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06/06/1986 | FRANCE | N°57898

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 06 juin 1986, 57898


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 mars 1984 et 26 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Ville de SOISSONS, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal en date du 29 février 1984 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 7 février 1984 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, sur la tierce-opposition formée par l'association scolaire Saint-Rémy, déclaré non avenu son jugement du 22 décembre 1981

en tant qu'il a annulé : a un arrêté du sous-préfet de Soissons en date ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 mars 1984 et 26 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Ville de SOISSONS, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal en date du 29 février 1984 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 7 février 1984 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, sur la tierce-opposition formée par l'association scolaire Saint-Rémy, déclaré non avenu son jugement du 22 décembre 1981 en tant qu'il a annulé : a un arrêté du sous-préfet de Soissons en date du 22 avril 1981 inscrivant d'office au budget de la commune pour 1981 une dépense de 190 673,34 F à titre de contribution aux frais de fonctionnement de l'école primaire privée Saint-Rémy pour les deuxième et troisième trimestres de l'année scolaire 1980-1981 ;
b à concurrence de 190 673,64 F, un arrêté du même sous-préfet en date du 25 mai 1981 majorant le produit fiscal voté par le conseil municipal de Soissons ; c un arrêté du même sous-préfet en date du 11 juin 1981 mandatant d'office au profit de l'école Saint-Rémy la somme de 190 673,34 F ;
2° rejette les conclusions de la tierce-opposition de l'association scolaire Saint-Rémy

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 mars 1882 ;
Vu la loi du 30 octobre 1886 ;
Vu le décret du 7 avril 1887 ;
Vu la loi du 31 décembre 1959 modifiée par la loi du 25 novembre 1977 ;
Vu le décret n° 60-389 du 22 avril 1960 modifié par le décret du 8 mars 1978 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Aubin, Maître des requêtes,
- les observations de S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la Ville de SOISSONS et de Me Brouchot, avocat de l'association scolaire Saint-Rémy,
- les conclusions de M. Roux, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte les visas exigés par l'article R 172 du code des tribunaux administratifs ; qu'il n'est par ailleurs entaché d'aucune omission de statuer ;
En ce qui concerne la recevabilité de la tierce-opposition :
Considérant que, par un jugement en date du 22 décembre 1981, le Tribunal administratif d'Amiens a, sur la requête de la ville de SOISSONS, annulé deux arrêtés du sous-préfet de SOISSONS en date des 12 mars et 22 avril 1981 inscrivant d'office à son budget pour 1981 des dépenses de 95 336,66 francs et 190 673,34 francs correspondant à la prise en charge des frais de fonctionnement de l'école Saint-Rémy pour l'année scolaire 1980-1981, un arrêté du même sous-préfet en date du 25 mai 1981 majorant de 286 010 francs le produit fiscal attendu voté par le conseil municipal et un arrêté du 11 juin 1981 mandatant d'office la somme de 190 673,34 francs au profit de l'école Saint-Rémy ; que ce jugement préjudiciait aux droitsde l'association scolaire Saint-Rémy, qui a pour objet d'assurer le fonctionnement et l'entretien de cette école ; qu'il est constant qu'elle n'avait été ni présente ni appelée dans l'instance ayant abouti à ce jugement ; que, par suite, elle était recevable à former tierce-opposition ;
En ce qui concerne le bien fondé de la tierce opposition :
Sur le moyen tiré de ce que les dépenses de fonctionnement de l'école Saint-Rémy n'incomberaient pas à la commune :
Considérant qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959 dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 25 novembre 1977, "les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public" ; qu'en vertu de cette disposition et ainsi que le précisait d'ailleurs l'article 7 du décret n° 60-389 du 22 avril 1960, les dépenses de fonctionnement matériel des classes primaires sous contrat d'association étaient, comme dans l'enseignement public, à la charge des communes ; que si, depuis sa modification par la loi du 25 novembre 1977, l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959 dispose que "les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d'association sont prises en charge sous la forme d'une contribution forfaitaire versée par élève et par an et calculée selon les mêmes critères que pour les classes correspondantes de l'enseignement public et n'indique donc pas par quelle collectivité cette contribution est versée, il résulte des travaux préparatoires de cette disposition que le législateur n'a pas entendu revenir sur la règle selon laquelle les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d'association sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public et par la même collectivité ;

Considérant que l'article L. 221-1 du code des communes dispose que "sont obligatoires pour les communes les dépenses mises à leur charge par la loi", et qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 2 mars 1982, "ne sont obligatoires pour les communes que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé" ; que l'ensemble de ces dispositions n'ont pas privé de leur caractère obligatoire les dépenses qui découlent directement, pour les communes, des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1959 ;
Considérant qu'en vertu de l'article 11 de la loi du 30 octobre 1886, toute commune doit, sauf le cas où elle est autorisée à se réunir à une autre pour établir une école intercommunale, être pourvue d'une école primaire publique ; qu'il résulte toutefois des dispositions combinées des articles 14 et 15 de la même loi et de l'article 2 du décret du 7 avril 1887 que seul l'établissement des écoles primaires élémentaires publiques destinées à recevoir les élèves soumis à l'obligation scolaire en application de l'article 4 de la loi du 28 mars 1882 donne lieu à une dépense obligatoire pour la commune ; que les écoles maternelles ou les classes enfantines ne donnent lieu à une telle dépense que lorsqu'elles ont été régulièrement créées à la demande de la commune ; qu'il suit de là que, si les communes sont tenues, par application des dispositions susrappelées de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959, de prendre en charge les dépenses de fonctionnement des classes élémentaires des établissements d'enseignement sous contrat d'association, elles n'ont à supporter les dépenses de fonctionnement des classes enfantines ou maternelles de ces établissements que lorsqu'elles ont donné leur accord au contrat concernant ces classes ; que la ville de SOISSONS n'a donné, ni lors de sa conclusion, ni ultérieurement, son accord au contrat d'association signé par le préfet de l'Aisne et l'école Saint-Rémy en tant que ce contrat concerne les classes maternelles de cet établissement ; que, par suite, les dépenses de fonctionnement de ces classes ne peuvent légalement donner lieu à une inscription d'office au budget de la commune ;

