La loi de finances pour 2001, adoptée le 20 décembre 2000, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante sénateurs. Les requérants adressent à la loi plusieurs séries de critiques qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur l'article d'équilibre
A. - L'article 46 de la loi déférée est « l'article d'équilibre » qui clôt la première partie de la loi de finances par l'évaluation des ressources du budget, la fixation des plafonds de charges et la détermination de l'équilibre général qui en résulte.
Pour critiquer cet article, les auteurs de la saisine invoquent deux griefs.
En premier lieu, cet article contreviendrait à l'article 31 de l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en ce qu'il ne comporte pas d'évaluation du montant des ressources d'emprunt et de trésorerie.
En second lieu, l'article d'équilibre serait contraire aux principes de sincérité et d'universalité. Trois points sont mentionnés à ce titre : l'affectation de ressources fiscales au fonds de financement de la réforme de cotisations patronales de sécurité sociale et l'absence d'évaluation des dépenses de ce fonds, l'évaluation des recettes du compte d'affectation spéciale no 902-24 et la non-prise en compte de « plusieurs crédits extrabudgétaires des ministères ».
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
1. S'agissant de l'évaluation des ressources d'emprunt et de trésorerie, deux observations peuvent être faites.
En premier lieu, si la mention de cette évaluation figure effectivement à l'article 31 de l'ordonnance de 1959, elle ne paraît pas être de même nature que les autres éléments de contenu de la première partie de la loi de finances que définit cet article.
En effet, dans la logique même de l'ordonnance organique de 1959, qui précise par ses articles 1er, 3, 6 et 15 les notions de ressources et de charges de l'Etat - par opposition aux opérations de trésorerie qui n'ont pas à être prises en compte par le budget - les ressources d'emprunt et de trésorerie n'entrent pas dans « les voies et moyens » qui assurent l'équilibre financier retracé par la loi de finances. Le montant de ces ressources est au demeurant déterminé par un ensemble de facteurs qui ne résultent pas uniquement du solde à financer des opérations budgétaires.
Ceci explique que, depuis l'origine, cette mention de l'article 31 ait été implicitement mais constamment interprétée comme signifiant qu'une information du Parlement était requise sur ce point, mais non un vote sur une disposition figurant dans le projet.
Or, en second lieu, il ressort clairement de divers documents que le Parlement a été informé de manière aussi rapide et précise que possible du programme des opérations d'emprunt pour l'année 2001.
On se bornera à citer, à cet égard, le rapport spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale présenté par M. Carcenac, dont les pages 32 et suivantes comportent des indications détaillées, précédées de l'appréciation suivante :
« Votre rapporteur spécial se réjouit que, comme les années précédentes, puisse être publié dans le présent rapport un tableau de financement du Trésor portant à la fois sur les résultats définitifs de l'année écoulée, sur les prévisions initiales de l'année en cours et, surtout, sur le financement prévisionnel de l'année à venir. C'est, en effet, en fonction de sa configuration que sont bâties certaines des hypothèses relatives à la détermination de la charge de la dette en 2001.
« Pour autant, le tableau de financement du Trésor pour 2001 qui est présenté en page 35 ne saurait préjuger ni des besoins qui seront effectivement constatés durant l'exécution des lois de finances en 2001 ni des modalités de couverture de ces besoins. Celles-ci seront arrêtées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à la fin de l'année 2000 ou au tout début de l'année 2001. »
2. S'agissant du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), les questions soulevées par les requérants ont été, pour l'essentiel, déjà évoquées et tranchées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment, à propos précisément du FOREC, dans ses décisions relatives à la loi de finances pour 2000 (no 99-424 DC du 29 décembre 1999) et à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (no 99-422 DC du 21 décembre 1999). On se bornera donc à rappeler :
- qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit d'affecter un impôt à un établissement public, qu'il s'agisse d'un impôt nouveau ou d'un impôt précédemment affecté à l'Etat (voir notamment no 82-132 DC du 16 janvier 1982, no 82-152 DC du 14 janvier 1983, no 98-403 DC du 29 juillet 1998) ;
- qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution et des dispositions de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, les lois de finances ont pour objet de déterminer les ressources et les charges de l'Etat, mais non celles des établissements publics, qui sont des personnes publiques dotées de l'autonomie financière. Dès lors que les dépenses en cause ne constituent pas des dépenses permanentes incombant par nature à l'Etat et ont pu légitimement être mises à la charge du FOREC, il n'appartient plus à la loi de finances d'en connaître, contrairement à ce que soutiennent les requérants ; sur ce point, la décision, déjà citée, du 29 décembre 1999 est parfaitement explicite.
Au demeurant, la mesure en cause, qui résulte de l'article 29 de la loi déférée, accroît les ressources fiscales affectées au FOREC sans changer la nature des interventions de celui-ci ni de son financement : il s'agit en fait de combler une insuffisance qui résulte de la montée en charge du coût des allégements de cotisations sociales, en complétant le dispositif initialement prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
3. L'évaluation des ressources du compte d'affectation spéciale no 902-24, qui enregistre les produits de cession de titres, parts et droits de sociétés, a déjà été mise en cause à plusieurs reprises dans le cadre de recours contre les lois de finances, notamment celle de 1995 (no 94-351 DC du 29 décembre 1994) et celle de 1999 (no 98-405 DC du 29 décembre 1998).
Dans ces décisions, le Conseil constitutionnel a écarté des critiques tirées du caractère « irréaliste » des recettes attendues des opérations de cession de participations publiques, en soulignant que ces recettes, comme l'ensemble des ressources de l'Etat retracées dans la loi de finances, « présentent un caractère prévisionnel et doivent tenir compte des effets économiques et financiers de la politique que le Gouvernement entend mener », ainsi que de « la liste des entreprises dont la privatisation a été autorisée par la loi du 19 juillet 1993 ».
