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24/01/1986 | FRANCE | N°48818

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 24 janvier 1986, 48818


Vu la requête enregistrée le 22 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Société anonyme "Transports X...", demeurant ... à Cosnes-sur-Loire Nièvre , représentée par l'un de ses dirigeants en exercice, t tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement n° 2 366 en date du 14 décembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la réduction de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1972 et 1973 et des pénalités c

orrespondantes ;
2° lui accorde la réduction des impositions et pénalités litig...

Vu la requête enregistrée le 22 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Société anonyme "Transports X...", demeurant ... à Cosnes-sur-Loire Nièvre , représentée par l'un de ses dirigeants en exercice, t tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement n° 2 366 en date du 14 décembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la réduction de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1972 et 1973 et des pénalités correspondantes ;
2° lui accorde la réduction des impositions et pénalités litigieuses,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu la loi du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984, notamment son article 93-II ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Turot, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que par décision du 4 avril 1984, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Dijon a prononcé en faveur de la société requérante un dégrèvement de 10 270 F au titre de l'année 1973 correspondant à 7 900 F en droits et 2 370 F en pénalités ; que, dans cette mesure, les conclusions de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés assorties de pénalités qui lui ont été assignées au titre de ladite année sont devenues sans objet ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts alors applicable "...3. si la taxation est conforme à l'appréciation de la commission, le redevable conserve le droit de présenter une demande en réduction par voie de réclamation contentieuse, à charge pour lui d'apporter tous éléments, comptables ou autres, de nature à permettre d'apprécier le chiffre qui doit effectivement être retenu comme base d'imposition". ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 1649 quinquies A du code, et dès lors que les impositions contestées en appel ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qu'il appartient à la société anonyme "Transports X..." qui exploitait en gérance libre une entreprise de transports d'apporter la preuve, sous réserve de ce qui sera dit ci-après de la confusion invoquée par l'administration du patrimoine de la société et de celui de son président-directeur général, de l'exagération des bases retenues par l'administration pour la détermination des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés maintenues à sa charge au titre des années 1972 et 1973 ;
Sur le bien-fondé des imposiions :
En ce qui concerne l'évaluation du stock à la clôture des exercices 1972 et 1973 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est, d'ailleurs, pas contesté que la société requérante n'a, à la clôture des exercices 1972 et 1973, dressé aucun inventaire de ses stocks ; qu'elle n'établit pas l'exagération dont serait entachée, selon elle, l'évaluation à laquelle l'administration a procédé desdits stocks, respectivement fixés à 10 000 F et à 15 000 F à la clôture des exercices 1972 et 1973, en se bornant à alléguer que les difficultésd'exploitation qu'elle rencontrait alors l'obligeait à maintenir des stocks à un niveau négligeable ;
En ce qui concerne la réintégration de charges passées en frais généraux :
Considérant que la société requérante ne fournit pas la preuve qui lui incombe que les sommes qu'elle a portées en charges déductibles des résultats, qui s'élèvent respectivement à 4 800 F et 600 F pour les exercices 1972 et 1973 et qui correspondent, d'une part, à une fraction des frais de voyage à l'étranger effectué, aux lieu et place du président-directeur général, par son épouse et par son fils, d'autre part, à des cotisations du dirigeant de l'entreprise à diverses associations ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration a procédé à leur réintégration dans le bénéfice imposable ;
En ce qui concerne l'allocation forfaitaire pour frais de déplacement versée au président-directeur général :
Considérant qu'aux termes de l'article 39-3 du code général des impôts : "Les allocations forfaitaires qu'une société attribue à ses dirigeants ou aux cadres de son entreprise pour frais de représentation et de déplacement sont exclues des charges déductibles pour l'assiette de l'impôt lorsque, parmi ces charges, figurent déjà les frais habituels de cette nature remboursés aux intéressés" ; que la société ne démontre pas que l'allocation de 1 200 F par mois pour frais de déplacement allouée à son président-directeur général au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1972 ne faisait pas double emploi avec les frais de transport qu'elle lui remboursait par ailleurs ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre l'allocation litigieuse en charge déductible ;
En ce qui concerne la réintégration de frais afférents à l'usage par le président-directeur général de véhicules n'appartenant pas à l'entreprise :

