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09/10/2013 | FRANCE | N°2013-675

France | France, Conseil constitutionnel, 09 octobre 2013, 2013-675


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 septembre 2013, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative à la transparence de la vie publique.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l

'application de l'article 23 de la Constitution ;

Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relat...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 septembre 2013, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative à la transparence de la vie publique.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution ;

Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;

Vu la loi relative à la transparence de la vie publique adoptée définitivement par le Parlement le 17 septembre 2013 ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013 ;

Vu les observations présentées par cent un sénateurs et cent dix neuf députés enregistrées respectivement les 18 et 20 septembre 2013 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 27 septembre 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel comporte seize articles ; qu'elle a été prise sur le fondement de l'article 6, du cinquième alinéa de l'article 13, de l'article 23, de l'article 25, du dix-huitième alinéa de l'article 34, de l'article 57, et des articles 74 et 77 de la Constitution ; que cette loi a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 6 DE LA CONSTITUTION :

2. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la Constitution, une loi organique fixe les modalités de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct ;

3. Considérant que le paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée prévoit, en particulier, que les candidats à l'élection présidentielle doivent, à peine de nullité de leur candidature, remettre au Conseil constitutionnel, sous pli scellé, une déclaration de leur situation patrimoniale conforme aux dispositions de l'article L.O. 135-1 du code électoral et l'engagement, en cas d'élection, de déposer deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l'expiration de leur mandat, une nouvelle déclaration conforme à ces dispositions qui sera publiée au Journal officiel dans les huit jours de son dépôt ;

4. Considérant que l'article 9 de la loi organique insère deux alinéas avant le dernier alinéa du paragraphe I de cet article 3 ; que le premier alinéa est relatif aux déclarations de situation patrimoniale des candidats à l'élection présidentielle ; qu'il prévoit que ces déclarations sont transmises à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui les rend publiques au moins quinze jours avant le premier tour de scrutin dans les limites définies au paragraphe III de l'article L.O. 135-2 du code électoral ; qu'en vertu des mêmes dispositions, la Haute autorité peut assortir cette publication de toute appréciation qu'elle estime utile quant à l'exhaustivité, à l'exactitude et à la sincérité de la déclaration, après avoir mis à même l'intéressé de présenter ses observations ;

5. Considérant que le second alinéa inséré par l'article 9 prévoit que la déclaration de situation patrimoniale remise par le Président de la République, à l'issue de ses fonctions, est transmise à la Haute autorité ; que si celle-ci « constate que cette déclaration n'est pas exhaustive, exacte ou sincère ou si elle constate une évolution de situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d'explications suffisantes, elle rend public ce constat, après avoir mis à même l'intéressé de présenter ses observations » ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée ; que le dépôt de déclarations de situation patrimoniale qui contiennent des données à caractère personnel relevant de la vie privée, ainsi que la publicité dont peuvent faire l'objet ces déclarations, portent atteinte au respect de la vie privée ; que, pour être conformes à la Constitution, ces atteintes doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ;

7. Considérant que le législateur a prévu que doivent être rendues publiques, non seulement la déclaration de situation patrimoniale du Président de la République élu, mais aussi la déclaration de situation patrimoniale de tous les candidats à l'élection présidentielle ; qu'en prévoyant que les déclarations de situation patrimoniale remises par les candidats à cette élection sont transmises à la Haute autorité qui les rend publiques dans les limites prévues au paragraphe III de l'article L.O. 135-2 du code électoral, le législateur n'a pas, eu égard à la place du Président de la République dans les institutions et à la nature particulière de son élection, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des candidats à l'élection présidentielle ;

8. Considérant que, toutefois, en retenant que la Haute autorité peut assortir la publication de la déclaration, qui intervient au moins quinze jours avant le premier tour de scrutin, de « toute appréciation qu'elle estime utile quant à l'exhaustivité, à l'exactitude et à la sincérité de la déclaration », le législateur a conféré à cette autorité le pouvoir d'intervenir dans la campagne électorale, dans les derniers jours de celle-ci, dans des conditions qui pourraient porter atteinte à l'égalité devant le suffrage ; que, par suite, la seconde phrase du cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 dans sa rédaction résultant du deuxième alinéa de l'article 9 de la loi déférée doit être déclarée contraire à la Constitution ; que, pour les mêmes motifs, doit être déclarée contraire à la Constitution la seconde phrase du sixième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 dans sa rédaction résultant du troisième alinéa de l'article 9 de la loi déférée ;

9. Considérant que les autres dispositions de l'article 9 ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ;

- SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DU CINQUIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE 13 DE LA CONSTITUTION :

10. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés » ; que le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 susvisée fixe la liste des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions prévues par cet article 13 ;

11. Considérant que l'article 8 de la loi organique modifie ce tableau en ajoutant la fonction de Président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique aux emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions prévues par cet article 13 ; qu'eu égard à son importance pour la garantie des droits et des libertés, cette fonction entre dans le champ d'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; que l'article 8 est conforme à la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 23 DE LA CONSTITUTION :

12. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 23 de la Constitution : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle.

« Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois » ;

13. Considérant que l'article 7 de la loi organique modifie les articles 1er, 4 et 5 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée et abroge ses articles 6 et 7 ;

14. Considérant que le 1° du paragraphe I de l'article 7 de la loi organique modifie le premier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance précitée et prévoit que pendant le délai d'un mois à compter de sa nomination, le parlementaire devenu membre du Gouvernement « ne peut percevoir aucune indemnité en tant que parlementaire » ;

15. Considérant que le 2° du paragraphe I de l'article 7 modifie l'article 4 de l'ordonnance précitée relatif à la position du titulaire d'un emploi public qui devient membre du Gouvernement et prévoit que ce fonctionnaire est placé « d'office, pendant la durée de ses fonctions, en position de disponibilité ou dans la position équivalente prévue par son statut ne lui permettant pas d'acquérir de droits à l'avancement et de droits à pension » ; qu'en vertu du paragraphe V de l'article 7, ces dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2014 ;

16. Considérant que le paragraphe II de l'article 7 modifie l'article 5 de l'ordonnance précitée ; que le 1° de ce paragraphe II ramène de six à trois mois la durée pendant laquelle le membre du Gouvernement qui a cessé ses fonctions gouvernementales, et n'a pas repris une activité rémunérée, perçoit une indemnité d'un montant égal au traitement qui lui était alloué en sa qualité de membre du Gouvernement ; que le 2° de ce même paragraphe ajoute à l'article 5 un alinéa en vertu duquel cette indemnité ne peut être perçue par l'intéressé s'il a omis de déclarer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique tout ou partie de son patrimoine ou de ses intérêts ;

17. Considérant que le paragraphe III de l'article 7 tire les conséquences de la mise en place, par le paragraphe II de l'article 23 de la loi relative à la transparence de la vie publique adoptée définitivement par le Parlement à la date de l'adoption définitive de la présente loi organique, d'un contrôle par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, des activités exercées par les membres du Gouvernement ; qu'il abroge l'article 6 de l'ordonnance précitée qui limitait les activités pouvant être exercées à l'issue des fonctions ministérielles ;

18. Considérant que l'article 7 est conforme à la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DU PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE 25 DE LA CONSTITUTION :

19. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 25 de la Constitution : « Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités » ;

. En ce qui concerne l'article 1er :

- Quant aux déclarations de situation patrimoniale ainsi qu'aux déclarations d'intérêts et d'activités et à leur publicité :

20. Considérant que le paragraphe I de l'article 1er modifie l'article L.O. 135-1 du code électoral ; que le nouveau paragraphe I de l'article L.O. 135-1 prévoit que chaque député, dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction, est tenu d'adresser personnellement au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte et sincère de sa situation patrimoniale ainsi qu'une déclaration faisant apparaître les intérêts détenus à la date de son élection et dans les cinq années précédant cette date ainsi que la liste des activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées, qu'il envisage de conserver ; que cette dernière déclaration est également adressée au Bureau de l'Assemblée nationale ; que le député doit également déclarer toute modification substantielle de sa situation patrimoniale et doit déposer une nouvelle déclaration de situation patrimoniale sept mois au plus tôt et six mois au plus tard avant l'expiration de son mandat ; que, dans ce dernier cas, la déclaration de situation patrimoniale doit récapituler l'ensemble des revenus perçus par le député et, le cas échéant, par la communauté depuis le début du mandat parlementaire en cours ; que l'établissement d'une déclaration de situation patrimoniale depuis moins de six mois permet que la déclaration exigée avant l'expiration du mandat soit limitée à la récapitulation des revenus perçus depuis le début du mandat et à la présentation des évènements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration ; que le député doit en outre déclarer toute modification substantielle des intérêts détenus ou tout élément de nature à modifier la liste de ses activités ; que l'omission de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou la remise d'une évaluation mensongère de son patrimoine est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende et que peuvent être prononcées à titre de peine complémentaire l'interdiction des droits civiques ainsi que l'interdiction d'exercer une fonction publique ;

21. Considérant que le paragraphe II du même article L.O. 135-1 énumère les éléments sur lesquels doit porter la déclaration de situation patrimoniale et que son paragraphe III énumère les éléments sur lesquels doit porter la déclaration d'intérêts et d'activités ; que le paragraphe IV du même article L.O. 135-1 renvoie à un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés la fixation du modèle et du contenu des déclarations et leurs conditions de mise à jour et de conservation ;

22. Considérant que le paragraphe II de l'article 1er modifie l'article L.O. 135-2 du code électoral ; que le nouveau paragraphe I de l'article L.O. 135-2 prévoit que la Haute autorité rend publiques les déclarations d'intérêts et d'activités déposées par le député et que les déclarations de situation patrimoniale déposées par lui sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales, lesquels peuvent adresser à la Haute autorité toute observation écrite relative aux déclarations qu'ils ont consultées ; que le paragraphe III du même article précise les éléments de ces déclarations qui ne peuvent être rendus publics ; que le paragraphe IV du même article autorise la réutilisation des informations contenues dans les déclarations d'intérêts et d'activités ;

23. Considérant que le paragraphe III de l'article 1er modifie l'article L.O. 135-3 du code électoral ; qu'il étend la communication des déclarations fiscales par l'administration à la Haute autorité aux déclarations du conjoint séparé de biens, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin du député ; qu'il prévoit que la Haute autorité peut demander à l'administration fiscale d'exercer son droit de contrôle ou de mettre en oeuvre les procédures d'assistance administrative internationale et que les agents de l'administration fiscale sont déliés du secret professionnel à l'égard des membres et des rapporteurs de la Haute autorité ;

24. Considérant que les dispositions modifiées par l'article 1er de la loi déférée sont applicables aux sénateurs, en vertu des dispositions de l'article L.O. 296 du code électoral dont le deuxième alinéa dispose que, sous réserve de la disposition du premier alinéa relative à l'âge d'éligibilité, « les autres conditions d'éligibilité et les inéligibilités sont les mêmes que pour l'élection à l'Assemblée nationale » ;

25. Considérant qu'il appartient au législateur organique, en vertu de l'article 25 de la Constitution, de fixer les règles concernant le régime des inéligibilités des membres du Parlement ; qu'il est à ce titre compétent pour fixer les règles relatives au contrôle de la situation patrimoniale des membres du Parlement et à la prévention des conflits d'intérêts ;

26. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée ; que le dépôt de déclarations d'intérêts et d'activités ainsi que de déclarations de situation patrimoniale contenant des données à caractère personnel relevant de la vie privée, ainsi que la publicité dont peuvent faire l'objet de telles déclarations, portent atteinte au respect de la vie privée ; que, pour être conformes à la Constitution, ces atteintes doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ;

27. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de la légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;

28. Considérant, en premier lieu, que l'obligation de dépôt auprès d'une autorité administrative indépendante des déclarations d'intérêts et d'activités et des déclarations de situation patrimoniale des membres du Parlement a pour objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité de ces personnes, de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci ; qu'elle est ainsi justifiée par un motif d'intérêt général ;

29. Considérant, toutefois, que, si le législateur organique pouvait imposer la mention, dans les déclarations d'intérêts et d'activités, des activités professionnelles exercées à la date de la nomination par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée compte tenu de la vie commune avec le déclarant, il n'en va pas de même de l'obligation de déclarer les activités professionnelles exercées par les enfants et les parents ; qu'il est ainsi porté une atteinte au droit au respect de la vie privée qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ; qu'il en résulte qu'au 6° du paragraphe III de l'article L.O. 135 1 du code électoral, dans sa rédaction résultant du 7° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée, les mots : « les enfants et les parents » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; que, par voie de conséquence, doivent également être déclarés contraires à la Constitution les mots « ou d'un autre membre de sa famille » figurant aux troisième et huitième alinéas du paragraphe III de l'article L.O. 135-2 dans sa rédaction résultant du paragraphe II de l'article 1er ;

30. Considérant, en deuxième lieu, que le 8° du paragraphe III de l'article L.O. 135-1 du code électoral, dans sa rédaction résultant du paragraphe I de l'article 1er, impose de renseigner dans la déclaration d'intérêts et d'activités les « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts », sans donner d'indication sur la nature de ces liens et les relations entretenues par le déclarant avec d'autres personnes qu'il conviendrait d'y mentionner ; qu'il résulte des dispositions de l'article L.O. 135-4 du code électoral dans leur rédaction issue du paragraphe IV de l'article 1er que le fait de ne pas avoir mentionné d'élément dans cette rubrique peut être punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ; qu'ainsi, les dispositions du 8° du paragraphe III de l'article L.O. 135-1 méconnaissent le principe de la légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, au dernier alinéa du paragraphe III de l'article L.O. 135-1, de la référence au « 8° » ;

31. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions du paragraphe II de l'article L.O. 135-1 du code électoral, relatives aux éléments devant figurer dans la déclaration de situation patrimoniale des membres du Parlement, celle-ci doit mentionner les immeubles bâtis et non bâtis, les valeurs mobilières, les assurances-vie, les comptes bancaires courants ou d'épargne, les livrets et les autres produits d'épargne, les biens mobiliers divers d'une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire, les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions, les fonds de commerce ou les clientèles et les charges et les offices, les biens mobiliers et immobiliers ainsi que les comptes détenus à l'étranger ; qu'elle doit également mentionner « les autres biens » ; qu'en retenant la mention des « autres biens » qui ne figurent pas dans l'une des autres catégories de la déclaration de situation patrimoniale, le législateur a entendu inclure tous les éléments du patrimoine d'une valeur substantielle, avec en particulier les comptes courants de société et les options de souscription ou d'achat d'actions ; qu'il appartiendra au décret en Conseil d'État prévu par le paragraphe IV de l'article L.O. 135-1 du code électoral de fixer la valeur minimale de ces autres biens devant figurer dans la déclaration ;

32. Considérant en quatrième lieu, que les dispositions du premier alinéa du paragraphe I de l'article L.O. 135-2 du code électoral, dans sa rédaction résultant du paragraphe II de l'article 1er, prévoient que les déclarations d'intérêts et d'activités des membres du Parlement font l'objet d'une publication par la Haute autorité ; que les dispositions des troisième à huitième alinéas du paragraphe I de l'article L.O.135-2 du code électoral, dans leur rédaction résultant du paragraphe II de l'article 1er, prévoient que les déclarations de situation patrimoniale des membres du Parlement sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales ; que ces déclarations sont rendues publiques assorties de toute appréciation de la Haute autorité qu'elle estime utile quant à leur exhaustivité, leur exactitude et leur sincérité, après avoir mis le membre du Parlement intéressé à même de présenter ses observations ; que tout électeur peut adresser à la Haute autorité toute observation écrite relative aux déclarations d'intérêts et d'activités et aux déclarations de situation patrimoniale ; que les noms et adresses mentionnés dans la déclaration ne peuvent être rendus publics ;

33. Considérant qu'en vertu de l'article 3 de la Constitution, les membres du Parlement participent à l'exercice de la souveraineté nationale ; qu'aux termes du premier alinéa de son article 24, ils votent la loi et contrôlent l'action du Gouvernement ; qu'eu égard à cette situation particulière et à ces prérogatives des membres du Parlement, le législateur, en prévoyant une publication des déclarations d'intérêts et d'activités des membres du Parlement et une publicité de leurs déclarations de situation patrimoniale sous la forme d'une consultation par les électeurs, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée une atteinte qui revêt un caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi ;

- Quant à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique :

34. Considérant que le troisième alinéa du paragraphe I de l'article L.O. 135-2 du code électoral dispose que la Haute autorité peut, lors de la publication des déclarations de situation patrimoniale des députés assortir celles-ci « de toute appréciation. . . Qu'elle estime utile quant à leur exhaustivité, leur exactitude et leur sincérité, après avoir mis le député concerné à même de présenter ses observations » ;

35. Considérant que le paragraphe IV de l'article 1er insère après l'article L.O. 135-3 du code électoral les articles L.O. 135-4 à L.O. 135-6 ; que le premier alinéa de l'article L.O. 135-4 dispose que, lorsqu'une déclaration de situation patrimoniale ou une déclaration d'intérêts et d'activités est incomplète ou lorsqu'il n'a pas été donné suite à une demande d'explications de la Haute autorité, celle-ci adresse au député une injonction tendant à ce que la déclaration complétée ou les explications demandées lui soient transmises sans délai ; qu'aux termes du paragraphe II de ce même article : « Le fait pour un député de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'injonction ou de la demande de communication est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende » ; que l'article L.O. 135-5 confie à la Haute autorité le soin d'apprécier la variation de la situation patrimoniale des députés telle qu'elle résulte de leurs déclarations, des observations qu'ils ont pu lui adresser ou des autres éléments dont elle dispose ; qu'il ressort des articles L.O. 135-5 et L.O. 135-6 qu'en cas de manquements aux obligations de déclaration prévues par l'article L.O. 135-1 ou de méconnaissance d'une injonction adressée en application de l'article L. O. 135-4, la Haute autorité saisit le Bureau de l'Assemblée nationale et transmet le dossier au parquet ; qu'elle transmet également le dossier au parquet lorsque la variation de la situation patrimoniale n'est pas justifiée ;

36. Considérant que ces dispositions sont également applicables aux sénateurs en vertu de l'article L.O. 296 du code électoral ;

37. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il résulte en outre de ces dispositions qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes d'exercer un recours juridictionnel effectif ;

38. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs ne fait pas obstacle à ce qu'une autorité administrative soit chargée de contrôler la variation de la situation patrimoniale des députés et des sénateurs et puisse, à cette fin, être investie du pouvoir de leur adresser des injonctions afin qu'ils complètent leur déclaration ou apportent les explications nécessaires et, le cas échéant, de saisir le parquet des manquements constatés ; que ce principe ne fait pas davantage obstacle à ce que cette autorité puisse rendre publique son appréciation sur la variation de la situation patrimoniale d'un député ou d'un sénateur ou puisse saisir le parquet ;

39. Considérant que les principes précités ne font pas non plus obstacle à ce que la Haute autorité reçoive les déclarations d'intérêts et d'activités des députés et des sénateurs, procède à leur vérification et saisisse, d'une part, le Bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat et, d'autre part, le parquet, en cas de violation des obligations déclaratives énoncées à l'article L.O. 135-1 ; que, toutefois, la déclaration d'intérêts et d'activités porte notamment sur les activités et liens « susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts » avec l'exercice du mandat parlementaire ; que, dès lors, les dispositions de l'article L.O. 135-4 ne sauraient, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, permettre à la Haute autorité d'adresser à un député ou un sénateur une injonction dont la méconnaissance est pénalement réprimée, relative à ses intérêts ou ses activités ou portant sur la déclaration qui s'y rapporte ; que, sous cette réserve, l'article L.O. 135-4 du code électoral n'est pas contraire à la séparation des pouvoirs ;

40. Considérant que ni la décision de la Haute autorité d'assortir la publication d'une déclaration de situation patrimoniale d'un député ou d'un sénateur de la publication de son appréciation quant à l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité de cette déclaration, ni la décision de cette autorité de faire injonction à un député ou un sénateur de compléter sa déclaration de situation patrimoniale ou de fournir des explications, ni sa décision de saisir le Bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat ou de transmettre le dossier au parquet ne constituent des sanctions ayant le caractère d'une punition ; qu'aucune des dispositions qui organisent les modalités selon lesquelles la Haute autorité prend ces décisions ou avis n'a pour effet d'inverser la charge de la preuve quant à l'existence des situations de fait dont ces décisions supposent le constat et à l'appréciation de ces situations au regard des règles de conflits d'intérêts et d'incompatibilité ; que ces dispositions n'ont pas davantage pour effet de restreindre le droit du député ou du sénateur intéressé de contester les décisions de cette autorité devant la juridiction compétente ;

41. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doivent être déclarés contraires à la Constitution, à l'article 1er de la loi organique, les mots : « les enfants et les parents », figurant au 6° du paragraphe III de l'article L.O. 135-1 du code électoral, le 8° du paragraphe III de l'article L.O. 135-1 du même code, la référence « 8° », figurant au dernier alinéa du paragraphe III de l'article L.O. 135-1, et les mots : « ou d'un autre membre de sa famille » figurant aux troisième et huitième alinéas du paragraphe III de l'article L.O. 135-2 ; que, sous la réserve énoncée au considérant 39, l'article L.O. 135-4 doit être déclaré conforme à la Constitution ; que, le surplus de l'article 1er doit être déclaré conforme à la Constitution ;

. En ce qui concerne l'article 2 :

42. Considérant que l'article 2 de la loi organique est relatif aux incompatibilités des membres du Parlement ; qu'il modifie les articles L.O. 140, L.O. 144, L.O. 145, L.O. 146, L.O. 146-1, L.O. 149, L.O. 151-1, L.O. 151-2 et L.O. 151-3 du code électoral applicables aux députés et, en vertu de l'article L.O. 297 du même code, aux sénateurs ;

43. Considérant que, si le législateur peut prévoir des incompatibilités entre mandats électoraux ou fonctions électives et activités ou fonctions professionnelles, la restriction ainsi apportée à l'exercice de fonctions publiques doit être justifiée, au regard des exigences découlant de l'article 6 de la Déclaration de 1789, par la nécessité de protéger la liberté de choix de l'électeur, l'indépendance de l'élu ou l'indépendance des juridictions contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts ;

44. Considérant que le paragraphe I de l'article 2 complète l'article L.O. 140 du code électoral pour prévoir que « le mandat de député est également incompatible avec l'exercice de fonctions juridictionnelles autres que celles prévues par la Constitution et avec l'exercice de fonctions d'arbitre, de médiateur ou de conciliateur » ;

45. Considérant que le paragraphe II de l'article 2 complète l'article L.O. 144 du même code relatif à la possibilité de cumuler l'exercice d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement avec le mandat de député pour une durée n'excédant pas six mois en précisant que « l'exercice de cette mission ne peut donner lieu au versement d'aucune rémunération, gratification ou indemnité » ;

46. Considérant que le paragraphe III de l'article 2 modifie l'article L.O. 145 du code électoral ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L.O. 145 ainsi modifié : « Sauf si le député y est désigné en cette qualité, sont incompatibles avec le mandat de député les fonctions de membre de conseil d'administration exercées dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux, ainsi que les fonctions exercées au sein d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante » ; qu'en vertu du troisième alinéa de ce même article, la fonction de président d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante est incompatible avec le mandat de député ; que le dernier alinéa de ce même article dispose qu'un député désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur ne peut percevoir à ce titre aucune rémunération, gratification ou indemnité ;

47. Considérant que les dispositions des paragraphes I, II et III de l'article 2 ne sont pas contraires aux exigences découlant de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ;

48. Considérant que le paragraphe IV de l'article 2 modifie l'article L.O. 146 du code électoral relatif à l'incompatibilité du mandat parlementaire avec les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général délégué ou gérant exercées dans des sociétés ou entreprises travaillant essentiellement pour des personnes publiques ; qu'en vertu du 2° du paragraphe IV modifiant le 2° de l'article L.O. 146, le mandat parlementaire est incompatible avec les fonctions de direction susénoncées exercées dans les sociétés ayant « principalement », et non plus « exclusivement », un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne ; qu'en vertu du 3° de l'article L.O. 146 modifié par le 3° du paragraphe IV, le mandat parlementaire est incompatible avec ces mêmes fonctions exercées dans les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services « destinés spécifiquement à ou devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part » de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un État étranger ; que le 5° du paragraphe IV de l'article 2 insère un 6° dans l'article L.O. 146 qui rend incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de direction exercées dans des sociétés et organismes exerçant un contrôle effectif sur une société, une entreprise ou un établissement mentionnés aux 1° à 4° de cet article ;

49. Considérant que, par ces dispositions qui ne sont pas entachées d'inintelligibilité, le législateur organique a entendu rendre plus rigoureux le régime d'incompatibilité entre le mandat parlementaire et l'exercice d'une fonction de direction au sein d'une entreprise ou d'un organisme travaillant de façon substantielle pour une personne publique ; qu'il n'a méconnu aucune exigence constitutionnelle ;

50. Considérant que le paragraphe V de l'article 2 de la loi organique modifie l'article L.O. 146-1 du code électoral ;

51. Considérant qu'aux termes de la première phrase du paragraphe I de l'article L.O. 146-1 : « Il est interdit à tout député d'exercer une activité professionnelle qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat » ; qu'en vertu de la seconde phrase du paragraphe I « cette interdiction n'est pas applicable aux travaux scientifiques, littéraires ou artistiques » ; que, sous réserve de cette exception, l'interdiction pour un parlementaire d'exercer une activité professionnelle qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat s'applique à toute activité professionnelle quelle que soit sa nature ;

52. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article L.O. 146-1 du même code : « Il est interdit à tout député d'exercer une fonction de conseil, sauf dans le cadre d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et qu'il exerçait avant le début de son mandat » ; que cette disposition a pour objet d'interdire à un parlementaire de continuer à exercer une fonction de conseil, quelle qu'en soit la nature, lorsqu'il ne l'exerçait pas avant le début de son mandat dans le cadre d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

53. Considérant que le législateur a institué des interdictions qui, par leur portée, excèdent manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l'électeur, l'indépendance de l'élu ou prévenir les risques de confusion ou de conflits d'intérêts ; que le paragraphe V de l'article 2 de la loi organique déférée et, par voie de conséquence le paragraphe XI du même article 2 relatif à l'entrée en vigueur des dispositions de ce paragraphe V doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

54. Considérant que le paragraphe VI de l'article 2 de la loi organique, en supprimant à l'article L.O. 149 du code électoral les mots « dont il n'était pas habituellement le conseil avant son élection », interdit à un avocat investi d'un mandat parlementaire de plaider ou de consulter pour le compte de l'une des sociétés, entreprises ou établissements visés aux articles L.O. 145 et L.O. 146 du même code, c'est-à-dire les entreprises nationales, les établissements publics nationaux ainsi que les entreprises ou organismes travaillant de façon substantielle pour une personne publique ; que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution ;

55. Considérant que le paragraphe VII de l'article 2 de la loi organique modifie l'article L.O. 151-1 du code électoral, et prévoit que lorsqu'un parlementaire « occupe un emploi public autre que ceux mentionnés aux 1° et 2° de l'article L.O. 142, il est placé d'office, pendant la durée de son mandat, en position de disponibilité ou dans la position équivalente prévue par son statut ne lui permettant pas d'acquérir de droits à l'avancement et de droits à pension » ;