Les évaluations de recettes et de dépenses du compte no 902-24 pour 2001 répondent à cette définition. Elles correspondent globalement aux opérations prévues par le Gouvernement dans le cadre de la politique qu'il entend mener en matière d'évolution du secteur public, sachant que, bien évidemment, de telles opérations sont par nature marquées d'un fort aléa, notamment lorsqu'elles doivent être réalisées en bourse.
4. S'agissant, enfin, des « crédits extrabudgétaires » mentionnés par la saisine, on observera que cette critique n'est assortie d'aucune précision ou explication qui permettrait d'en apprécier la portée.
En tout état de cause, on peut souligner qu'un effort très important de régularisation a été entrepris dans la période récente, notamment pour faire suite à des observations du Parlement et de la Cour des comptes, de façon à réintégrer dans la comptabilité budgétaire l'ensemble des recettes et dépenses qui en relèvent. Ainsi, l'exercice 2001 sera marqué par la « rebudgétisation » des fonds extrabudgétaires correspondant à l'activité bancaire et d'épargne du Trésor public ; cette mesure, significative par les montants en cause (plus d'un milliard de francs), traduit l'engagement pris par le Gouvernement, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité de la loi de finances pour 1999, de parachever en 2001 le processus.
II. - Sur l'article 3
A. - L'article 3 de la loi de finances pour 2001 a pour objet de réserver le bénéfice de l'abattement sur certains revenus de capitaux mobiliers, prévu au 3 de l'article 158 du code général des impôts, aux foyers fiscaux dont le taux marginal d'imposition est inférieur au taux de la tranche la plus élevée du barème de l'impôt sur le revenu.
Ce montant est doublé pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune, ou, comme l'implique l'article 7 du code général des impôts, pour ceux qui ont conclu un pacte civil de solidarité.
Selon les requérants, le fait de supprimer l'abattement pour les contribuables ainsi visés, bénéficiaires de revenus élevés, est contraire au principe d'égalité devant l'impôt, dès lors que la mesure est, selon eux, sans rapport avec la fiscalité de cet abattement. A leurs yeux, l'imposition dans la tranche supérieure du barème dépend de facteurs qui ne reflètent pas nécessairement la richesse du contribuable.
B. - Cette argumentation ne peut être accueillie, dès lors qu'en adoptant cette disposition, le législateur a précisément pris en compte les capacités contributives des contribuables.
En effet, l'objectif de l'abattement prévu par le 3 de l'article 158 du code général des impôts est de promouvoir l'épargne populaire. Il est cohérent avec cet objectif de réserver cet avantage aux personnes ne disposant pas de revenus élevés. On rappellera, à cet égard, que des mesures analogues existent, d'ores et déjà, en matière d'impôt sur le revenu : tel est notamment le cas du plafonnement du quotient familial prévu au 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, dont la modification a récemment été jugée conforme à la Constitution (no 98-405 DC du 29 décembre 1998).
Contrairement à ce qui est soutenu, le critère retenu n'a rien d'arbitraire dans la mesure où, s'il peut arriver que des personnes disposant de revenus élevés ne soient pas imposées au taux de la tranche la plus élevée - compte tenu de leurs charges de famille et des effets du quotient familial - il est clair qu'à l'inverse, seuls les contribuables disposant de revenus élevés ont un taux marginal d'imposition correspondant à la tranche supérieure du barème. Le critère ainsi retenu pour mettre sous condition de ressources l'avantage résultant du 3 de l'article 158 prend donc bien en compte l'importance des ressources du contribuable.
III. - Sur l'article 6
A. - L'article 6 de la loi de finances pour 2001 étend le champ des exonérations de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur (vignette) prévu à l'article 1599 F du code général des impôts.
Désormais, les personnes physiques propriétaires, ou locataires sous certaines conditions, de voitures particulières, de véhicules carrossés en caravanes ou spécialement aménagés pour le transport des handicapés et d'autres véhicules dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est inférieur à 2 tonnes sont exonérées de la vignette.
La loi organise également les conditions de la compensation des pertes de recettes qui en résultent pour les départements et la collectivité de Corse.
Le recours des sénateurs fait grief à cet article d'introduire une discrimination injustifiée entre les personnes physiques et les personnes morales. Selon les parlementaires requérants, la rétroactivité de la mesure également contestable, l'absence de perception des sommes dues depuis le 1er décembre 2000 constituant une infraction pour les comptables publics. Est enfin invoquée une atteinte excessive à la libre administration des collectivités territoriales concernées.
B. - Pour sa part, le Gouvernement estime que cette disposition est conforme à la Constitution.
1. En premier lieu, le régime d'exonération de la vignette automobile retenu par le législateur ne remet pas en cause le principe d'égalité devant l'impôt.
En distinguant les redevables de la vignette selon qu'ils sont des personnes physiques ou des personnes morales, le législateur a recouru à un critère objectif et rationnel qui délimite des catégories homogènes, à l'intérieur desquelles les contribuables sont tous placés dans la même situation au regard de cette imposition. De ce point de vue, le fait que des entreprises ayant la même activité peuvent ne pas bénéficier de cette mesure selon leur statut juridique ne constitue pas une atteinte au principe d'égalité.
Ce principe ne saurait, en effet, être entendu comme imposant d'aligner le régime fiscal des sociétés sur celui des entreprises individuelles, c'est-à-dire des personnes physiques. Les unes et les autres sont actuellement régies par des règles différentes et adaptées à leurs situations, tant en matière d'assiette, de taux que de modalités de recouvrement. Le Conseil constitutionnel a déjà reconnu la légitimité de telles différences : dans sa décision no 98-406 DC du 29 décembre 1998, il a notamment admis, à propos du paiement de la contribution représentative du droit de bail, une différence de traitement entre personnes physiques et sociétés qui tient à l'application de modalités de liquidation et à des règles de recouvrement différentes pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés.
On soulignera d'ailleurs que les bénéfices des sociétés sont soumis à l'impôt suivant un taux proportionnel, alors que l'imposition de ceux que réalisent les personnes physiques est caractérisée par la progressivité. Par ailleurs les sociétés acquittent certaines impositions que ne supportent pas les entreprises individuelles.
