Décisions du Conseil d'Etat du 24 juin 1966 renvoyant au Tribunal des Conflits la question de savoir, quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur les requêtes du sieur X... tendant, d'une part à l'interprétation du décret du 3 mai 1961 portant dissolution du Conseil de l'Ordre des avocats d'Alger et, d'autre part, à l'annulation d'une décision du garde des Sceaux, en date du 10 mai 1961, transférant les fonctions du bâtonnier en exercice au Président du Tribunal de grande instance d'Alger ;
Vu la décision du Tribunal des conflits en date du 16 janvier 1967 ; le Code de procédure pénale ; le décret du 10 avril 1954 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953, modifié par le décret du 27 décembre 1960 ; le Code général des impôts ;
Considérant que les deux requêtes du sieur X... sont connexes ; que, par application de l'article 2 bis ajouté au décret du 30 septembre 1953 par le décret du 27 décembre 1960, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier ressort de l'ensemble des conclusions de ces requêtes ;
Sur l'interprétation du décret du 3 mai 1961 :
Considérant, d'une part, que le décret du 3 mai 1961, qui a prononcé la dissolution du Conseil de l'Ordre des avocats d'Alger, ne comportait aucune disposition mettant fin aux fonctions du bâtonnier dudit Ordre ;
Considérant, d'autre part, que, si le bâtonnier préside, de droit, le Conseil de l'Ordre des avocats, il résulte du décret du 10 avril 1954 que son élection est le fait de l'assemblée générale de l'Ordre, par scrutin séparé ; qu'outre les attributions que lui confère ledit décret en qualité de président do Conseil de l'Ordre, le bâtonnier exerce diverses fonctions qui lui sont propres et qui lui sont personnellement confiées par les lois ou les règlements ;
Considérant que, si, à la vérité, l'article 114 du Code de procédure pénale dispose que : la désignation des avocats commis d'office est faite par le bâtonnier de l'Ordre des avocats, s'il existe un Conseil de l'Ordre et dans le cas contraire, par le Président du Tribunal, cette disposition n'a ni pour but, ni pour effet, en tout état de cause, de confier au Président du tribunal, dans l'hypothèse qu'elle envisage, l'ensemble des attributions du bâtonnier ; que, d'ailleurs, lorsqu'un barreau groupe moins de six avocats et qu'en conséquence, il n'existe pas de Conseil de l'Ordre, les membres de ce barreau élisent néanmoins un bâtonnier ;
Considérant que de ce qui précède, il résulte que la dissolution du Conseil d'un Ordre d'avocats n'a pas pour conséquence nécessaire l'éviction du bâtonnier ; que, dès lors, le décret du 3 mai 1961 doit être interprété comme n'emportant pas, par lui-même, cessation des fonctions du bâtonnier de l'Ordre des avocats d'Alger ;
Sur la légalité de la décision du garde des Sceaux en date du 10 mai 1961 :
Considérant que, par lettre du 10 mai 1961 adressée au procureur général près la Cour d'appel d'Alger, le garde des Sceaux a prescrit que les fonctions de bâtonnier de l'Ordre des avocats d'Alger soient désormais exercées par le Président du Tribunal de grande instance d'Alger ; que, de ce qui a été dit ci-dessus, il résulte que ladite lettre constitue une décision distincte du décret du 3 mai 1961; que le sieur X... est recevable à la déférer au juge de l'excès de pouvoir ;
Considérant que, pour prendre la mesure incriminée, le garde des Sceaux s'est uniquement fondé sur ce que la dissolution du Conseil de l'Ordre emportait, par elle-même, cessation des fonctions du bâtonnier ; que ladite mesure est ainsi entachée d'erreur de droit ; que, dans ces conditions, le sieur X... est fondé à en demander l'annulation ;... Il est déclaré que le décret du 3 mai 1961, portant dissolution du Conseil de l'Ordre des avocats d'Alger, n'emporte pas cessation des fonctions du bâtonnier dudit Ordre ; annulation de la décision du 10 mai 1961, par laquelle le garde des Sceaux a prononcé le transfert des fonctions de bâtonnier de l'Ordre des avocats d'Alger au Président du Tribunal de grande instance d'Alger ; dépens mis à la Charge de l'Etat.