56. Considérant que le paragraphe VIII de l'article 2 modifie l'article L.O. 151-2 du code électoral en supprimant, par son 1°, le premier alinéa de cet article relatif à la déclaration des activités professionnelles ou d'intérêt général que devait déposer le député sur le Bureau de l'Assemblée nationale ; que la première phrase du deuxième alinéa de cet article L.O. 151-2, résultant du 2° du paragraphe VIII de l'article 2 précise que « le Bureau de l'Assemblée nationale examine si les activités professionnelles ou d'intérêt général mentionnées par les députés dans la déclaration d'intérêts et d'activités, en application du 11° du III de l'article L.O. 135-1, sont compatibles avec le mandat parlementaire » ;

57. Considérant que le paragraphe IX de l'article 2 de la loi organique tire les conséquences de la suppression de la déclaration des activités professionnelles ou d'intérêt général que devait déposer le député sur le Bureau de l'Assemblée nationale en vertu de l'article L.O. 151-2 du code électoral, en supprimant à l'article L.O. 151-3 du même code la mention de cette déclaration ;

58. Considérant que le paragraphe X de l'article 2 prévoit que les dispositions des paragraphes I à VII entrent en vigueur à compter « s'agissant des députés, du prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale et, s'agissant des sénateurs, du prochain renouvellement de la série à laquelle appartient le sénateur » ;

59. Considérant que les dispositions des paragraphes VI à X de l'article 2 de la loi organique sont conformes à la Constitution ;

. En ce qui concerne l'article 4 :

60. Considérant que l'article 4 de la loi organique complète la deuxième phrase de l'article L.O. 153 du code électoral et prévoit que, pendant le délai d'un mois à compter de sa nomination, le député nommé membre du Gouvernement « ne peut percevoir aucune indemnité en tant que parlementaire » ; que l'article 4 est conforme à la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DU DIX HUITIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE 34 DE LA CONSTITUTION :

61. Considérant qu'aux termes du dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ;

62. Considérant que l'article 11 de la loi organique modifie l'article 54 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; qu'il prévoit que les documents devant être joints au projet de loi de règlement comprennent « la liste des subventions versées sur proposition du Parlement au moyen de crédits ouverts dans les lois de finances afférentes à l'année concernée. Cette liste présente, pour chaque département, collectivité d'outre-mer et pour la Nouvelle-Calédonie :

« a) L'ensemble des subventions pour travaux divers d'intérêt local versées à partir de programmes relevant du ministère de l'intérieur ;

« b) L'ensemble des subventions versées à des associations.

« Elle indique, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme concerné et le nom du membre du Parlement, du groupe politique ou de la présidence de l'assemblée qui a proposé la subvention » ;

63. Considérant que ces dispositions ont pour objet d'assurer la publicité de l'utilisation des crédits introduits par voie d'amendements du Gouvernement en loi de finances au titre de la « réserve parlementaire » après concertation avec chacune des assemblées ; qu'elles n'ont pas pour effet de permettre qu'il soit dérogé aux règles de recevabilité financière des initiatives parlementaires prévues par l'article 40 de la Constitution ; que les dispositions de l'article 11 de la loi organique ne sont pas contraires à la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 57 DE LA CONSTITUTION :

64. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la Constitution : « Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de ministre ou de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par une loi organique » ;

65. Considérant que l'article 3 de la loi organique modifie l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; que son 1° remplace le dernier alinéa de l'article 4 de cette ordonnance relatif aux incompatibilités s'appliquant aux membres du Conseil par deux alinéas aux termes desquels, d'une part : « L'exercice des fonctions de membre du Conseil constitutionnel est incompatible avec l'exercice de toute fonction publique et de toute autre activité professionnelle ou salariée » et, d'autre part : « Les membres du Conseil constitutionnel peuvent toutefois se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques » ; que le 2° de l'article 3 supprime en conséquence le second alinéa de l'article 6 de l'ordonnance précitée en vertu duquel les indemnités sont réduites de moitié pour les membres du Conseil continuant d'exercer une activité compatible avec leur fonction ;

66. Considérant que le paragraphe I de l'article 6 de la loi organique complète en outre l'article 4 de l'ordonnance précitée par un alinéa aux termes duquel « les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec l'exercice de la profession d'avocat » ; qu'en vertu du paragraphe II du même article ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2014 ;

67. Considérant qu'en ce qu'elles prévoient que le paragraphe I de l'article 6 entre en vigueur le 1er janvier 2014, alors que les dispositions de l'article 3 de la même loi qui modifient les incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Conseil constitutionnel entrent en vigueur avec la publication de la loi organique, les dispositions du paragraphe II de l'article 6 de la loi organique appliquent des règles d'entrée en vigueur différentes à des dispositions partiellement redondantes : qu'elles portent atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; que, dès lors, les dispositions du paragraphe II de l'article 6 sont contraires à la Constitution ;

68. Considérant que l'article 3 et le surplus de l'article 6 sont conformes à la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES 74 ET 77 DE LA CONSTITUTION :

69. Considérant qu'en vertu des deuxième et cinquième alinéas de l'article 74 de la Constitution, le statut de chaque collectivité d'outre-mer régie par cet article est défini par une loi organique et fixe « le régime électoral de son assemblée délibérante » ; que l'article 77 de la Constitution confie également à une loi organique le soin de déterminer « les règles relatives... au régime électoral » applicable aux institutions de la Nouvelle-Calédonie ;

70. Considérant que l'article 5 de la loi organique abroge le 1° du paragraphe I des articles L.O. 489, L.O. 516 et L.O. 544 du code électoral ; que le 2° de l'article 13 de la loi organique abroge le 1° du paragraphe I de l'article 195 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée ; que le 1° de l'article 14 de la loi organique abroge le 1° du paragraphe I de l'article 109 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée ; que ces dispositions de la loi organique déférée suppriment ainsi la peine automatique d'inéligibilité applicable respectivement au président et aux membres du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de celui de Saint-Martin et de celui de Saint-Pierre-et-Miquelon, aux président et membres du congrès, membres du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux président et vice-présidents d'une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie, aux président et membres de l'assemblée, au président de la Polynésie française, ainsi qu'aux autres membres du gouvernement de la Polynésie française n'ayant pas déposé l'une des déclarations prévues par le titre Ier de la loi du 11 mars 1988 susvisée ; que ces dispositions sont conformes à la Constitution ;

71. Considérant que le 1° de l'article 13 de la loi organique modifie les articles 64, 114 et 161 de la loi organique du 19 mars 1999 ; que le 2° de l'article 14 de la loi organique modifie la rédaction de l'article 160 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée ; que l'article 15 modifie le dernier alinéa des articles L.O. 6221-1, L.O. 6321-1 et L.O. 6431-1 du code général des collectivités territoriales ; que le 1° de l'article 13, le 2° de l'article 14 et l'article 15 de la loi organique ont pour objet de soumettre les membres de l'assemblée délibérante ou de l'exécutif des collectivités ultramarines qu'ils visent aux obligations de déclaration applicables aux « personnes mentionnées, respectivement, aux 2° et 3° du I de l'article 11 » de la loi relative à la transparence de la vie publique adoptée définitivement par le Parlement à la date de l'adoption définitive de la présente loi organique ;

72. Considérant que ces déclarations sont établies dans les conditions prévues aux quatre premiers alinéas du paragraphe I et aux paragraphes II et III de l'article 4 de la loi relative à la transparence de la vie publique adoptée définitivement par le Parlement à la date de l'adoption définitive de la présente loi organique ; que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique dispose, à l'égard des élus visés par les dispositions du 1° de l'article 13, du 2° de l'article 14 et de l'article 15 de la loi organique déférée, sous les mêmes réserves que celles énoncées au considérant 62 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013 susvisée, des mêmes pouvoirs qu'à l'égard des « personnes mentionnées, respectivement, aux 2° et 3° du I de l'article 11 » de la loi relative à la transparence de la vie publique adoptée définitivement par le Parlement à la date de l'adoption définitive de la présente loi organique ; que le 1° de l'article 13, le 2° de l'article 14 et l'article 15 de la loi organique sont conformes à la Constitution ;

73. Considérant que les articles 5 et 16 de la loi organique et, sous les réserves rappelées au considérant précédent, ses articles 13 à 15 sont conformes à la Constitution ;

74. Considérant que les autres dispositions de la loi organique soumises à l'examen du Conseil constitutionnel sont conformes à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi organique relative à la transparence de la vie publique :

- les mots : « , les enfants et les parents » figurant au 6° du paragraphe III de l'article L.O. 135-1 du code électoral, tel qu'il résulte du 7° du paragraphe I de l'article 1er ;

- le 8° du paragraphe III de l'article L.O. 135-1 du code électoral, ainsi que la référence : « , 8° » figurant au dernier alinéa du paragraphe III de l'article L.O. 135-1, tels qu'ils résultent du 7° du paragraphe I de l'article 1er, ;

- les mots : « ou d'un autre membre de sa famille », figurant aux troisième et huitième alinéas du paragraphe III de l'article L.O. 135-2 du code électoral, tel qu'il résulte du paragraphe II de l'article 1er ;

- le paragraphe V et le paragraphe XI de l'article 2 ;

- le paragraphe II de l'article 6 ;

- la seconde phrase du cinquième alinéa ainsi que la seconde phrase du sixième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, tels qu'ils résultent des deuxième et troisième alinéas de l'article 9 ;

Article 2.- Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi organique :

- l'article L.O. 135-4 du code électoral, tel qu'il résulte du paragraphe IV de l'article 1er, sous la réserve énoncée au considérant 39 ;

- les articles 13, 14 et 15 sous les réserves rappelées au considérant 72.

Article 3.- Le surplus des articles 1er, 2, 6, et 9, ainsi que les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution.

Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 octobre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 9 octobre 2013.


Synthèse
Numéro de décision : 2013-675
Date de la décision : 09/10/2013
Loi organique relative à la transparence de la vie publique
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle avec réserve
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SUR LES ARTICLES 3 ET 6 DE LA LOI ORGANIQUE.

L'article 3 de la loi organique remplace le dernier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, qui dispose que « les incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires sont également applicables aux membres du Conseil constitutionnel », par deux alinéas prévoyant l'incompatibilité des fonctions de membre du Conseil constitutionnel avec toute fonction publique ou toute autre activité professionnelle ou salariée. Il réserve cependant la possibilité de se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques.

1- L'interdiction d'exercer toute autre activité professionnelle ou salariée que l'article 3 pose s'inscrit en cohérence avec celle posée au nouvel article LO 146-1 pour les députés - qui ne peuvent plus exercer une activité professionnelle qui n'était pas la leur avant le début de leur mandat.

Quand bien même les incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Parlement ne seraient plus applicables aux membres du Conseil constitutionnel, leur contenu est couvert par la nouvelle interdiction, compte tenu de sa portée. Il en va ainsi notamment des exigences posées à l'article LO 143 (interdisant aux parlementaires l'exercice de fonctions conférées par un Etat étranger ou une organisation internationale et rémunérées sur leurs fonds) ou à l'article LO 145 (interdisant aux parlementaires l'exercice de certaines fonctions au sein d'établissements publics nationaux ou d'entreprises nationales).

2- Si la rédaction de l'article 43 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 introduit par l'article 3 n'est pas identique à celle de l'article 8 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, le Gouvernement considère que dès lors que l'article 3 ouvre la possibilité de se livrer à des « travaux scientifiques, littéraires ou artistiques », l'exercice d'activités d'enseignement n'est pas interdite.

3- Compte tenu de l'interdiction posée à l'article 3 d'exercice de toute activité professionnelle ou salariée, qui entrera en vigueur à compter de celle de la loi organique, les dispositions de l'article 6 qui ajoutent un alinéa à l'article 4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 pour rendre incompatible avec les fonctions de membre du Conseil constitutionnel l'exercice de la profession d'avocat, et dont l'entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2014, sont superflues. Elles peuvent toutefois être lues comme dérogeant, jusqu'au 1er janvier 2014, à l'interdiction de l'exercice de tout activité professionnelle, au bénéfice de la seule profession d'avocat.

SUR L'ARTICLE 9 DE LA LOI ORGANIQUE

1. - L'article 9 de la loi organique modifie le régime de publication des déclarations de patrimoine des candidats à l'élection du Président de la République.

Il est prévu à l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 que les déclarations de situation patrimoniale des candidats « sont transmises à la Haute Autorité [. . .] qui les rend publiques au moins quinze jours avant le premier tour de scrutin. Elle peut assortir cette publication de toute appréciation qu'elle estime utile quant à l'exhaustivité, à l'exactitude et à la sincérité de la déclaration, après avoir mis à même l'intéressé de présenter ses observations ».

Actuellement, l'avant-dernier alinéa du I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel prévoit que les personnes présentées remettent, à peine de nullité de leur candidature, une déclaration de situation patrimoniale conforme aux dispositions de l'article LO 135-1 du code électoral. Celle-ci sera désormais transmise à la Haute autorité, qui aura la possibilité de mentionner des appréciations et devra assurer la publicité de l'ensemble des déclarations de situation patrimoniale.

L'article 9 ne prévoit toutefois pas de sanction en cas de déclaration incomplète ou mensongère. Ainsi, il n'a pas été ajouté de règles complémentaires à la sanction actuellement prévue à l'avant-dernier alinéa du I de l'article 3 qui prévoit que seule l'absence de la transmission de la déclaration de situation patrimoniale peut entraîner la nullité de la candidature.

2. - L'article 9 n'a pas de conséquences sur les délais encadrant la publication de la liste des candidats ou son établissement par le Conseil constitutionnel. La procédure reste régie par les dispositions actuelles du I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 et du décret du n° 2001-213 du 8 mars 2001, qui prévoient que les présentations de candidats doivent parvenir au Conseil constitutionnel au plus tard le sixième vendredi précédant le jour du scrutin à 18 heures (ou le troisième mardi précédant le premier tour de scrutin en cas de vacance) et que la publication de la liste des candidats arrêtée par le Conseil constitutionnel intervient au plus tard le troisième vendredi précédant le premier tour de scrutin.