Dans le cas, cité par la saisine, d'un artisan qui, selon le cas, exerce son activité directement sous forme individuelle ou bien sous la forme d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), il appartient à l'intéressé - comme c'est déjà le cas - de choisir entre ces deux formes d'exploitation en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques de chacun des régimes. On rappellera que l'EURL est une société à responsabilité limitée, régie par l'article L. 223-1 du code de commerce, issu de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1985.
L'EURL est donc bien une personne morale, quand bien même l'associé est unique, et ce dernier n'a alors pas le statut d'artisan ou de commerçant. Par suite du choix qu'il a fait, il se place dans la même situation que les actionnaires de sociétés de capitaux. Il a d'ailleurs la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés en application du 4o de l'article 8 du code général des impôts.
Enfin, il convient de relever que la forme juridique de l'entreprise a une incidence directe sur les conditions de détention des véhicules : les entrepreneurs individuels sont propriétaires de leur véhicule, même si celui-ci est affecté totalement ou en partie à l'activité de l'entreprise, alors que les actionnaires ou dirigeants d'une personne morale ne disposent que d'un droit de créance ou d'emploi des véhicules de la société ou de l'organisme. La situation des entrepreneurs individuels est donc proche de celle des particuliers.
2. En deuxième lieu, la loi ne porte aucune atteinte à la libre administration des collectivités locales.
En vertu de l'article 34 de la Constitution, il revient au législateur de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, et donc de créer, de modifier ou de supprimer des impôts. Cette compétence s'exerce quelle que soit la collectivité publique affectataire de l'impôt sous réserve de la possibilité, admise par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que, dans un cadre et dans des limites définies par la loi, une marge de manoeuvre soit laissée, notamment en matière de fixation des taux, à l'appréciation du pouvoir réglementaire ou des organes délibérants des collectivités affectataires de l'impôt.
S'agissant des collectivités locales, la nécessité d'un tel cadre se traduit, en particulier, par les dispositions législatives qui plafonnent les taux des impôts locaux, ainsi que par celles qui établissent un lien entre ceux qui pèsent sur les ménages et ceux qui frappent les entreprises.
Il appartient également au législateur, compétent en vertu de l'article 34 pour déterminer les principes fondamentaux de la « libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources », de faire en sorte que ces collectivités puissent disposer, d'une part, des ressources leur permettant de remplir de manière effective les attributions qui leur sont confiées, d'autre part, de la liberté d'emploi de ces ressources.
Il résulte de la jurisprudence, et en dernier lieu des décisions no 98-405 DC du 29 décembre 1998 et no 2000-432 DC du 12 juillet 2000, que les règles ainsi posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de diminuer les ressources des collectivités territoriales ou de réduire la part des recettes fiscales dans ces ressources au point d'entraver leur libre administration. En déclarant conforme à ces exigences la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle par la loi de finances pour 1999 ainsi que celle de la part régionale de la taxe d'habitation par la première loi de finances rectificative pour 2000, le Conseil a admis le principe d'une réduction des ressources fiscales des collectivités locales, dès lors que les modalités de compensation de celles-ci sont jugées satisfaisantes.
L'article 6 de la loi déférée ne méconnaît pas ces exigences.
On soulignera à cet égard, en premier lieu, que, après l'extension du champ d'exonération de la vignette, les recettes fiscales des départements resteront substantielles, puisqu'elles représenteront encore 43 % de leurs recettes totales hors emprunt, en prenant en compte la réforme de la taxe professionnelle et des droits de mutation à titre onéreux. Avec une telle proportion de recettes fiscales propres, les départements disposeront encore d'une marge de manoeuvre fiscale suffisante au regard de la jurisprudence précitée, qui paraît fondée sur le souci de permettre aux collectivités locales de mobiliser des ressources propres pour faire face, le cas échéant, à des dépenses imprévues pesant notamment sur les services publics dont elles ont la charge. Les dispositions envisagées n'auront donc pas pour effet de réduire la part des recettes fiscales dans leurs ressources globales au point d'entraver leur libre administration.
En second lieu, il convient de souligner que le mode de compensation, par l'Etat, de la perte de recettes subie par les départements et la collectivité de Corse du fait de la suppression de la vignette leur garantit un niveau de ressources qui ne les pénalise en rien et qui est, de surcroît, prévisible.
La méthode de calcul retenue tient compte des modalités particulières de gestion de la vignette et des décalages dans le temps entre l'encaissement de son produit et le versement des avances aux départements.
En effet, les départements perçoivent pour l'essentiel au titre d'une année (2000 par exemple) le produit du millésime de l'année suivante (2001 dans l'exemple retenu) : 90 % du produit d'un millésime est ainsi collecté au cours de la campagne d'octobre-novembre.
La compensation est calculée sur la base du produit qu'auraient dû percevoir les départements en 2000 si la vignette 2001 n'avait pas été supprimée. Il sera déduit de ce montant global théorique le produit de la vignette qui sera acquittée par les personnes morales et physiques qui restent assujetties et qui sera effectivement encaissé au titre de la vignette 2001.
Les départements percevront une compensation intégrale par une attribution de dotation générale de décentralisation qui sera indexée dès 2001 en fonction du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Ce mode d'indexation, déjà utilisé pour plusieurs compensations, n'est pas inéquitable. Il permettra d'assurer aux collectivités locales une progression régulière de la compensation. Ce mode de compensation a été jugé suffisant par le Conseil constitutionnel dans ses décisions, déjà citées, de 1998 et 2000.
Il s'agit d'ailleurs d'un mécanisme particulièrement avantageux, dans la mesure où la DGF évolue chaque année comme l'indice des prix à la consommation, majoré de la moitié de la progression du produit intérieur brut.
Par ailleurs, l'évolution moyenne, au cours des dix dernières années, de la DGF a été supérieure à celle du produit de la vignette (+ 2,8 % contre + 2,07 % par an en moyenne). Encore faut-il relever que les augmentations constatées du produit de la vignette en 1994 (+ 4,73 %) et 1996 (+ 4,19 %) résultent de l'application de mesures conjoncturelles en faveur du renouvellement du parc de véhicules.
