Vu 1° le recours enregistré le 20 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, sous le n° 50 789, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DU BUDGET, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement, en date du 16 mars 1983, par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, pour excès de pouvoir en tant qu'elle concernait les activités et installations concourant directement à une exploitation industrielle ou commerciale, les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le directeur des services fiscaux du Finistère sur les réclamations adressées le 29 mai 1981 par la commune de Brest tendant à l'assujettissement des activités et des installations de l'arsenal maritime de Brest, à la taxe professionnelle et à la taxe foncière sur les propriétés bâties de la ville de Brest ;
2° rejette la requête de la ville de Brest ;
3° ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;
Vu 2° le recours sommaire enregistré sous le n° 50 847 le 24 mai 1983, et le mémoire complémentaire, enregistré le 16 septembre 1983, présentés pour le ministre de la défense nationale et tendant à l'annulation du même jugement ensemble au rejet de la requête de la commune de Brest ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le décret du 11 janvier 1965 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, avocat du ministre de la défense et de la SCP Waquet, avocat de Commune de Brest,
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les recours du ministre de l'économie, des finances et du budget et du ministre de la défense sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant que, par deux réclamations en date des 29 mai 1981, le maire de Brest a demandé au directeur des services fiscaux du département du Finistère que l'Etat soit assujetti, pour les années couvertes par le droit de reprise de l'administration, d'une part, à la taxe professionnelle, à raison de "toutes les activités", et, d'autre part, à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à raison de "l'intégralité des installations immobilières", de l'arsenal de Brest ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes, saisi par la commune de Brest, a annulé, pour excès de pouvoir, les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par l'administration sur ces réclamations, en tant seulement que lesdites décisions implicites "concernaient ls activités et installations concourant directement à l'exploitation industrielle ou commerciale de l'arsenal" ; qu'il ressort du dispositif du jugement, éclairé par les motifs qui en sont le soutien nécessaire, que les premiers juges ont entendu viser, comme "concourant directement à l'exploitation industrielle ou commerciale de l'arsenal", "totalement ou partiellement", les activités et installations relevant de la direction des constructions et armes navales et de la direction des travaux maritimes, et, "dans la mesure où elles concourent directement à l'exploitation industrielle et commerciale de l'arsenal", de la direction du commissariat de la marine dudit arsenal, à l'exception, en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, "de certains outillages, installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels" ;
Sur la recevabilité du recours du ministre de la défense :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 43 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 que les recours présentés au nom de l'Etat devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux doivent être formés par le ministre intéressé ; qu'au cas où plusieurs ministres ont la qualité de ministre intéressé le recours peut être présenté par l'un quelconque d'entre eux ;
Considérant que le Ministre de la défense qui est chargé des activités et installations de la marine nationale implantées à l'arsenal de Brest, dont l'assujettissement aux taxes était demandé par la commune de Brest est intéressé à l'annulation du jugement attaqué ; que, dès lors et bien que le mémoire en défense de l'Etat en première instance ait été présenté par le seul ministre chargé du budget, le recours du Ministre de la défense, d'ailleurs intervenant en première instance, est recevable ;
En ce qui concerne la taxe professionnelle :
Sur la recevabilité de la demande de la commune de Brest devant le tribunal administratif :
Considérant qu'en l'absence de réponse du directeur des services fiscaux du département du Finistère à la réclamation susmentionné du maire de Brest, en date du 29 mai 1981, concernant l'assujettissement à la taxe professionnelle et parvenue au directeur le 3 juin 1981, cette réclamation devait être regardée, en application de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, comme ayant fait l'objet à l'expiration d'un délai de quatre mois d'une décision implicite de rejet ; que si le ministre de la défense fait état d'une lettre, en date du 24 septembre 1981, par laquelle le directeur des services fiscaux aurait statué sur la réclamation dont s'agit, il ne ressort des pièces du dossier, ni que ladite lettre soit parvenue aux services de la commune de Brest avant le 18 novembre 1981, date à laquelle le maire a demandé des éclaircissements sur les termes de cette lettre, ni, par voie de conséquence, que la lettre en cause ait interrompu le délai de quatre mois précité ; qu'il ne ressort pas davantage des termes de cette même lettre, que, par ladite lettre, le directeur ait, soit rapporté, soit réformé, la décision implicite de rejet résultant du silence qu'il avait gardé pendant plus de quatre mois sur la réclamation de la commune de Brest ; qu'il suit de là que les conclusions de la demande de la commune de Brest tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision implicite de rejet précitée, enregistrée au tribunal administratif de Rennes le 2 décembre 1981, soit moins de deux mois après l'expiration du délai de quatre mois susmentionné, étaient recevables ;