En pratique, la liste des candidats est publiée avant la date limite fixée par les textes. Ainsi, en 2012, la liste des candidats a été arrêtée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-145 PDR du 19 mars 2012, soit le cinquième lundi avant le scrutin.

Si cette pratique n'est pas remise en cause, la transmission des déclarations de patrimoine des candidats pourra donc intervenir dans un délai permettant à la Haute Autorité de disposer de trois semaines pour contrôler les déclarations des candidats, ce qui semble constituer une période raisonnable, compte tenu du faible nombre de déclarations à contrôler.

En tout état de cause, la loi n'établit pas de lien entre l'établissement et la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel, d'une part, et, d'autre part, le contrôle opéré par la Haute autorité et l'éventuelle formulation d'une appréciation de cette dernière quant à l'exhaustivité, à l'exactitude et à la sincérité de la déclaration de patrimoine.

SUR L'ARTICLE 11 DE LA LOI ORGANIQUE

1. - L'article 11 modifie l'article 54 de la loi organique relative aux lois de finances. Il est désormais prévu que « [sont joints au projet de loi de règlement : - (. . .)] - 9° La liste des subventions versées sur proposition du Parlement au moyen de crédits ouverts dans les lois de finances afférentes à l'année concernée. Cette liste présente, pour chaque département, collectivité d'outre-mer et pour la Nouvelle-Calédonie : - a) L'ensemble des subventions pour travaux divers d'intérêt local versées à partir de programmes relevant du ministère de l'intérieur ; - b) L'ensemble des subventions versées à des associations. - Elle indique, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme concerné et le nom du membre du Parlement, du groupe politique ou de la présidence de l'assemblée qui a proposé la subvention. ».

L'objectif est d'assurer la publicité de l'utilisation des crédits votés chaque année en loi de finances dans le cadre du dispositif appelé « réserve parlementaire » (environ 90 millions d'euros à l'Assemblée nationale et environ 60 millions d'euros au Sénat chaque année).

2. - La pratique de la réserve parlementaire, qui existe depuis les années 1970 et n'est prévue par aucun texte, repose sur un mécanisme de définition des besoins par les commissions des finances puis de répartition des crédits par voie d'amendements gouvernementaux.

Le mécanisme de la réserve parlementaire permet aux élus des assemblées de faire allouer des subventions de l'Etat à destination des collectivités territoriales ou des personnes morales de droit privé (associations principalement). Elle consiste en ce que l'ordonnateur compétent pour prendre les décisions d'exécution du budget de l'État se conforme, pour la part des crédits identifiés comme relevant de cette réserve en vertu d'un accord de principe intervenu entre le Gouvernement et chacune des deux assemblées du Parlement en fin de lecture du projet de loi de finances de l'année, aux souhaits exprimés par leur commission des finances.

Ce dispositif repose donc sur une définition préalable des besoins par les commissions des finances et une répartition des crédits par voie d'amendements gouvernementaux. Il s'est structuré en plusieurs étapes :

- L'enveloppe globale de la réserve parlementaire pour l'année N est négociée entre le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat (représentés par leur président, le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget) ;

- Lorsque le Gouvernement dépose le projet de budget en octobre de l'année N-1, celui-ci est structuré en missions. Parmi celles-ci, il insère les crédits de la réserve parlementaire dans la « mission provisions », laquelle regroupe « des crédits destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. Ces crédits sont ensuite répartis en tant que de besoin entre les autres missions, en cours d'exercice, par voie réglementaire ». S'agissant de la réserve parlementaire, cette répartition s'opère au cours du débat parlementaire et non par voie règlementaire ;

- En octobre de l'année N-1, les commissions des finances recueillent les demandes des membres du Parlement, en vue de subventionner des travaux d'intérêt local ou des associations. Chaque parlementaire notifie par l'intermédiaire de son groupe politique, la liste des personnes de droit privé qu'il entend faire subventionner en fournissant quelques informations les concernant et en précisant le montant de la future subvention.

- Ces propositions sont consignées sur un formulaire « papier » remis en fonction d'échéances fixées par le président de la commission, à partir duquel la commission des finances opère un tri entre les propositions qui lui sont soumises ;

- La répartition des crédits en question est réalisée, le plus souvent en seconde délibération du projet de loi de finances de l'année, par l'intermédiaire d'amendements du Gouvernement reprenant les souhaits émis par les commissions des Finances de l'Assemblée nationale et du Sénat (en vidant en quasi-totalité la ligne « dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission provision au profit principalement du ministère de l'intérieur et de la « mission relations avec les collectivités territoriales », programme 122) ;

- Enfin, en début d'année N, le président et les responsables de la commission se répartissent l'enveloppe parlementaire entre groupes politiques.

3. - La mesure de publicité prévue par l'article 11 de la loi s'inscrit dans un mouvement de publicité des subventions allouées dans le cadre de la réserve parlementaire.

A cet égard, le tribunal administratif de Paris (TA Paris 23 avr. 2013 Association pour une démocratie directe, n° 1120921) a annulé une décision de refus de communication du ministre de l'intérieur et lui a enjoint de communiquer à l'association requérante les « documents existants sous forme électronique relatifs aux demandes d'aide financière de l'État adressées au ministère de l'intérieur, présentées au titre des crédits répartis par la commission des finances du Sénat ou de l'Assemblée nationale pour l'année 2011 ».

Par ailleurs, l'utilisation de ces crédits fait d'ores et déjà l'objet d'une certaine publicité - dans les rapports annuels de performances joints au projet de loi de règlement ainsi que dans l'annexe « jaune » relative aux associations jointe au projet de loi de finances de l'année.

En outre, plusieurs parlementaires ont spontanément fait mention de l'usage des crédits attribués dans le cadre de ce dispositif. Le 10 octobre 2012, le Bureau de l'Assemblée nationale a décidé que serait désormais publiée, à la fin de chaque exercice budgétaire, la liste des projets.

Le texte va cependant plus loin, en visant notamment les subventions accordées aux associations.

Le Conseil constitutionnel est saisi, en application du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi organique relative à la transparence de la vie publique.

Des députés et des sénateurs ont présenté des observations visant à contester la constitutionnalité des dispositions de la loi relatives aux déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale, au régime des incompatibilités et aux pouvoirs conférés à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Il convient au préalable de souligner que la loi organique relative à la transparence de la vie publique, qui forme un ensemble cohérent avec la loi ordinaire qui l'accompagne, a pour objet de renforcer les garanties apportées par la loi pour assurer l'impartialité, la probité et l'exemplarité des responsables publics.

Il s'agit non seulement de mettre en place des mécanismes propres à prévenir et faire cesser d'éventuels abus mais aussi, et surtout, de définir des règles propres à assurer le bon fonctionnement des institutions et à renforcer la confiance des citoyens, sans laquelle le principe même de la démocratie représentative, garanti par les articles 1er et 3 de la Constitution, se trouve fragilisé.

Les comparaisons internationales dont rend compte l'étude d'impact jointe au projet de loi témoignent de l'importance du lien établi, dans la plupart des grandes démocraties, entre l'existence de déclarations d'intérêts et de patrimoine, rendues publiques, et la confiance des citoyens dans la qualité du fonctionnement démocratique des institutions. Une grande majorité de pays de l'Union européenne ont adopté des règles imposant la publicité, au moins partielle, des déclarations d'intérêts, de patrimoine et de revenus des principaux responsables publics. De telles règles ont été adoptées au Royaume-Uni dès 1974 ; elles se sont généralisées dans l'Union européenne au cours des années 1990 - 2000 et la France fait aujourd'hui figure d'exception en étant un des seuls pays où la pratique des déclarations d'intérêts n'est pas généralisée et où la loi prévoit seulement une déclaration de patrimoine dont aucun élément n'est rendu public.

La loi organique permet ainsi, avec la loi ordinaire qui l'accompagne, de rapprocher le droit français des règles qui constituent désormais l'un des critères largement partagé de la qualité du fonctionnement des institutions d'une démocratie moderne.

I. - SUR LES DECLARATIONS D'INTERETS.

Les auteurs des observations transmises au Conseil constitutionnel contestent les dispositions relatives aux déclarations d'activités et d'intérêts et plus particulièrement le principe de leur publication prévu au nouvel article LO 135-2 du code électoral. Ils estiment que ces dispositions portent atteinte à la vie privée, à la liberté d'entreprendre et à l'égalité devant le suffrage.

Ces griefs pourront être écartés.

Il importe tout d'abord de souligner que les déclarations d'intérêts constituent un élément indispensable à la prévention des conflits d'intérêts. Elles se sont progressivement généralisées à de nombreux milieux professionnels et constituent une exigence largement partagée dans les démocraties modernes en ce qui concerne les titulaires de mandats et de fonctions publics.

La déclaration d'intérêts s'inscrit dans une démarche déontologique. Elle permet à la personne qui la remplit d'avoir pleinement conscience des intérêts de toute nature qui sont susceptibles d'interférer ou de paraître interférer avec l'exercice indépendant et impartial de la mission qui lui est confiée. Sa diffusion au sein de l'institution dans laquelle s'exerce la mission concernée est indispensable pour permettre un regard partagé sur le risque de survenance d'une situation dans laquelle des doutes pourraient naître quant à l'impartialité de l'intéressé.

Pour toutes les fonctions correspondant à des responsabilités élevées dans la sphère publique, notamment pour les fonctions de parlementaire, la publication des déclarations d'intérêts permet en outre de montrer que les institutions publiques ont mis en place des procédures appropriées pour garantir l'impartialité des décisions et témoigne de la volonté partagée d'éviter les situations de conflits d'intérêts. Il ne s'agit pas tant de confier à tous les citoyens la possibilité de contrôler l'existence ou l'absence de conflits d'intérêts que de leur donner la garantie que toutes les précautions ont été prises pour que les situations de conflits d'intérêts ne puissent pas échapper à la vigilance de la personne concernée et de l'institution à laquelle il appartient.

La loi organique prévoit par ailleurs des mécanismes de contrôle destinés à prévenir et faire cesser les situations de conflits d'intérêts en précisant les rôles respectifs à cet égard de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et du bureau de chaque assemblée pour ce qui concerne les parlementaires et prévoit des sanctions pénales destinées à assurer l'efficacité des mécanismes de contrôle.

L'ensemble de ces dispositions contribue à assurer l'efficacité de la politique de prévention des conflits d'intérêts et à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions publiques et répond ainsi aux exigences constitutionnelles qui découlent des articles 1er et 3 de la Constitution.

A/ L'atteinte portée à la vie privée des intéressés n'excède pas ce qui est nécessaire pour répondre à l'objectif poursuivi.

Les auteurs des observations transmises au Conseil constitutionnel estiment que la publicité attachée aux déclarations d'intérêts détenus par les parlementaires porte une atteinte excessive à la vie privée des intéressés et de leurs proches et méconnaît la liberté d'entreprendre.

Ce grief pourra être écarté.

1. - Le contenu de la déclaration d'intérêts est proportionné à l'objectif poursuivi.

Les auteurs des observations contestent la mention, au III de l'article 1er, des intérêts professionnels de la personne, au travers des « participations aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société à la date de la nomination ou lors des cinq dernières années » (4°), celle des intérêts liés à une action bénévole, c'est-à-dire non rémunérée mais de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant et objectif de sa fonction (7°) ou encore celle des « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts » (8°).

Ces définitions reprennent les recommandations de la commission pour la transparence financière de la vie politique qui estimait que « devraient également, pour toutes les personnes concernées, être déclarés les intérêts matériels et professionnels actuels de la famille proche (conjoint, ascendants et descendants directs). En revanche, ne seraient pas déclarés les intérêts moraux, intellectuels, religieux, politiques, syndicaux ou associatifs. Par dérogation à ce principe, pourraient être indiqués par le déclarant, dans une rubrique générale relative aux « autres intérêts de nature à susciter un doute sur l'impartialité et l'objectivité », non de simples opinions, mais des mandats, fonctions ou responsabilités dans ces domaines qui pourraient avoir un impact sur l'exercice de la fonction publique. »

Le législateur n'a pas entendu soumettre à déclaration les intérêts moraux de l'assujetti qui ressortent de sa vie privée mais seulement l'exercice de fonctions non rémunérées au sein de personnes morales ou associations que le déclarant considère comme étant de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant et objectif de sa fonction.

S'agissant des collaborateurs parlementaires, il est important de préciser que la loi (10° du III) se borne à exiger du parlementaire qu'il joigne à sa déclaration d'intérêts et d'activités le nom de ses collaborateurs ainsi que, le cas échéant, les autres activités de ces derniers qui auraient été déclarées et dont il aurait connaissance.

S'agissant des proches, la loi (6° du III de l'article 1er) exige seulement la mention de leurs activités professionnelles. Cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant du parlementaire qu'il déclare des activités dont il n'aurait pas eu connaissance. La déclaration ne peut être regardée incomplète que s'il apparaît que le parlementaire connaissait l'activité en cause ou qu'il ne pouvait pas l'ignorer. L'obligation de déclarer l'activité professionnelle des proches ne peut en aucune manière être regardée comme portant atteinte à la liberté d'entreprendre de ces derniers.

2. - Les modalités de publication des déclarations d'intérêts, telles qu'elles sont précisées au III de l'article LO 135-2, sont de nature à prévenir toute atteinte excessive à la vie privée.

Ne pourront ainsi être rendues publiques les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens ni les noms des personnes qui possédaient auparavant des biens mentionnés dans cette déclaration ni pour les biens qui sont en situation d'indivision, les noms des autres propriétaires indivis. Dans tous les cas, les noms du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin et des autres membres de la famille ne pourront pas être rendus publics.

Un décret en Conseil d'Etat pris après avis la commission nationale de l'informatique et des libertés viendra par ailleurs préciser les modalités d'application de l'article LO 135-2 et veillera à ce que les éléments rendus publics n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le strict respect de la loi.