Ainsi la compensation prévue permettra-t-elle de garantir aux départements un niveau de recettes au moins équivalent.
3. Enfin, on saisit mal en quoi la rétroactivité dont font état les auteurs de la saisine pourrait se heurter à des obstacles constitutionnels : en tout état de cause, nul ne sera rétroactivement assujetti à la vignette et les comptables publics qui n'ont pas encaissé un impôt dont la loi décide qu'il n'était pas dû ne commettent évidemment aucune infraction.
IV. - Sur l'article 36
A. - L'introduction en France métropolitaine des systèmes de radiocommunications mobiles de troisième génération a fait l'objet de deux avis du secrétariat d'Etat à l'industrie publiés le 18 août 2000, prévoyant l'attribution de quatre licences au terme d'une procédure de soumission comparative. L'attribution de ces licences et des fréquences correspondantes doit donner lieu au paiement de redevances domaniales par les opérateurs retenus, dont le montant cumulé global a été annoncé à 32,5 milliards de francs par exploitant.
L'article 36 de la loi de finances pour 2001 détermine, sur la durée de validité des autorisations, le calendrier du paiement de ces redevances, dues par les titulaires d'autorisation au titre de l'utilisation des fréquences allouées, conformément aux dispositions des avis précités. Ainsi, le règlement de ces redevances s'effectuera à hauteur de 25 % de leur montant global pour chacune des années 2001 et 2002, le solde étant réparti en quatorze versements annuels d'un montant identique, pour les années 2003 à 2016.
L'article crée également un compte d'affectation spéciale dont les recettes sont constituées par les redevances d'utilisation des fréquences allouées aux titulaires des autorisations d'établissement et d'exploitation des réseaux mobiles de troisième génération, et dont les dépenses sont constituées par les versements au fonds de réserve pour les retraites et à la caisse d'amortissement de la dette publique. Il est ainsi prévu d'affecter, en 2001 et en 2002, 14 milliards de francs à la caisse d'amortissement de la dette publique, le solde du produit, soit 18,5 milliards de francs en 2001 et 2002, puis 4,6 milliards pour chacune des années 2003 à 2016, étant affecté au fonds de réserve pour les retraites, portant ainsi le montant cumulé des versements à 102 milliards de francs.
Enfin, l'article met à jour l'ensemble des ressources dont peut bénéficier la caisse d'amortissement de la dette publique, compte tenu de la création de ce nouveau compte d'affectation spéciale.
Pour contester ces dispositions, les sénateurs requérants font valoir que les redevances d'occupation du domaine public auraient en réalité le caractère d'impositions de toutes natures, dans la mesure où le montant des redevances serait sans rapport avec les avantages retirés par les occupants du domaine public. Ils estiment que l'affectation de ces redevances au désendettement de l'Etat et au financement des retraites confirmerait le caractère d'imposition des versements en cause et établirait une rupture d'égalité devant les charges publiques. En outre, le dispositif contesté n'assurerait pas la défense de l'intérêt public.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1. Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, les redevances en cause n'ont nullement le caractère d'impositions.
En effet, la qualification des contributions versées par les opérateurs en tant que redevances domaniales - catégorie de recettes prévue par les articles 3 et 5 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 - n'est pas contestable. Leur paiement a pour contrepartie l'octroi de licences d'établissement et d'exploitation des réseaux de télécommunications de troisième génération. Il s'agit d'autorisations délivrées au titre de l'article L. 33-1 du code des postes et de télécommunications qui sont assorties de l'attribution de blocs de fréquences radioélectriques, ce qui constitue une forme d'occupation du domaine public de l'Etat, comme le précise l'article 22 de la loi du 30 septembre 1986. En conséquence, les redevances exigées des titulaires de ces autorisations constituent des redevances d'occupation du domaine public, dont le montant a vocation à être fixé par la voie réglementaire.
a) Il convient à cet égard de souligner que l'article 36 ne fixe pas le montant des redevances d'occupation du domaine mais seulement le calendrier et rythme de leur versement ; la détermination du montant des redevances relève en effet des cahiers des charges techniques, actes réglementaires annexés aux autorisations individuelles des opérateurs.
En réalité, l'intervention du législateur sur ce point ne se justifie que par la nécessité de déroger à l'article L. 31 du code du domaine de l'Etat qui permet déjà d'exiger un paiement par anticipation des redevances domaniales pour toute la durée de l'autorisation, si cette durée n'excède pas cinq ans. Pour le surplus, la fixation du montant des redevances en cause par l'avis du secrétariat d'Etat à l'industrie du 18 août 2000 obéit au principe constant, rappelé par l'article R. 56 du code du domaine de l'Etat, suivant lequel ce montant doit tenir compte des avantages de toute nature procurés à l'occupant du domaine.
Cette règle ne fait pas obstacle à ce que l'autorisation accordée ait comme contrepartie une redevance déterminée de façon forfaitaire pour l'ensemble de la période couverte par l'autorisation. Elle ne fait pas non plus obstacle à ce que les paiements soient échelonnés de manière non strictement proportionnelle à la durée d'utilisation effective du domaine. Ainsi, un rythme correspondant à une somme de paiements dont la valeur actualisée est égale au montant global actualisé d'une redevance annuelle, paraît pouvoir être retenu.
Au cas d'espèce, l'actualisation qui résulte du rythme de paiement envisagé est effectivement prise en compte dans la fixation du montant des redevances contenue dans l'avis du 18 août 2000, qui annonce à la fois un rythme de paiement et le montant cumulé global des redevances.