Considérant qu'aux termes de l'article 54 quater du code général des impôts :"Les entreprises sont tenues de fournir à l'appui de la déclaration de leurs résultats de chaque exercice, le relevé détaillé des catégories de dépenses visées à l'article 39-5" ; qu'aux termes de l'article 39-5 du même code :"Lorsque les dépenses appartenant aux catégories ci-après excèdent les chiffres fixés par arrêté du ministre de l'économie et des finances :...elles ne sont déductibles que si elles figurent sur le relevé visé à l'article 54 quater - Les dépenses visées à l'alinéa précédent sont : a les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; b les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ..." ; que l'obligation de fournir le relevé détaillé prévu à l'article 54 quater précité s'applique aux seules dépenses qui excèdent le montant fixé pour la catégorie à laquelle elles appartiennent par l'arrêté susvisé du ministre de l'économie et des finances codifié aux articles 4 j à 4 L de l'annexe IV au code ;
Considérant que pour justifier la réintégration d'une somme de 4 000 F à laquelle elle a procédé dans les résultats de l'année 1973 correspondant à des frais d'usage de la voiture personnelle d'un dirigeant pour les besoins de la société, l'administration s'est fondée sur l'omission de présentation par la société du relevé mentionné par les dispositions précitées de l'article 39-5 alors que le montant des frais de l'espèce excédait, selon elle, le seuil prévu pour les rémunérations directes et indirectes des personnes les mieux payées par le 1° de l'article 4 j susvisé de l'annexe IV au code ; mais qu'à raison de leur nature, lesdits frais sont en réalité au nombre de ceux que vise le 2° du même article 4 j ; que leur montant susvisé de 4 000 F était en l'espèce inférieur à celui fixé par cette dernière disposition ; que dès lors la société n'était pas tenue de les faire figurer sur le relevé détaillé susmentionné et l'administration ne pouvait se fonder, sur une prétendue omission à cet égard, pour réintégrer la somme dont s'agit, dans les résultats imposables de la société ;
En ce qui concerne la réintégration de bénéfices qui auraient été dissimulés :

Considérant qu'à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la société portant notamment sur les exercices clos le 31 décembre des années 1972 et 1973, l'administration a examiné les mouvements des comptes bancaires de M. Robert X..., son président-directeur général, qui détenait avec son épouse 84 % du capital social et a cru pouvoir déceler un enrichissement inexpliqué de ce dernier par rapport à ses revenus déclarés au titre des mêmes années ; qu'elle s'est fondée sur cet enrichissement pour reconstituer les résultats de la société en regardant comme des recettes dissimulées les sommes portées au crédit des comptes bancaires de M. Robert X... et dont la justification ne lui a pas paru suffisante ; qu'elle a, ainsi, assujetti de ce chef la société à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1972 et 1973, qui, compte tenu des dégrèvements prononcés en cours d'instance, demeurent en litige à concurrence de 24 832 F au titre de l'année 1972 et de 21 743 F au titre de l'année 1973 ; que la comptabilité de la société étant regardée par le service comme régulière, il appartient à l'administration, avant que la société n'ait, le cas échéant, à apporter la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition retenues sur ce point par l'administration conformément à l'avis de la commission départementale, de faire état de circonstances précises et concordantes tirées du fonctionnement même de l'entreprise permettant, en dépit de la séparation existant entre le patrimoine de M. Robert X... et celui de la société, d'affirmer l'existence de telles recettes dissimulées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que ces circonstances font ici défaut ; que ni le fait que M. Robert X... détenait avec son épouse 84 % et avec sa famille la quasi totalité du capital social, ni celle qu'une prestation de services non comptabilisée, d'un montant de 1 646,40 F a été réintégrée dans le bénéfice imposable ne suffisent à établir, en l'absence d'autres éléments permettant d'estimer que M. X... se comportait en maître de l'affaire, l'existence d'une confusion entre le patrimoine de l'intéressé et celui de la société ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le service a rapporté aux résultats imposables respectivement des exercices clos en 1972 et 1973, les sommes susmentionnées de 24 832 F et 25 743 F inscrites au crédit des comptes personnels de M. Robert X... et à demander la réduction, dans cette mesure, des impositions contestées et des pénalités correspondantes ainsi que la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société anonyme "Transports X..." àconcurrence d'une somme de 10 270 F au titre des impositions à l'impôt sur les sociétés établies au titre de l'année 1973.

Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel la société anonyme "Transports X..." a été assujettie au titre de l'année 1972 sont réduites en droits et pénalités de la somme de 24 832 F et, au titre de l'année 1973, en droits et pénalités, de la somme de 25 743 F.

Article 3 : La société "Transports X..." est déchargée de la différence entre le montant de l'impôt auquel elle a été assujettie et celui résultant de l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 14 décembre 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme "Transports X..." est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "Transports X..." et au ministre de l'économie, des finances et du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 48818
Date de la décision : 24/01/1986
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B - I - C - DETERMINATION DU BENEFICE NET - CHARGES DIVERSES - Charges visées à l'article 39-5 du C - G - I - Conditions de déductibilité - Frais de déplacement - Obligation de fournir le relevé prévu à l'article 54 quater [1] - Application des seuils par catégories de dépenses.

19-04-02-01-04-09 En vertu des dispositions combinées des articles 54 quater et 39-5 du C.G.I., certaines dépenses des entreprises ne sont déductibles que si elles figurent sur un relevé détaillé par catégories de dépenses fourni à l'appui de la déclaration de leurs résultats. L'obligation de fournir le relevé détaillé s'applique aux seules dépenses qui excèdent le seuil fixé, pour la catégorie à laquelle elles appartiennent, par des arrêtés ministériels codifiés aux articles 4 j à 4 l de l'annexe IV au code [1]. Au nombre des dépenses concernées figurent notamment, selon l'article 39-5, "a] les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; b] les frais de voyage et de déplacement exposés par ces personnes". Les frais afférents à l'usage de sa voiture personnelle par un dirigeant d'une société pour les besoins de celle-ci relèvent du b] de l'article 39-5. Le seuil applicable est par suite celui prévu par le 2° de l'article 4 j de l'annexe IV.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B - I - C - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - REDRESSEMENTS - Redressement fondé sur l'enrichissement inexpliqué d'un dirigeant - Condition de confusion des patrimoines [1] - Charge de la preuve.

19-04-02-01-06-01-01 Alors même que la comptabilité d'une société est regardée comme régulière, l'administration peut redresser ses recettes et ses bénéfices en se fondant sur l'enrichissement inexpliqué d'un dirigeant [1]. Il appartient dans ce cas à l'administration, avant que la société n'ait, le cas échéant, à apporter la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition retenues sur ce point par l'administration conformément à l'avis de la commission départementale, de faire état de circonstances précises et concordantes, tirées du fonctionnement même de l'entreprise, permettant, en dépit de la séparation existant entre le patrimoine du dirigeant et celui de la société, d'affirmer l'existence de recettes dissimulées. En l'espèce, le fait que le dirigeant détenait avec son épouse 84 %, et avec sa famille la quasi totalité du capital social, ne suffit pas à établir, en l'absence d'autres éléments permettant d'estimer que l'intéressé se comportait en maître de l'affaire, l'existence d'une confusion entre son patrimoine et celui de la société.


Références :

CGI 1649 quinquiès A 3, 39 3, 54 quater, 39 5
CGIAN4 4 j à 4 l, 4 j 1, 4 j 2

1. Comp. 1985-02-06, 43329


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jan. 1986, n° 48818
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Videau
Rapporteur ?: M. Turot
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:48818.19860124
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