II. - SUR LES DECLARATIONS DE SITUATION PATRIMONIALE.

La loi prévoit que les déclarations de situation patrimoniale des parlementaires sont rendues accessibles aux électeurs dans des conditions strictement encadrées.

1. - Ces dispositions répondent au constat, largement partagé, de l'insuffisante efficacité du contrôle de la Commission de la transparence financière de la vie politique en dépit des améliorations apportées au dispositif par les lois successives du 11 mars 1988, du 19 janvier 1995 et du 14 avril 2011.

Les dispositions permettant l'accès du public aux déclarations de situation patrimoniale complètent les dispositions qui renforcent les pouvoirs de la nouvelle Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en lui permettant notamment de faire appel aux services fiscaux, et contribuent, avec ces autres dispositions, à conforter les garanties de probité des principaux responsables publics et à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions.

Des mécanismes similaires existent d'ailleurs dans la plupart des grandes démocraties, comme l'indiquait l'étude d'impact jointe au projet de loi. Ils constituent, avec les déclarations d'intérêts, un instrument essentiel au bon fonctionnement de la démocratie représentative.

Les dispositions contestées n'ont pas pour but de confier aux citoyens le contrôle de l'évolution du patrimoine des élus. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle seule la dernière déclaration déposée par l'élu pourra être accessible au public. Elles contribuent cependant à l'efficacité de ce contrôle en ouvrant aux électeurs inscrits sur les listes électorales la possibilité d'adresser des observations à la Haute Autorité sur les éventuelles erreurs ou anomalies qui pourraient apparaître dans les déclarations des élus. Indépendamment de toute action des électeurs, le fait que la déclaration soit rendue accessible au public contribue par lui-même à améliorer la qualité de l'information communiquée à la Haute Autorité.

De même que le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, que le dispositif d'accès aux informations fiscales institué à l'article L. 111 du livre des procédures fiscales était « de nature à améliorer la sincérité des déclarations fiscales », la possibilité donnée aux électeurs d'accéder aux déclarations de situation patrimoniale contribue à améliorer la qualité de ces déclarations.

Ces dispositions répondent ainsi à un intérêt général éminent en renforçant les garanties apportées par la loi pour le bon fonctionnement de la démocratie.

2. - La loi encadre strictement à la fois les conditions d'accès aux déclarations et le contenu des informations rendues accessibles.

Comme il a été indiqué plus haut, la loi prévoit seulement que les déclarations de situation patrimoniale sont tenues à la disposition des électeurs à la préfecture du département de l'élection du député « aux seules fins de consultation ». Elle assortit d'une sanction délictuelle le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie de ces déclarations.

S'agissant du contenu des informations mises à disposition des électeurs, il convient en premier lieu de souligner que les déclarations de situation patrimoniale ne portent que sur les biens du déclarant.

La loi énumère par ailleurs toute une série d'informations figurant sur la déclaration adressée à la Haute Autorité, qui ne pourront figurer sur les documents mis à la disposition du public.

Elle prévoit ainsi que ne peuvent en aucun cas être rendus publics, comme pour les déclarations d'intérêts, « les adresses personnelles de la personne soumise à déclaration, les noms du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin et des autres membres de sa famille ». Elle exclut également toute communication « s'agissant des biens immobiliers : les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens ; les noms des personnes qui possédaient auparavant les biens mentionnés dans la déclaration ; pour les biens qui sont en situation d'indivision, les noms des autres propriétaires indivis ; pour les biens en nue-propriété, les noms des usufruitiers ; pour les biens en usufruit, les noms des nus propriétaires » ; « s'agissant des biens mobiliers : les noms des personnes qui détenaient auparavant les biens mobiliers mentionnés dans la déclaration de situation patrimoniale ; les noms des personnes qui détenaient auparavant des biens mobiliers mentionnés dans la déclaration d'intérêts et d'activités s'il s'agit du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin ou d'un autre membre de sa famille » et « s'agissant des instruments financiers : les adresses des établissements financiers et les numéros des comptes détenus ».

Compte tenu de l'ensemble des précautions dont le législateur a entouré la mise à disposition des déclarations de situation patrimoniale, l'atteinte portée à la vie privée ne peut être regardée comme disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

Ainsi qu'il a été dit, un parallèle peut être dressé sur ce point avec les exceptions prévues au secret fiscal. Conformément aux dispositions de l'article L. 104 du livre des procédures fiscales, tout contribuable inscrit au rôle d'un impôt direct local peut demander la délivrance d'un extrait de rôle ou d'un certificat de non inscription au rôle concernant un tiers. L'article L. 111 du même livre prévoit de son côté qu'une liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu, ou à l'impôt sur les sociétés est dressée de manière à distinguer les deux impôts par commune pour les impositions établies dans son ressort. Cette liste est complétée par l'indication des personnes physiques ou morales non assujetties dans la commune à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés mais y possédant une résidence. La liste est tenue par la direction départementale des finances publiques à la disposition des contribuables qui relèvent de sa compétence territoriale - et l'administration peut même en prescrire l'affichage. Cette liste indique le nom, la première lettre du prénom et l'adresse de la personne, le nombre de parts retenues pour le calcul du quotient familial, le revenu imposable et le montant de l'impôt mis à sa charge. Le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 83-164 précitée, que ces dispositions ne portaient atteinte à aucune règle de valeur constitutionnelle.

Il n'est pas sans intérêt de noter que la décision a été rendue sur une disposition qui prévoyait en outre que « pour l'impôt sur les grandes fortunes, la liste est complétée par l'indication de la valeur du patrimoine déclaré et du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable ».

3. - La mise à disposition des déclarations de situation patrimoniale des élus n'est pas de nature à créer une rupture d'égalité devant le suffrage entre « candidats sortants » et nouveaux candidats.

A supposer que la circonstance que soient connues certaines informations de nature patrimoniale relatives à un candidat ait un effet sur la campagne électorale, les élus sortants ne se trouvent en tout état de cause pas dans la même situation que les nouveaux candidats. Ils sont tenus, en tant qu'élus, à des obligations particulières qui les différencient des candidats qui ne sont pas déjà élus. Le principe d'égalité n'est donc pas méconnu.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Conseil constitutionnel pourra écarter les griefs articulés contre les dispositions de la loi organique relatives à la déclaration de situation patrimoniale.

III. - SUR LES INCOMPATIBILITES.

Les observations qui ont été transmises au Conseil constitutionnel contestent les modifications apportées aux articles LO 146 et LO 146-1 du code électoral aux motifs que ces dispositions seraient contraires, pour les premières, aux objectifs d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, et pour les secondes, au principe d'égalité des citoyens devant la loi et à la liberté d'entreprendre.

Ces griefs ne sont pas fondés.

A/ L'article LO 146 du code électoral, dans sa rédaction résultant du V de l'article 2 de la loi organique, prévoit qu'il est interdit à tout député, d'une part, d'exercer une activité professionnelle qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat et, d'autre part, d'exercer une fonction de conseil, sauf dans le cadre d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et qu'il exerçait avant le début de son mandat.

Ces dispositions, qui s'inscrivent dans le prolongement des dispositions existantes, visent à garantir l'indépendance des parlementaires et à prévenir les conflits d'intérêts.

Elles répondent également à l'objectif de bon fonctionnement des institutions en contribuant à renforcer la disponibilité des parlementaires. S'il est vrai, comme le soutiennent les auteurs des observations transmises au Conseil constitutionnel, que le mandat de parlementaire n'est pas un emploi, il n'en constitue pas moins une occupation très prenante et les indemnités qui sont versées aux Parlementaires sont fixées à un niveau comparable à la rémunération d'un emploi public à plein temps. Le Gouvernement estime à cet égard que le renforcement de la disponibilité des parlementaires constitue un objectif d'intérêt général qui découle de leur mission constitutionnelle de représentants de la Nation. Cette mission impose que les parlementaires soient en mesure de se consacrer pleinement à l'exercice de leur mandat.

C'est pour répondre à ces objectifs et en particulier pour réduire les risques de conflit d'intérêts que la loi organique renforce le régime des incompatibilités parlementaires.

Outre divers ajustements dans certaines incompatibilités existantes, le texte aménage l'incompatibilité avec la fonction de conseil, en prévoyant qu'il est interdit d'exercer une telle fonction, sauf lorsqu'elle a été commencée avant le mandat, dans le cadre d'une profession réglementée. Ainsi, un avocat élu parlementaire pourra continuer à gérer son cabinet, sans avoir à faire le départ entre son activité contentieuse et de conseil, sous les réserves prévues à l'article LO 149 du code électoral, mais à l'inverse un parlementaire en exercice ne pourra pas accéder, pendant la durée de son mandat, à la profession d'avocat.

Le législateur a également décidé qu'un parlementaire ne pouvait commencer une activité privée qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat. Cette interdiction, qui traite de la même manière tous les parlementaires, est de nature à lever toute suspicion dans l'esprit de l'électeur sur la possibilité qu'une activité extérieure soit occupée par un parlementaire en raison de son mandat. Elle garantit la totale indépendance du parlementaire à l'égard des intérêts privés, sans empêcher ceux des parlementaires qui avaient une activité professionnelle antérieure de pouvoir, une fois le mandat terminé, la continuer.

Le principe d'égalité n'est pas méconnu par cette règle, la différence de traitement introduite entre les parlementaires selon qu'ils détenaient, ou non, une activité professionnelle avant le début de leur mandat, correspond à une différence de situation et est en rapport avec l'objet de la loi organique, consistant à prévenir les conflits d'intérêts. Comme il a été dit, elle fera obstacle à ce qu'un parlementaire puisse, au risque de compromettre son indépendance, se prévaloir de son mandat pour obtenir une activité professionnelle nouvelle.

Les nouvelles incompatibilités instituées par les dispositions contestées ne portent, pas plus que les incompatibilités existantes, atteinte à l'égalité devant le suffrage. La circonstance que les parlementaires doivent mettre fin, pendant la durée de leur mandat, à des activités de conseil qu'ils exerçaient avant leur mandat ne leur interdit pas de reprendre ces activités à l'issue de ce mandat. Compte tenu du risque de conflit d'intérêts qui est lié à l'exercice d'une activité de conseil, en particulier lorsque cette activité s'exerce en dehors du cadre des professions réglementées, l'incompatibilité instituée par la loi organique ne peut être regardée comme disproportionnée par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

B/ Le IV de l'article 2 modifie le 3° de l'article LO 146 du code électoral.

Seront désormais incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans une société ou une entreprise dont l'activité consiste non plus à « la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat » mais dans la prestations de services « destinés spécifiquement à ou devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part » de l'Etat.

L'objectif de la modification adoptée est de mieux prendre en compte le risque de conflits d'intérêts pouvant résulter de l'exercice concomitant d'un mandat parlementaire et d'une fonction de direction au sein d'une entreprise dont l'activité dépend étroitement de ses relations avec la puissance publique. La disposition ne vise pas l'ensemble des entreprises dont une part significative du chiffre d'affaires est réalisé avec des personnes publiques - ce qui peut arriver à toute entreprise répondant à un marché public - mais seulement les entreprises dont l'activité dépend par nature de la commande publique car leur produits ou prestations sont « destinés spécifiquement » à la puissance publique. Les entreprises qui commercialisent des fournitures courantes, qui peuvent être achetées aussi bien par les personnes publiques que par toute autre personne, n'entrent pas dans le champ de ces dispositions, même si elles comptent des personnes publiques parmi leurs clients. En revanche, les entreprises spécialisées dans la fourniture de biens ou de services tels que les travaux publics ou les armes de guerre, qui répondent spécifiquement à des besoins des collectivités publiques, sont concernées par la nouvelle rédaction du 3° de l'article LO 146. La notion de travaux, fournitures ou services « destinés spécifiquement » à une personne publique est donc dépourvue d'ambiguïté.

S'agissant par ailleurs de la notion d'« autorisation publique discrétionnaire », le législateur a entendu faire référence aux autorisations délivrées par une autorité publique dans un cas où sa compétence n'est pas liée. Cette définition permet de prendre en compte la situation des entreprises dont l'activité est subordonnée à la délivrance d'autorisations administratives dans tous les cas où l'administration dispose d'un pouvoir d'appréciation lui permettant d'accorder ou de refuser l'autorisation sollicitée sans se trouver dans une situation de compétence liée.

Ces dispositions sont suffisamment précises et n'encourent pas les griefs soulevés à leur encontre dans les observations soumises au Conseil constitutionnel. La contestation articulée par voie de conséquence à l'encontre du 6° ajouté à l'article LO 146 par les 20ème et 21ème alinéas de l'article 2 de la loi organique devra également être écartée.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'article LO 146-1 du code électoral ne méconnaît aucun des principes constitutionnels invoqués.

IV. - SUR LES POUVOIRS DE LA HAUTE AUTORITE ET SUR LE REGIME DES SANCTIONS PENALES.

1. - Les sénateurs estiment que plusieurs dispositions relatives aux pouvoirs de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique méconnaissent des principes constitutionnels encadrant la répression pénale ainsi que la séparation des pouvoirs.

2. - Les pouvoirs dont dispose la Haute Autorité à l'encontre des parlementaires différent en partie de ceux qu'elle détient à l'encontre des membres de l'exécutif et des autres personnes assujetties à déclaration, dont la situation est régie par la loi ordinaire.

En effet, la Haute autorité ne peut pas enjoindre à un Parlementaire de mettre fin à une situation de conflit d'intérêts. Elle peut uniquement, lorsqu'une déclaration est incomplète ou lorsqu'il n'a pas été donné suite à une demande d'explications de la Haute Autorité, adresser au parlementaire une injonction tendant à ce que la déclaration complétée ou les explications demandées lui soient transmises sans délai (I. de l'art. LO 135-4, issu du IV de l'art. 1er).