De plus, la délivrance de l'autorisation crée, dès le moment où elle est octroyée, un droit pour le titulaire de se voir attribuer l'ensemble des fréquences nécessaires à son activité. Même si leur attribution est progressive sur la durée de validité de l'autorisation, l'octroi de l'autorisation crée un droit exclusif de réservation des fréquences au bénéfice du titulaire. Cela lui confère un avantage valorisable indiscutable, constitué notamment, dans l'immédiat, par des possibilités accrues de recours à des financements externes. Cet avantage peut légitimement être pris en compte dans le rythme de paiement des redevances, en particulier au moment de la délivrance des autorisations des premiers blocs de fréquences, sans qu'il en résulte un changement de la nature des redevances versées.
Cette logique est déjà celle de l'article L. 31 du code du domaine de l'Etat, à ceci près que l'anticipation proposée par l'article 36 de la loi de finances concerne des autorisations dont la durée est supérieure à cinq ans.
Au demeurant, dans le cas où le titulaire connaîtrait des difficultés financières susceptibles de mettre en cause la poursuite de son exploitation du domaine public hertzien - laquelle est la contrepartie du prix payé - cette exploitation pourrait être poursuivie par une autre entreprise, qui en prendrait le contrôle et assurerait ainsi la valorisation de la licence acquise, en payant un prix d'acquisition dont on doit raisonnablement considérer qu'il prendrait en compte les redevances déjà payées par l'exploitant initial, représentatives de la valeur économique de la détention d'une licence.
Ainsi, il ne paraît pas possible de considérer que le rythme de versement des redevances domaniales pourrait aboutir à une déconnexion entre le prix payé et l'avantage obtenu.
b) Quant au fait que le montant des redevances serait sans rapport avec les avantages retirés par les occupants du domaine public, la comparaison avec le montant des redevances perçues par d'autres Etats montre que le moyen manque en fait.
L'attribution des licences de téléphonie mobile de troisième génération s'est appuyée sur des procédures différentes selon les pays européens. En Angleterre, une procédure d'enchères a été retenue, et s'est conclue par l'attribution de cinq licences, pour un montant total de 245 milliards de francs. En Allemagne, la même procédure a été retenue, qui a abouti à l'attribution de six licences pour un montant total de 330 milliards de francs. L'Etat italien a eu recours à une procédure mixte, combinant soumission comparative et enchères, qui s'est terminée par la délivrance de cinq autorisations pour un montant total de 80 milliards de francs. L'Autriche a retenu les enchères, mais a obtenu des revenus relativement plus faibles de 5,5 milliards de francs. Enfin, certains pays ont attribué les licences sur la base d'une soumission comparative en exigeant des sommes relativement faibles, comme l'Espagne ou le Portugal, d'autres décidant d'attribuer les licences gratuitement comme la Finlande ou la Suède.
La France, avec une procédure de soumission comparative et un revenu total de 130 milliards de francs, se situe dans une position intermédiaire entre les Etats européens qui ont organisé des enchères et ont obtenu les recettes les plus élevés, et les autres Etats qui ont choisi des procédures diverses, avec des recettes sensiblement inférieures.
En tout état de cause, la comparaison du résultat des procédures d'attribution en Europe démontre que les montants et les modalités retenus par le Gouvernement français sont cohérents avec les résultats des pays les plus comparables.
2. L'affectation de ces redevances au désendettement de l'Etat et au financement des retraites ne crée aucune rupture d'égalité devant les charges publiques.
Le choix, fait par le Gouvernement, d'utiliser le produit des redevances UMTS aux fins de contribuer au financement des régimes de retraite ne saurait être interprété comme prouvant, comme le prétendent les requérants, l'absence de lien direct entre la détermination du montant de la redevance et le service rendu aux occupants du domaine public.
En effet, le fait qu'une recette soit affectée, par le moyen d'un compte d'affectation spéciale, à une dépense déterminée, ne saurait en aucun cas déterminer la nature de la recette elle-même, et ce d'autant plus que le montant de la recette qui fait l'objet de l'affectation prévue à l'article 36 a été déterminé en fonction de l'avantage retiré par les occupants du domaine public, et non en fonction d'un montant de dépenses fixé a priori. Au contraire, c'est le montant de la recette affectée qui permet de déterminer le montant inscrit en dépenses du compte d'affectation spéciale créé.
3. Quant au fait que l'intérêt public ne serait pas défendu de façon assurée, on saisit mal la portée du moyen sur le plan constitutionnel.
En tout état de cause, il apparaît clairement que l'intérêt public n'est pas mis en cause par l'article 36 de la loi déférée : dans le cas où le titulaire de l'autorisation n'honorerait pas le paiement des redevances domaniales dues au titre de l'utilisation des fréquences radioélectriques qui lui sont allouées, ou dans le cas où il ne développerait pas les services de téléphonie mobile à un rythme suffisant, il serait alors possible de lui appliquer les dispositions prévues par le code des postes et télécommunications.
En effet, en vertu de l'article L. 33-1, l'autorisation est soumise à l'application des règles contenues dans le cahier des charges qui lui est annexé. Parmi les dispositions applicables, figurent notamment des obligations de qualité de service et de couverture de la population, ainsi que le paiement des redevances domaniales. L'Autorité de régulation des télécommunications peut ainsi être amenée, en cas d'inobservation de ces règles, à la suspension, la réduction de durée ou le retrait total ou partiel de l'autorisation, en fonction de la gravité du manquement.
V. - Sur l'article 71
A. - L'article 71 de la loi déférée ouvre aux communes la possibilité d'instituer une taxe dont le régime est défini par les nouveaux articles L. 2333-87 à L. 2333-90 insérés dans le code général des collectivités territoriales.
Cette taxe est due par toute personne qui exerce une activité commerciale non salariée à durée saisonnière sur le territoire d'une commune, sans y disposer d'un local professionnel stable au 1er janvier d'une année considérée. Il s'agit ainsi de pouvoir assujettir à un impôt local les personnes qui exercent une activité professionnelle indépendante à durée saisonnière et qui, compte tenu du principe de l'annualité tel qu'il est défini au I de l'article 1478 du code général des impôts, échappent à la taxe professionnelle.
L'instauration de la taxe est subordonnée à une délibération du conseil municipal.