Sur la légalité :
Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : "La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une ctivité professionnelle non salariée" ;
Considérant que sur le territoire de la commune de Brest, l'Etat, par l'intermédiaire des services de l'arsenal procède essentiellement à la construction de bâtiments destinés à être livrés à la marine nationale ; que la livraison à soi-même de biens ou de services ne constitue pas une activité professionnelle non salariée au sens de l'article 1447 précité du code général des impôts ; qu'en revanche, l'Etat exerce une activité professionnelle non salariée dans la mesure où les biens et services produits sont livrés, moyennant rémunération, à des tiers ;
Considérant que si, aux termes de l'article 1654 du code général des impôts : "... les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat... doivent... acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôpts et taxe de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations" ; ces dispositions ne suffisent pas en elles-mêmes à rendre l'Etat passible de la taxe professionnelle à raison d'activités dépourvues des caractères auxquels l'article 1447 subordonne l'application de la taxe ;
Considérant qu'il suit de là que les ministres requérants, qui ne contestent pas l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle concernait les activités de la direction des constructions et armes navales de l'arsenal de Brest, autres que les activités d'études et de recherches, sont fondés, dans la limite ainsi définie de leurs conclusions, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé cette décision en tant qu'elle a refusé d'assujettir l'Etat à la taxe professionnelle à raison d'activités de l'arsenal de Brest qui, tout en "concourant directement à l'exploitation industrielle ou commerciale de l'arsenal", au sens précédemment indiqué où le tribunal administratif a entendu cette expulsion, ne concourent pas à la livraison de biens ou de services à des personnes distinctes de l'Etat ;
En ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties :
Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code : "Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° les immeubles nationaux affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus, notamment : ... les magasins, casernes et établissements militaires, à l'exception des arsenaux. ... Sous réserve des dispositions du 9° , cette exonération n'est pas applicable aux immeubles qui appartiennent ... aux organismes de l'Etat ... ayant un caractère industriel ou commercial" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en ce qui concerne les bâtiments compris dans l'enceinte des arsenaux de l'Etat, la taxe foncière sur les propriétés bâties leur est en principe applicable que ces bâtiments soient ou non affectés à une activité industrielle ou commerciale ou productive de revenus ; qu'elle ne leur est, toutefois, pas applicable en tant que ces bâtiments sont affectés à des utilisations exclusivement militaires ;
Considérant, que le ministre de la défense n'est, en tout état de cause, pas fondé, à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir, à exciper des dispositions de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales annexé au nouveau code général des impôts, et d'une prétendue interprétation antérieure du texte fiscal ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les ministres requérants ne sont, pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont décidé que l'ensemble des bâtiments compris dans l'enceinte de l'arsenal de Brest devaient être soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à l'exception de ceux de ces bâtiments qui sont affectés à des utilisations exclusivement militaires ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 16 mars 1983 est annulé, sauf en ce qui concerne les activités de la direction des constructions et armes navales, autres que les activités d'étude et de recherche en tant qu'il a annulé la décision implicite du directeur des services fiscaux refusant d'assujettir l'Etat à la taxe professionnelle à raison d'activités de l'arsenal de Brest qui, tout en "concourant directement à l'exploitation industrielle ou comerciale de l'arsenal", ne concourrent pas à la livraison de biens ou de servicesà des personnes distinctes de l'Etat.
Article 2 : Le surplus des conclusions des recours du Ministre de l'économie, des finances et du budget et du Ministre de la défenseest rejeté, et les conclusions de la demande de la commune de Brest devant le tribunal administratif de Rennes dirigées contre la partie de la décision attaquée qui avait été annulée à tort par le tribunal administratif sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget, au ministre de la défense et à la commune de Brest.