Ces injonctions de la Haute autorité ne constituent ni des sanctions pénales ni des sanctions ayant le caractère de punition au sens du huitième alinéa de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il est en effet de jurisprudence constante qu'une mise en demeure prise par une autorité administrative, fût-elle indépendante, ne constitue pas une sanction (v. nt. CE, Ass., 11 mars 1994, S.A. « La Cinq », n° 115052, au R., faisant suite à la décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 du Conseil constitutionnel).

Par conséquent, les principes de la répression pénale ou administrative ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre des dispositions du I de l'article LO 135-4 ou de l'article LO 135-5 dès lors que la Haute Autorité ne prend pas, sur le fondement de ses dispositions, de « sanctions ayant le caractère d'une punition » au sens de l'article 8 de la Déclaration.

3. - Le législateur a en revanche veillé à assortir d'une sanction le non-respect des obligations déclaratives en prévoyant que « dans tous les cas où elle a relevé, après que le député a été mis en mesure de produire ses observations, un manquement à l'une des obligations prévues aux articles L.O. 135-1 et L.O. 135-4 ou des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications suffisantes, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet » (art. LO 135-5, issu du IV de l'art. 1er).

Il a également prévu qu'une sanction pénale pouvait être infligée au parlementaire qui ne mettrait pas la Haute Autorité en mesure de remplir son office. L'actuelle commission pour la transparence financière de la vie publique a régulièrement dénoncé la faiblesse des informations dont elle dispose, faute d'une quelconque obligation de lui communiquer les éléments utiles à son contrôle.

Dorénavant, « le fait pour un député de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'injonction ou de la demande de communication est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende » (II de l'art. LO 135-4).

Cette incrimination est proche de celle, prévue à l'article 12 de la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011, aux termes de laquelle « est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende le fait de ne pas déférer aux convocations du Défenseur des droits, de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission ou de l'empêcher d'accéder à des locaux administratifs ou privés, dans des conditions contraires à la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. »

Par ailleurs, l'avant-dernier alinéa de l'article LO 135-1 prévoit, dans sa rédaction résultant du 5° du I de l'article 1, que « le fait pour un député d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 EUR d'amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l'interdiction des droits civiques selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l'interdiction d'exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l'article 131-27 du même code ».

Le fait que ces sanctions pénales aient pour objet de réprimer la violation d'obligations que le législateur a fait peser sur le chef des parlementaires ne saurait à elle seule être regardée comme constituant une atteinte à la séparation des pouvoirs.

4. - Le nouvel avant-dernier alinéa de l'article LO 135-1 est défini en des termes qui sont suffisamment précis.

L'article comporte déjà l'expression « omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ». Cette rédaction est issue de la loi organique n° 2011-401 du 14 avril 2011 (art 24) déjà déclarée conforme en toutes ses dispositions par le Conseil constitutionnel (12 avril 2011, n° 2011-628 DC du 12 avril 2011). Au demeurant, le terme de « substantiel » existe dans d'autres textes de répression notamment à l'article L. 420-2 du code de commerce en matière de concentration économique.

Quant à l'« évaluation mensongère du patrimoine », elle ne se distingue pas de l'évaluation erronée autrement que par l'existence d'un élément intentionnel. L'évaluation mensongère implique une volonté de falsifier certaines informations ou de délivrer des informations incomplètes - tandis que l'évaluation erronée comporte une erreur de calcul ou d'appréciation des contours de la notion de patrimoine ou d'intérêts, sans volonté de dissimulation. La notion d'évaluation mensongère se retrouve dans différentes infractions en droit pénal, qui donne lieu à une jurisprudence bien établie.

5. - S'agissant du II de l'article LO 135-5, il est défini d'une manière claire et dénuée d'équivoque, ce qui satisfait aux exigences du principe de légalité des délits et des peines. Dès lors que la sanction sera prise par un juge pénal, les garanties attendues en cas de répression pénale seront respectées.

Le but de cette disposition est de garantir le fonctionnement normal de la Haute Autorité, qui doit être à même d'exercer pleinement sa mission de contrôle des obligations déclaratives. Elle ne permet en aucun cas à la Haute Autorité de contraindre les parlementaires à adopter un comportement, ni de peser sur les opinions ou les votes émis.

N'est donc pas méconnue la protection dont bénéficient, selon l'article 26 de la Constitution, les représentants de la Nation pour les opinions et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions (principe d'irresponsabilité) ainsi que pour les atteintes à la liberté individuelle pendant l'exercice de leur mandat (principe d'inviolabilité). Cette protection est destinée à protéger le mandat. Elle est limitée aux actes directement liés au mandat et aux mesures restrictives ou privatives de liberté. Pour le reste, les parlementaires restent responsables devant la loi pénale de leurs agissements.

Ainsi, contrairement à ce qu'il est soutenu, l'instauration d'une infraction pénale concernant les parlementaires n'est contraire ni à l'article 26 de la Constitution ni à la séparation des pouvoirs.

Pour ces motifs, le Gouvernement considère que la loi organique est conforme à la Constitution.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les conseillers,

Nonobstant l'alinéa 1er de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de vous présenter des observations particulières concernant l'article 2 de la loi organique relative à la transparence de la vie publique, adoptée par le Parlement le 17 septembre 2013.

En premier lieu, sur l'alinéa 18 de l'article 2 de la loi organique, modifiant l'article L.O. 146 3° du code électoral

Votre Conseil a dégagé de l'article 34 de la Constitution le principe constitutionnel de clarté de la loi (voir ainsi les décisions n° 2000-435 DC 7 décembre 2000 cons. 53 ; 2001-455 DC 12 janvier 2002 cons. 8, 9, 29 et 30 ; 2004 – 494 DC 29 avril 2004 cons. 10 et 14 ; .2005 – 514 DC 28 avril 2005 cons. 14).

Des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il a induit l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, considérant qu'il appartient au législateur “d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi. »

Ce principe et cet objectif ne sont ici nullement respectés.

Les dispositions de l'actuel article LO 146 3° du code électoral prévoient que sont notamment incompatibles avec un mandat parlementaire les fonctions de direction dans des « sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat...” Ces derniers termes permettent aujourd'hui de se livrer à une appréciation objective de la situation des entreprises concernées, c'est-à-dire, précisément, les entreprises dont plus de la moitié de l'activité (voir en ce sens, décision n° 2004 – 19 I 23 décembre 2004 cons. 5 et 7) est constituée de marchés passés avec l'Etat, une collectivité ou une entreprise publique, une entreprise nationale ou un Etat étranger.

Or, le texte qui vous est déféré substitue aux mots « pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat » les mots « destinés spécifiquement à ou devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part de l'Etat... », créant ainsi plusieurs difficultés d'interprétation.

I - La première difficulté d'interprétation porte sur la détermination des travaux, prestations de fournitures ou de services qui sont « destinés spécifiquement » à l'Etat, à une collectivité publique, à un établissement public, à une entreprise nationale ou à un Etat étranger. Alors que la loi organique aurait pu faire le choix d'énoncer directement et clairement les activités économiques visées par le régime des incompatibilités, elle utilise une terminologie susceptible de plusieurs acceptions, introduisant dans le droit électoral la plus grande confusion.

En effet, dans une première approche, économique, seront tenues comme destinées spécifiquement à l'Etat ou aux autres entités visées par le texte les activités exercées exclusivement pour le compte ou à destination d'opérateurs publics. Seront notamment inclus les contrats soumis au code des marchés publics et plus généralement ceux faisant suite à une commande publique.

Toutefois, appliquée aux établissements publics industriels et commerciaux et aux entreprises nationales, l'interprétation économique conduit à donner au texte un champ d'application démesurément vaste, couvrant la quasi-totalité des secteurs économiques et à interdire de facto à toutes les personnes exerçant une fonction de direction dans une entreprise la possibilité de siéger au Parlement. Rien n'indique dans les travaux préparatoires de la loi que telle était la volonté du législateur organique.

Autre source d'incertitude, le mot « destiné » qui ne permet pas de savoir si doivent être incluses dans cette catégorie les opérations dont le destinataire final est l'Etat ou l'une des entités visées par le texte, intégrant ainsi les entreprises sous-traitantes, ou seulement les opérations directement effectuées avec l'Etat ou l'une de ces entités.

Dans une deuxième approche, utilisant le critère matériel, les travaux, fournitures ou services visés par la loi seront ceux qui, par leur nature, ne peuvent être destinés qu'à un Etat. Ainsi, pour l'armement lourd mais quid des armes dites légères ou encore des biens et technologies notamment électroniques à double usage, militaire et civil ? Par ailleurs, comme précédemment, se pose le problème de l'application de la loi aux 4.000 entreprises sous-traitantes qui travaillent en France dans le secteur de l'armement, dès lors que les destinataires de leur production sont généralement, au final, des Etats. Les mêmes difficultés se posent en ce qui concerne les entreprises prestataires de service pour les armées.

En outre, la détermination des services ou des biens spécifiquement destinés, par leur nature, à un Etat s'avère très variable dans le temps et selon les Etats concernés. Ainsi en est-il ou en a-t-il été de l'exploitation du sous-sol, de la création et de la gestion des réseaux électriques ou de communication, du secteur de l'espace, etc.

Par ailleurs, la définition matérielle du champ d'application présente l'inconvénient majeur de ne pas donner de sens à la partie du texte visant les établissements publics, les entreprises nationales voire les collectivités territoriales qui ne paraissent pas pouvoir utiliser des biens ou services spécifiques par leur nature.

Dans une troisième lecture du texte, tout aussi légitime, les termes « destinés spécifiquement » seraient interprétés comme visant les travaux, fournitures de biens et de services qui ne peuvent juridiquement être destinés qu'à un Etat ou une collectivité publique. Ce critère conduirait néanmoins à inclure dans un patchwork improbable les entreprises de travaux publics, les experts judiciaires (certains exercent exclusivement cette fonction), les entreprises de mise en fourrière, les fabricants ou installateurs de dispositifs de surveillance urbaine, etc.

Comme dans la précédente grille de lecture de la loi, se rencontre alors la difficulté ou l'impossibilité de donner sens à la loi en ce qui concerne les établissements publics et les sociétés nationales.

Face à ces lectures contradictoires, aucune aide ne peut être trouvée dans les travaux préparatoires de la loi. Ni les déclarations du Gouvernement, ni les débats parlementaires ne permettent d'induire la volonté du législateur de choisir l'une ou l'autre de ces options ou encore de vouloir leur application cumulative.

Faute de pouvoir se fonder sur les travaux préparatoires, il ne paraît pas possible à votre Conseil de faire usage de réserves d'interprétation dans le sens de l'un ou l'autre des critères possibles (voir ainsi, décisions n° 84-181 DC 11 octobre 1984 cons. 41 et 99 a contrario ; 2000-492 DC 30 mai 2000 cons. 15 ; 2001-455 DC 12 janvier 2002 cons. 16 ; 2002- 461 DC 29 août 2002 cons. 14).

D'autre part, l'application cumulative des critères se heurterait au principe de l'interprétation stricte des dispositions relatives aux incompatibilités (voir ainsi les décisions 77-5 I 18 octobre 1977 cons. 2, 5, 6 et 8 ; 2004-19 I 23 décembre 2004 cons. 3, 4, 6 et 8 ; 2009 - 27 I 18 mars 2009 cons. 3, 4 et 6).

II - Des difficultés d'interprétation au moins équivalentes se font jour à propos des termes « devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part de l'Etat... »

Il convient, tout d'abord, de savoir si l'expression « autorisation discrétionnaire » vise les situations dans lesquelles l'Etat utilise son pouvoir discrétionnaire, par opposition à celles où il a compétence liée, ou bien si cette terminologie fait référence aux cas dans lesquels l'Etat accorde ou refuse une autorisation sans avoir l'obligation de motiver sa décision, c'est-à-dire dans le cadre d'un régime discrétionnaire d'autorisation.

On sait que le Conseil d'Etat n'assimile pas ces deux domaines et que, notamment, il ne cantonne pas l'obligation de motivation aux seules décisions qui mettent en œuvre une compétence liée (CE 11 juin 1982 Le Duff ; CE 12 janvier 2005 Assoc. Amis des Ondes-Radios).

La première interprétation peut prendre appui sur les dispositions de l'actuel article LO 146 1° du code électoral aux termes desquelles sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat parlementaire les fonctions de direction dans les entreprises bénéficiaires de subventions ou d'avantages publics « sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale », ce qui est une autre façon de décrire une compétence liée.

Les termes « autorisation discrétionnaire » seraient donc, par antinomie, une référence à ce criterium déjà utilisé dans le droit positif. Une décision rendue par votre conseil (96-373 DC 9 avril 1996 cons. 22 et 23) utilise d'ailleurs, pour évoquer un dispositif légal donnant au Conseil des ministres du territoire de la Polynésie française la faculté d'accorder ou refuser librement une autorisation, les termes de « régime discrétionnaire d'autorisation ».

Cependant, le choix rédactionnel adopté dans la loi déférée serait, dans ce cas, extrêmement équivoque dans la mesure où l'expression retenue ne fait que se rapprocher des termes communément admis de « pouvoir discrétionnaire » ou de « régime discrétionnaire d'autorisation » sans pour autant donner la certitude qu'ils ont une signification équivalente.

Le doute est d'autant plus admissible qu'en matière d'incompatibilités parlementaires, votre Conseil, pour définir les situations ne s'inscrivant pas dans les prévisions de l'article LO 146 1° du code électoral, a utilisé un vocabulaire différent ne souffrant lui d'aucune ambiguïté. Dans une décision n°95-15 I du 18 janvier 1996, il a fait référence, dans son troisième considérant, aux avantages « ne (résultant) pas de l'application d'une législation ou d'une réglementation générale » (voir également, décision n° 2006–22 I 26 octobre 2006 cons. 6 et 7).

Au surplus, une telle interprétation des termes « autorisation discrétionnaire » donnerait au nouveau texte un champ d'application excessivement étendu et sans cohérence évidente.