Pour contester cet article, les auteurs du recours soutiennent que la prise en considération de la superficie d'un local ou d'un véhicule ne permet pas, faute de rapport avec le volume d'activité réalisé, de tenir compte des facultés contributives des contribuables.
B. - Pour sa part, le Gouvernement estime que ces dispositions répondent aux exigences constitutionnelles.
On rappellera d'abord qu'en adoptant ce dispositif, le législateur a entendu instaurer, au regard des impôts locaux, une égalité de traitement entre les contribuables qui exercent des activités commerciales saisonnières et ceux qui exploitent de façon traditionnelle un commerce. En effet, le défaut d'assujettissement à une quelconque taxation locale des contribuables qui exercent des activités saisonnières induit des distorsions de concurrence entre commerçants, puisque les uns contribuent aux charges publiques, tandis que les autres échappent à toute contribution, alors qu'ils bénéficient des services et structures de la collectivité d'accueil de leur activité.
La taxe instituée par l'article 71 corrige donc une situation inéquitable et poursuit ainsi une finalité conforme au principe défini à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme.
Il convient ensuite de noter que, pour l'établissement de la taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière, le législateur a tenu à prendre en compte les décisions précédentes du Conseil constitutionnel sur le même sujet. En particulier, l'article L. 2333-87 du CGCT définit la territorialité et le redevable de l'impôt qui est soit l'exploitant de l'emplacement, soit l'exploitant du véhicule où s'exerce l'activité, les redevables de la taxe professionnelle dans la commune étant exonérés de la nouvelle taxe, tandis que l'article L. 2333-89 assoit l'impôt sur la surface du local ou de l'emplacement ou sur le double de la surface du véhicule en cas d'utilisation exclusive, en tenant compte de la durée d'exploitation, puisqu'il est précisé que la taxe est due par jour d'activité.
S'il est exact que le montant de l'impôt ne sera fixé qu'en fonction de la superficie exploitée, sans tenir compte du chiffre d'affaires réalisé, cette modalité d'assiette est propre aux impôts locaux, notamment à la taxe d'habitation, aux taxes foncières, à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, à la taxe locale d'équipement ou encore à la taxe de séjour ainsi que, dans une certaine mesure, à la taxe professionnelle. Ces impôts réels sont établis, sous réserve du plafonnement de la valeur ajoutée pour la taxe professionnelle, sans tenir compte des ressources des redevables.
S'agissant de la présente taxe, il ne peut en être autrement car il n'appartiendrait pas aux autorités administratives locales de procéder à des contrôles ou à des redressements portant sur le chiffre d'affaires des entreprises concernées. Pour des impôts locaux comme celui-ci, il est donc inévitable de se fonder sur des éléments indiciaires. Une telle assiette permet de prendre en compte l'importance des éléments d'exploitation et repose ainsi sur des critères objectifs et rationnels.
VI. - Sur l'article 85
A. - L'article 85 de la loi déférée a pour objet de faire bénéficier du régime de protection sociale des salariés des professions agricoles les professionnels non titulaires de l'établissement « Domaine de Pompadour » dont les contrats ont été transférés à l'établissement public « Les Haras nationaux ».
Les auteurs de la saisine considèrent qu'une telle mesure n'a pas sa place dans une loi de finances.
B. - En réponse à cette critique, les précisions suivantes peuvent être apportées :
Le transfert des contrats des personnels non titulaires de l'établissement « Domaine de Pompadour » concerne 150 agents ayant, pour un grand nombre de cas, une ancienneté importante au sein de leur établissement. Ils ont acquis des droits au titre de l'assurance vieillesse dans le régime des salariés agricoles gérés par la Mutualité sociale agricole.
Le transfert de leur contrat vers un établissement public à caractère administratif entraîne normalement leur affiliation au régime complémentaire de retraite des agents non titulaires de l'Etat « IRCANTEC », auquel l'Etat doit contribuer pour la part patronale des cotisations due au régime de retraite.
Les dispositions de cet article ont pour but de donner une assise légale au maintien dans le régime des salariés agricoles des agents transférés, alors même qu'ils devraient relever du régime des agents non titulaires de l'Etat ; cette confirmation du statut dérogatoire de ces agents est au surplus requise pour assurer la décharge de responsabilité des comptables publics lors du versement des cotisations patronales.
Elles ont un effet sur les charges de l'Etat, dans la mesure où les cotisations de l'Etat employeur sont moindres, à salaire égal, dans le régime complémentaire IRCANTEC que celles qu'il supportera dans le régime des salariés agricoles ; l'écart de charge pour l'Etat est ainsi de près de 25 %, compte tenu du mécanisme de tranches de revenus (tranche A et B) en vigueur dans le régime complémentaire des agents de l'Etat.
La perte de cotisations patronales pour le régime des non-titulaires de l'Etat (et symétriquement le gain pour l'Etat) peut être estimée à 7,5 MF par an pour l'ensemble des agents dont l'affiliation à la Mutualité sociale agricole sera maintenue.
VII. - Sur l'article 89
A. - L'article 89 de la loi de finances pour 2001 a pour objet d'exonérer de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), qui est affectée à la Caisse de remboursement de la dette sociale (CADES), certaines allocations, indemnités et pensions.
Les sénateurs, auteurs de la saisine, souhaitent que le Conseil constitutionnel se prononce sur deux questions :
- le régime de la CRDS et celui de la CADES doivent-ils figurer en loi de finances ?
- peut-on y faire figurer une disposition identique à celle adoptée par le Parlement dans le cadre de l'examen d'un autre projet de loi, en l'espèce, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ?
Dans un mémoire complémentaire, les saisissants critiquent la mesure sur le fond en arguant de son incompatibilité avec les caractéristiques de la CRDS et de la CADES.
B. - Pour sa part, le Gouvernement estime que les « questions » ainsi posées ne soulèvent pas de difficultés.
1. En premier lieu, la CRDS est, comme la contribution sociale généralisée (CSG), une imposition et l'article litigieux en modifie l'assiette. Il résulte des termes mêmes de l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 que cet article peut donc figurer en loi de finances. Le fait que cette imposition soit affectée à un établissement public, la CADES, est à cet égard indifférent, comme le juge notamment la décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990.
