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19/03/1986 | FRANCE | N°46105

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 19 mars 1986, 46105


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 octobre 1982 et 2 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Anonyme "Cabinet Jacques DANGEVILLE", dont le siège est ... à Paris 75008 , représentée par son président directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 8 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 276 551,25 F qu'elle a acquittée au tit

re de la période du 1er janvier au 31 décembre 1978 ;
2- lui accorde ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 octobre 1982 et 2 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Anonyme "Cabinet Jacques DANGEVILLE", dont le siège est ... à Paris 75008 , représentée par son président directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 8 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 276 551,25 F qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1978 ;
2- lui accorde la restitution de l'imposition contestée, ou au moins de la somme afférente à la période du 1er janvier 1978 à la date d'entrée en vigueur de la 9ème directive européenne ;
3- à titre subsidiaire, soumette à la Cour de Justice des Communautés Européennes la question préjudicielle de la date d'effet en France des sixième et neuvième directives du Conseil des Communautés Européennes, et la question de l'interprétation de l'article 99 du Traité de Rome ;
4- à titre encore plus subsidiaire, condamne l'Etat à verser à la Société requérante, à titre de dommages-intérêts, la somme de 291 816,91 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité en date du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le décret du 11 janvier 1965 ;
Vu la loi n° 70-583 du 8 juillet 1970 et la décision du Conseil des Communautés Européennes en date du 21 avril 1970 ;
Vu la sixième directive du Conseil des Communautés Européennes en date du 17 mai 1977 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la Société Anonyme "Cabinet Jacques DANGEVILLE",
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal administratif a répondu à l'ensemble des moyens invoqués à l'appui de ses conclusions principales en restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a versés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1978 ; que la société n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé de ce chef ;
Considérant que, pour obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée susmentionée, la société de courtage d'assurances "Cabinet Jacques DANGEVILLE" soutient, en premier lieu, qu'elle doit bénéficier de l'application de la sixième directive du conseildes communautés européennes, en date du 17 mai 1977, qui a notamment prévu qu'à compter du 1er janvier 1978, doivent être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée "les opérations d'assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurances" ;
Considérant qu'il ressort clairement des stipulations de l'article 189 du traité instituant la communauté économique européenne, en date du 25 mars 1957, que, si les directives du conseil lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" et si, pour atteindre les résultats qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider des moyens propres à permettre aux directives de produire effet en droit interne ; qu'ainsi, quelles que soient, d'ailleurs, les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etats membres, les directives ne peuvent pas être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'un recours relatif à un litige fiscal ; qu'il est constant que les mesures propres à permettre à la sixième directive susmentionnée de produire effet en droit interne français n'avaient pas encore été prises durant la période d'imposition litigieuse ; que, dans ces conditions, ladite directive qui, contrairement à ce que soutient la société requérante, ne constitue pas un règlement au sens des stipulations du traité précité est, en tout état de cause, sans influence sur l'application des dispositions législatives antérieures, notamment l'article 256 du code général des impôts ; que, par suite, faute de question préjudicielle, la demande de renvoi devant la cour de justice des communautés européennes est sans objet ;

Considérant que si la société requérante se prévaut, en second lieu, à l'appui de ses conclusions en décharge, des dispositions tant de la décision du conseil des communautés européennes du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux communautés que de la loi n° 70-583 du 8 juillet 1970 autorisant l'application de ladite décision il ressort de leurs termes mêmes que cette décision et cette loi ne sont étrangères au régime d'imposition des opérations d'assurance et de réassurance à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi le moyen susanalysé n'est pas fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société "Cabinet Jacques DANGEVILLE" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fin de restitution de l'imposition contestée ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que le tribunal n'a pas statué sur les conclusions subsidiaires tendant à l'octroi d'une indemnité de 291 816,21 F dont la société l'avait saisi en cours d'instance ; que le jugement attaqué est donc entaché d'irrégularité sur ce point et doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande sur lesquelles les premiers juges ont omis de se prononcer ; Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article R.89 du code des tribunaux administratifs et de l'article premier du décret du 11 janvier 1965, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours contre une décision ; que la Société Anonyme "Cabinet Jacques DANGEVILLE" ne justifie d'aucune décision lui ayant refusé l'indemnité de 291 816,91 F qu'elle sollicite, ni même d'aucune demande à l'autorité administrative, à l'effet d'en obtenir l'allocation ; qu'ainsi, faute de décision préalable, ses conclusions à fin d'indemnité ne sont pas recevables ;
Article 1er : Le jugement en date du 8 juillet 1982 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande tendant à l'octroi d'une indemnité.

Article 2 : Les conclusions à fin d'indemnité de la demande présentée par la Société Anonyme "Cabinet Jacques DANGEVILLE" devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société Anonyme "Cabinet Jacques DANGEVILLE" et au ministre de l'économie, des finances et du budget.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle évocation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-01-05-01,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES - CONVENTIONS MULTILATERALES -Communauté européenne - Directives du Conseil des communautés européennes - Absence d'effet direct en droit interne [1] - Distinction entre directive et règlement.

19-01-01-05-01 Quelles que soient les précisions qu'elle contient à l'intention des Etats membres, la 7e directive du Conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977 relative à l'harmonisation des législations nationales en matière de T.V.A. ne constitue pas un règlement au sens des dispositions du Traité de Rome [1].


Références :

CEE Directive 388-77 du 17 mai 1977 Conseil
CEE Décision sui generis 243-70 du 21 avril 1970 Conseil
CGI 256
Code des tribunaux administratifs R89
Décret 65-29 du 11 janvier 1965 art. 1
Loi 70-583 du 08 juillet 1970
Traité de Rome du 25 mars 1957 art. 189

1.

Rappr. Assemblée, 1978-12-22, Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit, p. 525


Publications
Proposition de citation: CE, 19 mar. 1986, n° 46105
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Teissier du Cros
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Formation : 9 / 8 ssr
Date de la décision : 19/03/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 46105
Numéro NOR : CETATEXT000007619833 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-03-19;46105 ?
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