Seraient ainsi concernées par le texte, l'exploitation d'un taxi qui doit faire l'objet d'une autorisation relevant du pouvoir discrétionnaire du maire (CE 4 juillet 1969 n° 65025), l'exploitation d'installations classées soumises à autorisation qui doivent faire l'objet d'une autorisation préfectorale fixant discrétionnairement les prescriptions techniques qui lui sont applicables en matière de protection de l'environnement (EARL Champagne CE 10 janvier 2011), tels les élevages de bétail dont le cheptel atteint une certaine importance. Des autorisations relevant du pouvoir discrétionnaire de l'Etat sont aussi prévues pour les entreprises occupant le domaine public, pour l'exercice de l'activité de marchand ambulant (CE 5 juin 1908 n° 23860) ...

Or, il ne résulte bien évidemment pas des débats parlementaires que le législateur organique a entendu interdire l'exercice d'un mandat parlementaire aux chauffeurs de taxi, aux éleveurs agricoles, aux loueurs de plage ou aux marchands ambulants.

Une seconde interprétation des termes « autorisation discrétionnaire » pourrait donc être retenue, par référence à la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs. En effet, l'article 1er de ce texte énonce, au titre des décisions individuelles défavorables, que si les refus d'autorisation doivent être motivés, cette prescription trouve exception « lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public. » Les refus d'autorisation font donc, dans ce dernier cas, l'objet de décisions discrétionnaires.

Si telle a été l'intention du législateur, il doit être relevé que celui-ci, qui pouvait, comme il a été dit, définir le régime juridique des incompatibilités parlementaires par référence directe à des activités économiques ou des secteurs précis, a utilisé une technique législative en contradiction avec le principe d'accessibilité de la loi. Le procédé qui consiste à prévoir, dans le code électoral, le renvoi à un autre texte législatif qui lui-même renvoie à un troisième texte de loi ne permet pas un accès direct au droit.

Ce mode opératoire introduit une complexité inutile alors que la lutte contre la complexité inutile du droit a été rattachée à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi (voir ainsi la décision n° 2003-473 DC 26 juin 2003 cons. 5).

Mais le procédé est, de plus, générateur d'incertitude sur le champ d'application du nouveau texte dès lors que les fournitures de biens ou de services devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire – au sens d'autorisation non motivée – sont considérablement plus diverses que les seuls refus d'autorisation en rapport avec les secrets ou intérêts prévus à l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978.

En effet, la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ne concerne que les actes administratifs individuels défavorables. Or, nombre d'activités s'exercent sous couvert d'autorisations discrétionnaires n'ayant pas, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, les caractéristiques d'une décision défavorable (par exemple, pour une autorisation d'émettre par voie hertzienne même assortie de conditions : CE 22 avril 1992 SA Prisca) ou n'ayant pas la nature de décisions individuelles. Ainsi en est-il, dans ce dernier cas, des autorisations ou refus d'autorisation du préfet de police tendant à ce que le nombre de taxis autorisés soit augmenté (CE 27 juin 2007 n°292855 Synd. De défense des taxis parisiens), des arrêtés ministériels en matière de prescription, importation, fabrication, utilisation et usage de médicaments homéopathiques (CE 30 juin 1999 Germain)...

Il en ressort que la seconde lecture possible des termes « autorisation discrétionnaire » s'avère tout aussi peu satisfaisante que la première sur les terrains tant juridique que pratique.

En conclusion, l'ensemble du 3° de l'article LO 146 du code électoral, dans sa rédaction issue du texte soumis à votre examen, se trouve en contradiction avec le principe constitutionnel de clarté de la loi et avec l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

Pourtant, l'utilisation de critères clairs et incontestables pour définir les activités incompatibles avec l'exercice d'un mandat parlementaire s'imposait d'autant plus que l'article 25 de la Constitution donne au législateur organique le soin de fixer « le régime » des incompatibilités, ce qui signifie qu'il doit déterminer l'ensemble des règles applicables en la matière. De la même façon que votre Conseil a déduit de l'article 72-2 de la Constitution, à l'égard du législateur organique, une exigence particulière de précision (décision n° 2004-500 DC 29 juillet 2004 cons. 13 et 15), l'article 25 de la Constitution paraît conférer au législateur organique une obligation particulière de précision dans la définition des règles applicables aux incompatibilités parlementaires.

Il va de soi que le législateur ordinaire ne pourrait se substituer au législateur organique pour préciser les règles ainsi énoncées. Votre Conseil a rappelé que seule la loi organique est en droit de déterminer les dispositions applicables aux incompatibilités touchant les membres du Parlement (voir ainsi les décisions n° 84-177 DC 30 août 1984 cons. 5 ; 86-217 DC 18 septembre 1986 cons. 54).

En conséquence, l'alinéa 18 de l'article de la loi organique modifiant l'article LO 146 3° du code électoral devra être déclaré contraire à la Constitution.

Par ailleurs, votre Conseil a jugé que doit “être déclarée contraire à la Constitution la référence faite par une disposition législative à des articles de la loi soumise à l'examen du Conseil qui sont eux-mêmes déclarés contraires à la Constitution ” (voir ainsi, les décisions n° 78-95 DC 27 juillet 1978 cons. 9 à 11 ; 84-181 DC 11 octobre 1984 cons. 68 et 69 ; 96-373 DC 9 avril 1996 cons. 23)

C'est pourquoi, l'article LO 146 6° du code électoral modifié, inséré par les alinéas 20 et 21 de l'article 2 de la loi organique déférée, et qui fait référence au 3° du même article en citant les “sociétés exerçant un contrôle effectif sur les sociétés, entreprises et établissements mentionnés aux 1° à 4° ” doit être analysé comme inséparable de cette disposition législative.

Il s'en déduit que les alinéas 20 et 21 de l'article 2 de la loi organique insérant un 6° à l'article LO 146 du code électoral ne pourront qu'être déclarés, à leur tour, contraires à la Constitution pour la partie de l'article LO 146 6° se référant au 3° du même article.

En second lieu, sur l'alinéa 23 de l'article 2 de la loi organique, modifiant l'article L.O. 146-1 du code électoral

D'une part, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leur vertus et de leurs talents ».

D'autre part, l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits ».

L'alinéa 23 de l'article 2 de la loi organique visée, qui modifie le régime des incompatibilités professionnelles des parlementaires, méconnaît manifestement ces deux principes constitutionnels d'égalité des citoyens devant la loi, et de liberté d'entreprendre.

L'actuel article L.O. 146-1 du code électoral prévoit l'interdiction, pour un député, de commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat, cette interdiction n'étant pas applicable aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

L'article 2 de la loi organique entend faire de l'exception un principe, et interdire à tout député de commencer à exercer une activité qui n'était pas la sienne avant d'être élu, faisant de l'exercice d'une profession, à condition qu'il soit antérieur au mandat, un talisman qui prémunirait du conflit d'intérêt.

Seules les activités littéraires, artistiques et scientifiques ne seraient pas concernées (alinéa 24 de l'article 2). Ce type d'activités n'est donc pas considéré comme susceptible de faire naître un conflit d'intérêt, au contraire de toutes les autres.

Par ailleurs, à la lecture des alinéas 23 et 33 de l'article 2 la loi organique, le nouveau dispositif d'incompatibilités crée deux catégories de parlementaires : d'un côté ceux qui exerçaient une activité professionnelle autorisée avant la promulgation de la loi, et qui pourront continuer à l'exercer ad vitam aeternam ; et d'un autre côté, ceux qui, après 2017 pour les députés, et à compter du prochain renouvellement de la série à laquelle ils appartiennent s'agissant des sénateurs, ne pourront pas exercer d'activité professionnelle, s'ils ne l'exerçaient pas avant l'entrée en vigueur de la loi.

Ainsi, l'article 2 de la loi organique, qui conduit à interdire à un parlementaire, élu pour la première fois alors qu'il était étudiant, de commencer à exercer une activité professionnelle, tant que ce dernier est réélu de manière continue, porte manifestement atteinte à la liberté d'entreprendre.

Par ailleurs, si un parlementaire connaissait une interruption dans l'exercice de son mandat, et commençait entre deux mandats une activité professionnelle, il pourrait à son retour dans une des assemblées exercer une profession qui lui était, lors d'un mandat précédent, interdite.

Au final, cette disposition de la loi organique contrevient à deux principes constitutionnels, sans qu'il soit possible de considérer légitimement l'objectif poursuivi par le législateur de se prémunir des conflits d'intérêt comme satisfait par la loi.

Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, nous vous demandons, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, de vous prononcer sur ces points et tous ceux que vous estimerez pertinents, eu égard à la compétence et la fonction que vous confère la Constitution.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Alors que l'Assemblée nationale vient d'adopter définitivement la loi organique relative à la transparence de la vie publique, je me permets de vous adresser, au nom du groupe UMP du Sénat, quelques observations relatives à ce texte, dont vous allez contrôler la conformité à la Constitution.

Ces observations portent sur l'atteinte à la vie privée, à la liberté d'entreprendre, à la sincérité du scrutin, à la séparation des pouvoirs, au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu'à la rupture d'égalité et à l'inversion de la charge de la preuve induites par ce texte.

Le principe de respect de la vie privée se fonde sur l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ».

Dans une décision du 23 juillet 1999, votre Conseil a estimé que cet article « implique le respect de la vie privée ». Puis, dans la décision du 22 mars 2012 votre Conseil a précisé comment le respect de la vie privée devait être contrôlé, en l'occurrence, en vérifiant si l'atteinte à la vie privée réalisée par le législateur est proportionnée au but poursuivi par la loi.

Or, l'article 1er de la loi organique qui vous est soumise au contrôle dispose que les parlementaires devront adresser à la nouvelle Haute autorité de la transparence de la vie publique et au bureau de la chambre dans laquelle ils siègent, une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts et d'activités. Les informations exigées dans ces déclarations sont des informations personnelles qui n'ont aucun lien, pour la plupart d'entre elles, avec le mandat exercé.

De plus, cet article 1er prévoit que ces déclarations seront rendues publiques par la Haute Autorité, et qu'elles seront tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Or, si le Conseil Constitutionnel admet que des atteintes au respect de la vie privée peuvent être consenties par le législateur, votre conseil a eu l'occasion de rappeler que ces atteintes doivent se justifier au regard du but recherché par la loi.

Dans le cas en l'espèce le but recherché est d'identifier et de sanctionner des enrichissements inexpliqués ou des conflits d'intérêts dont des parlementaires auraient pu se rendre coupables durant l'exercice de leur mandat.

Il apparait donc totalement injustifié de rendre publique les déclarations de patrimoine et d'intérêts ; cette publicité ne saurait en aucun cas faciliter l'identification et la condamnation de ces enrichissements inexpliqués. Au contraire, la publicité faite autour de ces déclarations ne sera pas de nature à favoriser l'exercice impartial et indépendant de la justice.

De plus, la loi soumise à votre contrôle dispose que ces déclarations d'intérêts devront préciser « Les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ».

Ces informations sont de nature personnelle. Elles sont personnelles pour le parlementaire, mais elles sont également personnelles pour le conjoint, concubin, ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité, pour les enfants, et pour les parents.

Dans ce cas, le devoir de transparence, qui peut se justifier lorsqu'il ne s'applique qu'aux personnes qui choisissent d'exercer un mandat parlementaire, trouvera à s'imposer à des personnes qui ne sont en aucun cas liées, ni responsables, du choix d'un des membres de leur famille d'exercer le mandat de parlementaire.

Cette autre atteinte manifeste au respect de la vie privée ne saurait être justifiée par la poursuite de l'intérêt général au motif qu'il s'agit de lutter contre les conflits d'intérêts. En effet, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, les bureaux des assemblées, et le Conseil Constitutionnel sont capables d'identifier et de sanctionner des conflits d'intérêts sans disposer d'office d'informations qui relèvent de la vie privée.

Par ailleurs, il m'a paru important de relever que cette loi entrave indéniablement selon nous la liberté d'entreprendre. En effet, la liberté d'exercer un mandat parlementaire introduira, par ce texte, une obligation légale pour un tiers.

Le principe de la liberté d'entreprendre se fonde sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que : «La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ».

Or, la présente loi organique dispose que les parlementaires devront déclarer les activités professionnelles exercées, à la date de la déclaration, par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents. Ainsi, l'entourage des parlementaires se verra imposer une obligation légale, non du fait d'un choix personnel, mais du choix d'un des membres de leur famille ou de leur entourage d'exercer un mandat parlementaire. En d'autres termes, le libre choix d'un citoyen d'exercer un mandat, liberté qui lui est assuré par l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, entrainera une obligation légale pour un membre de son entourage qui ne sera pas lié à ce choix puisque celui-ci est personnel.

Le Parlementaire, comme tout citoyen, n'est pas en droit d'exiger de tiers des informations personnes, surtout si celles-ci sont destinées à être rendues publiques.

De plus, l'exercice d'un mandat parlementaire, tel que cette loi prévoit de l'imposer, limitera la liberté d'entreprendre du parlementaire et de son entourage.

En effet, l'article 2 dispose que « Le Bureau de l'Assemblée nationale examine si les activités professionnelles ou d'intérêt général mentionnées par les députés dans la déclaration d'intérêts et d'activités, en application du 11° du III de l'article L.O. 135-1, sont compatibles avec le mandat parlementaire. ». Cette disposition vient compléter l'article L.O 151-2 du code électoral relatif aux incompatibilités qui dispose par ailleurs que : « s'il y a doute sur la compatibilité des fonctions ou activités exercées, le bureau de l'Assemblée nationale, le garde des sceaux, ministre de la justice, ou le député lui-même saisit le Conseil constitutionnel » puis que : « Si le Conseil constitutionnel décide que le député est en situation d'incompatibilité, ce dernier régularise sa situation au plus tard le trentième jour qui suit la notification de la décision du Conseil constitutionnel. A défaut, le Conseil constitutionnel le déclare démissionnaire d'office de son mandat. »

Ainsi, un intérêt particulier d'un parlementaire peut déboucher sur une injonction du Conseil Constitutionnel à l'endroit de ce parlementaire, disposition qui existait auparavant et qui se justifie.