Et c'est à tort que les requérants invoquent l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale : le Conseil constitutionnel vient précisément de juger, par sa décision no 2000-437 DC du 19 décembre 2000, que la disposition en cause n'a pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale.
2. En second lieu, on voit mal quelle règle constitutionnelle pourrait s'opposer à ce qu'une même disposition soit présentée et votée dans deux projets de lois distincts. Au demeurant, saisi dans un cas de figure analogue, le Conseil constitutionnel a jugé que « la circonstance qu'une proposition de loi ait contenu une disposition similaire à celle d'un projet de loi de finances rectificative antérieurement déposé ne saurait faire obstacle au droit d'initiative des lois reconnu aux membres du Parlement par l'article 39 de la Constitution » (no 95-365 DC du 27 juillet 1995).
En l'espèce, il s'avère qu'il était justifié, au regard des domaines respectifs des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, d'introduire cette mesure, par voie d'amendement, dans la présente loi de finances, alors qu'elle avait été insérée dans la loi de financement de la sécurité sociale.
3. S'agissant enfin de la critique de fond, elle semble se fonder sur une interprétation erronée de la jurisprudence relative au principe d'égalité en matière fiscale : l'existence ou l'absence d'une compensation, pour la CADES, des pertes de recettes occasionnées par la mesure est sans incidence aucune sur l'appréciation qu'il convient de porter sur sa conformité au principe d'égalité.
En tout état de cause, la contestation manque en fait, car l'article 27 de la loi déférée assure la compensation de cette mesure pour la CADES sous la forme d'une réduction de la somme que cet établissement public verse annuellement à l'Etat.
VIII. - Sur l'article 116
A. - La loi no 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme a créé en son article 6 (article L. 5311-1 du code de la santé publique) un établissement public administratif dénommé Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
L'Agence est responsable de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, tels que, notamment, les médicaments, les produits sanguins labiles, les organes, tissus et cellules, les produits de thérapie cellulaire et génique, les produits thérapeutiques annexes, les dispositifs médicaux les réactifs de laboratoires ou certaines variétés d'aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales ainsi que des produits à finalité cosmétique ou d'hygiène corporelle.
L'article L. 5321-2 du code de la santé publique dispose que les ressources de l'agence sont constituées notamment par des taxes prévues à son bénéfice. L'établissement dispose donc d'un dispositif de taxes et redevances sur le médicament et le réactif de laboratoire, dont était dotée l'Agence du médicament à laquelle elle a succédé.
L'ensemble des missions confiées à l'AFSSAPS doit permettre un renforcement des contrôles par rapport à la situation antérieure, notamment en matière de dispositifs médicaux et de cosmétiques.
L'objet du I de la loi de finances pour 2001 est de créer une taxe sur les demandes d'inscription de nouveaux produits que l'Agence est chargée d'évaluer et de contrôler.
Pour contester cette disposition, les sénateurs requérants qu'elle est entachée d'incompétence négative, en raison d'un renvoi, selon eux excessif, au pouvoir réglementaire.
B. - Ce moyen n'est pas fondé.
On notera tout d'abord que la disposition contestée s'inspire de dispositifs législatifs comparables dans le secteur médico-social (cf., par exemple, l'article L. 5121-16 du code de la santé publique pour les autorisations de mise sur le marché, qui prévoit le versement « d'un droit progressif dont le montant est fixé par décret dans la limite de 150 000 F »).
Dès lors qu'il est ainsi encadré, le renvoi au pouvoir réglementaire ne méconnaît pas l'article 34 de la Constitution, qui n'implique pas que la loi arrête elle-même le taux de chaque impôt. L'essentiel est que la loi fixe les limites à l'intérieur desquelles un établissement public à caractère administratif est habilité à arrêter le taux d'une imposition établie en vue de pourvoir à ses dépenses (no 87-239 DC du 30 décembre 1987). Tel est le cas de l'article 116 qui fixe un plafond de 30 000 F à la taxe dont le montant exact sera, en l'espèce, précisé par décret, et non par l'établissement public bénéficiaire de cette contribution.
S'agissant d'une taxe dont les redevables sont des entreprises, un tel plafond est raisonnable, et ne laisse guère de marge de manoeuvre au décret
Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil Constitutionnel la loi de finances pour 2001, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 20 décembre 2000.
Les sénateurs soussignés demandent au Conseil Constitutionnel de décider notamment que les articles 3, 6, 36, 46, 71, 85, 89 et 116 ne sont pas conformes à la Constitution, notamment pour les motifs développés ci-dessous ainsi que de se saisir de tout autre article dont il lui paraîtrait opportun de soulever d'office la conformité à la Constitution.
Article 3
Cet article a pour objet de supprimer l'abattement annuel sur certains revenus mobiliers lorsque le foyer fiscal est imposé au taux marginal de l'impôt sur le revenu.
Il résulte d'une jurisprudence constante que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général. Dans un cas comme dans l'autre, la différence de traitement qui en résulte doit être en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. De même, est-il toujours de jurisprudence constante que ce principe ne fasse pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux ou sociaux, des mesures d'incitation au développement d'activités économiques et financières. L'essentiel, dans l'un et l'autre cas, est que l'appréciation du législateur se fonde sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés.
De ce point de vue, l'article 3 supprimant l'abattement annuel sur certains revenus mobiliers pour les foyers imposés au taux supérieur de l'impôt sur le revenu qui s'analyse comme la mise sous condition de ressources d'un régime fiscal essentiellement destiné à favoriser le développement de l'épargne, apparaît à la fois comme sans rapport avec la finalité économique de la mesure et comme une source d'arbitraire. L'imposition au taux de la tranche supérieure du barème de l'impôt dépend de facteurs et, en particulier, du nombre de parts de quotient familial, qui ne reflètent pas le revenu global ou la richesse du contribuable, tandis que l'on peut craindre d'importants effets de seuil de nature à entraîner une rupture d'égalité devant les charges publiques : si tant est que l'on puisse justifier le principe d'une telle mise sous condition de ressources, l'imposition au taux marginal du barème de l'impôt n'est pas un critère objectif et rationnel de la capacité contributive et n'a été choisi qu'en raison du contexte politique de la mesure.