Considérant qu'il résulte des dispositions susrappelées des articles 11, 14 et 15 de la loi du 30 octobre 1886 que chaque commune n'est tenue de supporter les dépenses de fonctionnement des écoles primaires élémentaires publiques établies sur son territoire que pour les élèves résidant dans la commune ; qu'il suit de là qu'une commune sur le territoire de laquelle se trouve un établissement d'enseignement privé sous contrat d'association comportant des classes élémentaires doit, par application des dispositions de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959, prendre en charge les dépenses de fonctionnement de ces classes, mais seulement en ce qui concerne les éléves résidant dans la commune ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de SOISSONS est fondée à soutenir que les arrêtés attaqués du sous-préfet de SOISSONS sont entachés d'excès de pouvoir en tant qu'ils prononcent l'inscription d'office à son budget de dépenses correspondant à la prise en charge des frais de fonctionnement des classes maternelles de l'école Saint-Rémy et des frais de fonctionnement des classes élémentaires de cet établissement pour des élèves ne résidant pas dans la commune, l'augmentation à due concurrence du produit fiscal voté par le conseil municipal et le mandatement d'office de ces dépenses ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 du décret du 22 avril 1960 modifié :
Considérant qu'il ressort du dossier que le sous-préfet de SOISSONS a calculé le montant des sommes dues par la ville au titre des dépenses de fonctionnement des classes élémentaires de l'école Saint-Rémy, comme l'exigeait l'article 7 alors en vigueur du décret du 22 avril 1960 dans la rédaction résultant du décret du 8 mars 1978, sur la base du coût moyen des dépenses d'entretien d'un élève externe d'une école publique de la commune dans les classes correspondantes ayant un effectif comparable ; que le moyen tiré d'une méconnaissance dudit décret doit, dès lors, être écarté ;
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procèdure d'inscription d'office :

Considérant que si la ville de SOISSONS soutient que les arrêtés du sous-préfet de SOISSONS seraient intervenus sans que soient respectées les formalités prévues en matière d'inscription et de mandatement d'office par les dispositions alors en vigueur du code des communes, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ville de SOISSONS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a déclaré son jugement du 22 décembre 1981 non avenu, en ce qu'il annulait l'arrêté du 22 avril 1981 du sous-préfet de SOISSONS en tant qu'il inscrivait d'office au budget de la commune pour 1981 des dépenses correspondants aux frais de fonctionnement des classes maternelles de l'école Saint-Rémy et des classes élémentaires de cet établissement pour des élèves ne résidant pas dans la commune, l'arrêté du 25 mai 1981 en tant qu'il majorait à concurrence du montant de ces dépenses le produit fiscal voté par le conseil municipal et l'arrêté du 11 juin 1981 en tant qu'il mandatait d'office ces dépenses au profit de l'école ;
Article ler : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 7 janvier 1984 est annulé en tant qu'il a déclarénon avenu le jugement rendu le 22 décembre 1981 par ce tribunal, en ce qu'il annulait l'arrêté du 22 avril 1981 du sous-préfet de SOISSONS en tant qu'il inscrivait d'office au budget de la ville de SOISSONS pour 1981 des dépenses correspondant aux frais de fonctionnement des classes maternelles de l'école Saint-Rémy, et des classes élémentaires de cet établissement pour des élèves ne résidantpas dans la commune, l'arrêté du 25 mai 1981 en tant qu'il majorait àconcurrence du montant de ces dépenses le produit fiscal voté par le conseil municipal et l'arrêté du 11 juin 1981 en tant qu'il mandataitd'office ces dépenses au profit de l'école. Les arrêtés du sous-préfet de SOISSONS en date des 22 avril, 25 mai et 11 juin 1981 sont annulés en tant qu'ils prononcent l'inscription d'office au budget de la ville de SOISSONS pour 1981 de dépenses correspondant aux frais de fonctionnement des classes maternelles de l'école Rémy et aux frais de fonctionnement des classes élémentaires decet établissement pour des élèves ne résidant pas dans la commune, lamajoration à concurrence du montant de ces dépenses du produit fiscalvoté par le conseil municipal et le mandatement d'office de ces dépenses au profit de l'école sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la tierce-opposition présentée devant le Tribunal administratif d'Amiens par l'associationscolaire Saint-Rémy et le surplus des conclusions de la requête de laville de SOISSONS sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ville de SOISSONS, à l'association scolaire Saint-Rémy, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'éducation nationale.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

30-02-07 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT PRIVE


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 06 jui. 1986, n° 57898
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Aubin
Rapporteur public ?: Roux

Origine de la décision
Formation : 3 ss
Date de la décision : 06/06/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 57898
Numéro NOR : CETATEXT000007711500 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-06-06;57898 ?
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