Seulement, la loi invoquée prévoit que le Bureau de l'assemblée concernée puis le Conseil Constitutionnel fondent désormais leurs avis à partir des déclarations d'intérêts prévues à l'article L.O. 135-1, et donc à partir des activités professionnelles exercées aussi, à la date de la déclaration, par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents.

C'est-à-dire que le Bureau de l'assemblée concernée et le Conseil Constitutionnel se prononceront désormais sur la compatibilité de l'exercice du mandat parlementaire avec les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents. De facto, le Bureau de l'assemblée et le Conseil Constitutionnel pourront identifier une situation d'incompatibilité qui sera le fait d'une personne de l'entourage d'un parlementaire et non pas du parlementaire lui-même. En conséquence, cette loi risque de conduire à une injonction du Conseil Constitutionnel à l'endroit d'un membre de l'entourage d'un parlementaire alors que celui-ci n'est nullement responsable ou lié à la décision du parlementaire d'exercer un mandat parlementaire.

Cette loi empêchera les parlementaires d'exercer certaines activités professionnelles. En effet, elle dispose qu' : « Il est interdit à tout député de commencer à exercer une activité professionnelle qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat » ; et qu' : « Il est interdit à tout député d'exercer une fonction de conseil, sauf dans le cadre d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, qu'il exerçait avant le début de son mandat ».

En conséquence, un parlementaire ne pourra plus entreprendre aucune activité professionnelle durant la durée de son mandat, ni même exercer une activité de conseil, même s'il avait débuté cette activité auparavant.

Ces dispositions sont d'autant moins justifiables que l'exercice d'un mandat parlementaire ne peut nullement être assimilé à un emploi. A ce titre, les parlementaires ne reçoivent pas de salaires, mais des indemnités, et ne sont donc pas soumis à la durée maximale légale de travail, ce qui prouve bien que le mandat parlementaire n'est pas une activité professionnelle.

Aussi, les dispositions de cette loi empêcheront à un parlementaire, sans activité professionnelle avant l'exercice de son mandat parlementaire, de pouvoir, pendant la durée de son mandat, entamer la moindre activité professionnelle, afin de prévoir la suite de sa professionnelle à l'issue de son mandat.

Cette disposition va au-delà des dispositions susceptibles d'être justifiées par la nécessité de protéger l'indépendance des parlementaires, qui elle seule peut justifier constitutionnellement des restrictions au libre exercice d'une activité professionnelle par un citoyen quel qu'il soit.

Les sénateurs de mon groupe estiment également que cette loi porte atteinte à la sincérité du scrutin. Cette exigence constitutionnelle se fonde sur l'article 3 de la Constitution, qui dispose que : « Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret ».

Ce principe constitutionnel a fait émerger progressivement plusieurs principes fondamentaux du droit électoral. Parmi ceux-ci, on trouve l'égalité des conditions de la compétition, la neutralité et l'objectivité de l'État, ainsi que l'égal accès aux fonctions électives.

Cette égalité implique que les citoyens français disposant du droit de vote et répondant aux conditions d'éligibilité puissent se présenter aux élections qui rythment la vie démocratique française. Cet impératif constitutionnel a notamment été précisé dans la décision de votre conseil du 30 mars 2000 sur la loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.

Or, l'article 2 dispose qu' : « Il est interdit à tout député d'exercer une fonction de conseil, sauf dans le cadre d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, qu'il exerçait avant le début de son mandat ».

Cette disposition aura donc pour conséquence d'exclure de la compétition électorale les citoyens exerçant antérieurement aux élections des fonctions de conseil. En effet, leur activité professionnelle étant soumise à un régime d'incompatibilité particulier, la perspective de ne pas pouvoir conserver son activité professionnelle antérieure durant l'exercice de son mandat conduira inexorablement à éliminer de la compétition électorale les Français exerçant des fonctions de conseil. En conséquence, cette disposition va restreindre l'accès aux fonctions électives d'une partie de nos concitoyens pour une raison qui ne tient nullement à une louable préoccupation de séparation des pouvoirs.

Ainsi, cette interdiction créera une inégalité dans l'accès aux fonctions électives, une inégalité des conditions de la compétition électorale et créera également une atteinte à l'objectivité de l'Etat, puisque le législateur a décidé que le législateur sélectionne, selon leur activité professionnelle, les personnes habilitées à briguer un mandat parlementaire.

Alors que le principe d'égalité a pour fondement l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que la loi : « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents », nous considérons que cette loi crée une véritable rupture de ce principe.

Le champ d'application de ce principe est très large, ainsi, la matière électorale ne saurait échapper au respect de ce principe. Dans ce cadre, le principe d'égalité devient l'égalité des conditions de la compétition, déclinaison du principe de sincérité du scrutin. Ce principe veut donc que dans le cadre de la compétition électorale, les candidats puissent bénéficier d'un traitement identique.

Or, cette loi organique prévoit que les parlementaires fournissent des déclarations de patrimoine au Président de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique ainsi qu'au Bureau de l'Assemblée nationale et que ces déclarations seront rendues publiques. Les parlementaires seront donc dans l'obligation de fournir le détail de leur patrimoine et de leurs intérêts, au début et à la fin de leur mandat, ainsi qu'en cas de modification substantielle de leur patrimoine ou de leurs intérêts.

Par conséquent, dans le cadre des campagnes électorales dans lesquelles les parlementaires seront amenés à briguer un nouveau mandat, les électeurs de leur circonscription d'élection auront toute la liberté de consulter leurs déclarations de patrimoine et d'intérêts. Ces consultations libres ne sont bien-sûr pas neutres d'un point de vue électoral puisque la déclaration de patrimoine révèlera des éléments très personnels des candidats parlementaires. Aussi, les candidats sortants aux élections législatives et sénatoriales seront soumis à l'analyse et au jugement de leurs situations patrimoniale et de leurs intérêts particuliers, alors que les candidats non sortants, nullement concernés par ces obligations déclaratives échapperont à ces analyses et jugements. Il ressort donc de cette situation une inégalité des conditions de la compétition électorale, car les candidats à une même élection ne seront pas soumis au même régime d'obligation.

Cette loi porte également atteinte, selon nous à la séparation des pouvoirs.

Le principe de l'inviolabilité de la fonction parlementaire est garanti par l'article 26 de la Constitution qui dispose qu' : « Aucun membre du Parlement ne peut faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du bureau de l'assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n'est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive». Malgré cette exigence, il semble que la présente loi introduise des dispositions manifestement contraires au principe d'inviolabilité des parlementaires.

En effet, le 4° du I de l'article 1er dispose que : « Le fait pour un député d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 EUR d'amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l'interdiction des droits civiques selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l'interdiction d'exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l'article 131-27 du même code. »

Le IV de l'article 1 de la présente loi organique dispose aussi que « Le fait pour un député de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'injonction ou de la demande de communication est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende ».

De plus, le même IV de l'article 1 dispose que : « Dans tous les cas où elle a relevé, après que le député a été mis en mesure de produire ses observations, un manquement à l'une des obligations prévues aux articles L.O. 135-1 et L.O. 135-4 ou des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications suffisantes, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet ».

De cette manière, ces dispositions introduisent de nouveaux délits pénaux, et donc de nouvelles possibilités de poursuites et de condamnations à l'encontre des parlementaires. Délits qui, de fait, ne peuvent s'appliquer qu'à des parlementaires.

Or, si les assemblées peuvent, en vertu des prérogatives qu'elles tiennent de la Constitution, suspendre les poursuites pour manquement aux obligations déclaratives ou pour un enrichissement que le parlementaire n'aura pu expliquer, possibilité qui découle de l'article 26 de la Constitution, dans le cadre dette nouvelle loi, ces nouveaux délits pénaux ont été conçus exclusivement à l'endroit des parlementaires et systématiquement, puisque les bureaux des assemblées concernées ne pourront pas suspendre les poursuites.

De plus, la concomitance de ces dispositions avec la publicité qui est faite autour des déclarations de situations patrimoniales ou des déclarations d'intérêts et d'activités conduira à ce que les parlementaires soient sans relâche sous la pression des électeurs, des associations, des médias, et de leurs adversaires politiques, dans de domaines relevant de leur vie privée.

L'inviolabilité des parlementaires, exigence constitutionnelle qui doit se comprendre comme la volonté de soustraire les parlementaires aux pressions extérieurs sera donc mise à mal avec les dispositions de cette loi.

La séparation des pouvoirs est également le fait de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

Or, l'article 12 de la loi relative à la transparence de la vie publique dispose que la Haute autorité de la transparence de la vie publique chargée de contrôler les évolutions inexpliquées du patrimoine des parlementaires et d'identifier d'éventuelles conflits d'intérêts, est composée d'un Président nommé par décret du Président de la République, de deux conseillers d'État, de deux conseillers à la Cour de cassation, de deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes, ainsi que de deux personnalités qualifiées nommées par le Président de l'Assemblée nationale, et deux nommées par le Président du Sénat.

La Haute autorité sera donc composée de membres nommés par le pouvoir exécutif, de membres issus du pouvoir judiciaire, de membres issus de l'administration, n'ayant pas le pouvoir de régler, au titre du pouvoir judiciaire, la question des conflits d'intérêts et des enrichissements inexpliqués.

En d'autres termes, les parlementaires qui, conformément à l'article 3 de la Constitution, sont une émanation de la souveraineté populaire, puisque « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum », seront soumis à un contrôle de probité par des personnes non élues et liées à des pouvoirs et autorités extérieures au Parlement.

De plus, instituer un organisme indépendant du Parlement pour contrôler celui-ci laisse supposer une méconnaissance du deuxième alinéa de l'article 3 de la Constitution qui rappelle que : « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ».

Aussi, parce que les prérogatives confiées à la Haute autorité de la transparence de la vie publique impliquent un contrôle du Parlement, il nous parait que cette loi organique est contraire à la Constitution.

Les requérants estiment également que cette loi organique porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines. Le principe de légalité des délits et des peines est issu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

Votre Conseil a eu de nombreuses fois l'occasion de préciser ce principe, et notamment dans sa décision du 4 mai 2012 dans laquelle il est précisé que le législateur doit : « fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ».

Ainsi, cette exigence doit se comprendre comme l'obligation d'établir des délits suffisamment clairs et précis pour que chacun puisse connaitre par avance le caractère légal de ses agissements.

Or, le IV de l'article 1er dispose que : « Lorsqu'une déclaration déposée en application de l'article L.O. 135-1 est incomplète ou lorsqu'il n'a pas été donné suite à une demande d'explications de la Haute Autorité, celle-ci adresse au député une injonction tendant à ce que la déclaration complétée ou les explications demandées lui soient transmises sans délai. » et que « Le fait pour un député de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'injonction ou de la demande de communication est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende ».

La loi disposant ensuite que : « Dans tous les cas où elle a relevé, après que le député a été mis en mesure de produire ses observations, un manquement à l'une des obligations prévues aux articles L.O. 135-1 et L.O. 135-4 ou des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications suffisantes, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet ».

En conséquence de quoi, les parlementaires pourront être poursuivis et condamnés pour ne pas avoir respecté les injonctions de la Haute autorité.

Si le respect d'une injonction semble être une exigence précise, il convient de se demander quelles sont ces injonctions. En d'autres termes, les parlementaires pourront être poursuivis et condamnés car les informations et les explications qu'ils auront transmises à la Haute autorité auront été jugées insatisfaisantes par cette-dernière. Les parlementaires seront donc soumis à un choix arbitraire de la part de la Haute autorité.

Aussi les parlementaires pourront être punis pour ne pas avoir suffisamment éclairé la Haute autorité sur l'évolution de leur patrimoine, alors même qu'ils ne sont pas en mesure de savoir à l'avance si les explications qu'ils vont fournir seront satisfaisantes aux yeux de la Haute autorité.

C'est pourquoi nous estimons que cette loi entrave le principe cité précédemment.

Enfin, cette loi inverse, selon nous, la charge de la preuve. Le principe constitutionnel de respect de la charge de la preuve se fonde sur l'article 9 de la Déclaration de 1789 qui dispose que : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

Ce principe trouva notamment à s'appliquer dans la décision du 16 juin 1999. Dans cette décision, votre Conseil a estimé « qu'en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ».

Or, au IV de l'article 1er, il est précisé à propos des prérogatives de la Haute autorité de la transparence de la vie publique que : « Dans tous les cas où elle a relevé, après que le député a été mis en mesure de produire ses observations, un manquement à l'une des obligations prévues aux articles L.O. 135-1 et L.O. 135-4 ou des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications suffisantes, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet ».

Avec cette disposition, le législateur admet que c'est au parlementaire de fournir les explications suffisantes qui justifieront une évolution de son patrimoine, et non à la Haute autorité de prouver que l'évolution du patrimoine du parlementaire est injustifiée. Il s'agit dont clairement d'une inversion de la charge de la preuve.

Or, puisque cette inversion de la charge de la preuve ne saurait être justifiée, au regard des critères que votre Conseil a eu l'occasion de rappeler, il convient de déclarer contraire à la Constitution cette loi organique.

Pour tous ces motifs, Monsieur le Président, mesdames et messieurs les Conseillers, mes collègues et moi-même attirons votre attention sur cette loi organique qui entrave un certain nombre de principes constitutionnels.

Monsieur le Président,

Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique relative à la transparence de la vie publique.

Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de• ma haute considération.

Pour le Premier ministre,

et par délégation,

Le Secrétaire général du Gouvernement,


Références :

DC du 09 octobre 2013 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 09 octobre 2013 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : LOI organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2013-675 DC du 09 octobre 2013
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2013:2013.675.DC
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