... à l'impôt sur le revenu pour l'année 1973 à concurrence de 29 016 F et à la majoration exceptionnelle pour l'année 1973 à concurrence de 9 948 F, correspondant aux droits et pénalités non contestés,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu la loi du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984, notamment son article 93-II ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Tiberghien, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Latournerie, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions principales du recours tendant à l'annulation totale du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts dans la rédaction alors applicable : ..."2 L'administration fait connaître au redevable la nature et les motifs du redressement envisagé. Elle invite en même temps l'intéressé à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de 30 jours" ;
Considérant qu'il ressort de l'examen de la notification de redressements du 2 juillet 1974, adressée à M. X..., associé minoritaire de la société civile immobilière "Les Ormes", que ce document précise la nature des redressements des revenus déclarés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, envisagés au titre des années 1972 et 1973, et donne pour motif le fait que les résultats de la société civile immobilière "Les Ormes" étaient, selon l'administration, passibles de l'impôt sur les sociétés dès lors que la vérification de cette société "avait entraîné pour celle-ci la déchéance du bénéfice des dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts" ; que, si l'administration n'a pas mentionné, dans ladite notification, les raisons pour lesquelles elle entendait assujettir la société civile immobilière "Les Omes" à l'impôt sur les sociétés, cette notification, qui indiquait, en les chiffrant selon qu'elles bénéficiaient ou non de l'avoir fiscal, les sommes que l'administration entendait imposer entre les mains de M. X..., comportait des indications suffisamment précises pour permettre à l'intéressé d'engager utilement un débat contradictoire avec l'administration, comme d'ailleurs il l'a fait ; que, dès lors, la notification de redressements adressée à M. X... ne peut être regardée comme insuffisamment motivée ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen invoqué par le ministre, celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce que la procédure d'imposition était irrégulière du fait de l'insuffisante motivation de la notification de redressements pour accorder la décharge des impositions découlant de ladite notification ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. X... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : "2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles de l'impôt sur les sociétés ... si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35" ; qu'aux termes de l'article 239 ter du même code : "Les dispositions de l'article 206-2 ne sont pas applicables aux sociétés civiles ... qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente ... - les sociétés civiles visées à l'alinéa précédent sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations" ; qu'il résulte des dispositions combinées du 2 de l'article 206 précité et du I-1° de l'article 35 du code que les sociétés civiles immobilières sont passibles de l'impôt sur les sociétés lorsqu'elles peuvent être regardées comme des "personnes qui, habituellement, achètent en leur nom en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés" ;
Considérant que si le ministre fait valoir que, par un jugement devenu définitif, en date du 8 janvier 1980, le tribunal administratif de Lille a jugé que la société civile immobilière "Les Ormes" était passible en 1972 et 1973 de l'impôt sur les sociétés, ce jugement qui ne concerne ni le même contribuable, ni le même impôt, n'a pas l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne l'assujettissement de M. X... à l'impôt sur le revenu ;
Considérant que, pour établir les impositions, l'administration a estimé que la société civile immobilière "Les Ormes" ne pouvait pas bénéficier des dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts dès lors qu'elle avait accompli des opérations étrangères à la seule construction en vue de la vente, d'une part, en cédant à M. Y... des droits sur une parcelle de terrain de 400 mètres carrés, d'autre part, en assurant la gestion de fait d'une indivision qui aurait existé entre la société civile immobilière et les héritiers X... sur les terrains ayant servi d'assiette à la construction ; ; que l'administration n'établit pas que la société civile immobilière "Les Ormes" assurait en fait la gestion d'une indivision ; que, si la société a vendu une parcelle de terrain à un tiers, cette vente ne suffit pas à la faire regarder comme ayant habituellement acheté des terrains en vue de les revendre au sens du 1-1° précité de l'article 35, dès lors qu'il n'est pas allégué par l'administration que les associés de la société civile immobilière se seraient eux-mêmes livrés habituellement à des opérations d'achat et de revente d'immeubles ; qu'ainsi, à défaut d'avoir eu une activité commerciale au sens de l'article 35 du code, la société civile immobilière "les Ormes", qui remplissait les conditions définies à l'article 239 ter, n'était pas passible de l'impôt sur les sociétés ; que, dès lors, M. X..., associé de cette société, ne pouvait pas être imposé à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, en tant que bénéficiaire, à raison de sa participation au capital social, de revenus supposés distribués par la société ; qu'il suit de là que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé décharge à M. X... de cette imposition ;
Sur les conclusions subsidiaires du recours tendant à l'annulation partielle du jugement attaqué :
Considérant que, selon les termes du jugement, le tribunal administratif n'a accordé à M. X... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu établies au titre des années 1972 et 1973 et à la majoration exceptionnelle au titre de l'année 1973 que "dans la mesure où elles procèdent de la notification de redressements datée du 2 juillet 1974" ; que ladite notification portait sur les seuls redressements découlant de ce que la société civile immobilière "Les Ormes" était regardée comme passible de l'impôt sur les sociétés ; que ces redressements étaient contestés par le requérant en première instance ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi ;
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget et à M. X....