Article 6
Cet article exonère de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, les voitures particulières et les véhicules utilitaires de moins de deux tonnes appartenant à des
personnes physiques ainsi qu'à des associations, des syndicats et des congrégations religieuses.
Cet article méconnaît le principe de l'égalité des citoyens devant la loi. En effet, les véhicules appartenant aux artisans et aux commerçants exerçant en nom propre sont exonérés de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, tandis que ceux appartenant aux artisans et aux commerçants exerçant sous le régime de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (E.U.R.L) continuent à être redevables de la taxe.
Or, dès lors que des commerçants ou des artisans sont dans une situation de concurrence, le fait que des coûts supplémentaires soient pris en compte pour certains d'entre eux (en l'occurrence, ceux qui sont établis sous un régime juridique de l'E.U.R.L) dans le prix de revient des produits facturés aux clients constitue, à l'évidence, une rupture de l'égalité devant l'impôt. La différence de traitement entre les particuliers et les entreprises ne se justifie plus, dès lors qu'il s'agit en fait des mêmes activités à but lucratif, mais exercées selon un régime juridique distinct.
Par ailleurs, il convient de remarquer que, compte tenu du calendrier spécifique applicable à la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, cet article emporte un effet rétroactif. En effet, la loi de finances n'est promulguée qu'à la fin de l'année, alors que la période d'imposition de la vignette court du 1er décembre au 30 novembre de l'année suivante. Les redevables de la taxe seront donc, d'un strict point de vue juridique, en infraction avec les dispositions législatives en vigueur en n'acquittant pas la taxe au 1er décembre. En somme, l'absence de campagne de la vignette pour 2001 pour les véhicules dont le présent article propose l'exonération présume du vote de cet article par le Parlement. Au delà, il s'agit d'un problème plus grave : la loi de finances pour 2001 traite ici d'une matière qui relève en partie de l'exercice 2000 puisque la période d'imposition de la vignette s'étend du 1er décembre d'une année au 30 novembre de l'année suivante. L'Etat va donc, en l'absence de texte le prévoyant, s'abstenir de percevoir la vignette, qui constitue une imposition de toute nature. Cette abstention constitue une infraction qui peut conduire des comptables publics devant la Cour de discipline budgétaire et financière.
Enfin, cet article ne respecte pas le principe de libre administration des collectivités territoriales et est contraire à l'article 72 de la Constitution, en ce qu'il réduit l'autonomie fiscale des départements.
Article 36
Cet article a pour objet de créer un compte d'affectation spéciale n° 902-23 intitulé " Fonds de provisionnement des charges de retraites et de désendettement de l'Etat ".
Il est a priori choquant du point de vue démocratique qu'une recette de l'importance de celle des redevances Universal Mobile Telecommunication System (UMTS) puisse être instituée, par voie réglementaire, sans que le Parlement n'ait à en connaître ni l'assiette, ni le montant, ni les modalités de recouvrement.
Le montant des redevances pour occupation privative du domaine public est pourtant bien, selon notre droit, fixé par voie réglementaire, comme le rappelle le Conseil d'Etat dans son avis n° 364-989 du 6 juillet 2000 donné au ministre de l'économie des finances et de l'industrie. Mais s'agit-il réellement d'une redevance ou d'une " imposition de toute nature " dont le législateur, selon l'article 34 de la Constitution, doit " fixer les règles " ?
La décision du Conseil constitutionnel du 23 juin 1982 relative aux agences financières de bassin permet d'établir que des " redevances " qui ne constituent ni la rémunération d'un service rendu, ni une taxe parafiscale, ne peuvent être considérées que comme des impositions de toute nature. Cette décision est capitale, d'une part car elle élargit la notion d'imposition, d'autre part, car elle la clarifie. Elle consacre la disparition des " impositions quasi fiscales ". Ainsi, mises à part les cotisations sociales, un prélèvement obligatoire ne peut plus appartenir qu'à l'une des deux catégories que constituent les " impositions de toute nature d'une part " et les " taxes parafiscales ", d'autre part.
Par ailleurs, lorsqu'il y a rémunération pour service rendu (au sens de l'article 5 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances), on se trouve en présence d'une troisième catégorie, concurrente, de recettes versée à une personne morale de droit public.
Or, la nature juridique du prélèvement versé par les titulaires de licences UMTS est ambiguë et la qualification de redevance pour service rendu contestable.
On peut se demander, tout d'abord, s'il y a occupation privative du domaine public dès lors que la technologie employée conduit à une utilisation simultanée des mêmes fréquences [La technologie dite " CDMA " (code division multiple access) attribue en effet l'ensemble de la bande de fréquences à toutes les conversations téléphoniques qui sont codées et transmises simultanément. Ce n'était pas le cas avec la technologie GSM précédente " TDMA " (time division multiple access)] par les différents utilisateurs.
Si tel n'est pas le cas, la fixation du montant de la redevance relève à un degré beaucoup moindre de l'exercice des prérogatives de puissance publique reconnues à l'administration. On peut montrer que l'on se trouve en présence d'une taxe et non d'une redevance, dès lors que le montant des droits exigés de l'occupant du domaine public est sans aucun rapport avec les avantages qu'en retirent les usagers.
En effet, les redevances pour services rendus doivent trouver leur contrepartie directe dans la prestation constituée par la mise à disposition du domaine au bénéfice de l'occupant pour une utilisation excédant le droit d'usage gratuit du domaine public qui appartient à tous (CE Chambre de commerce et d'industrie du Var, 22 décembre 1989).
En outre, la rémunération des services, autres que la mise à disposition du domaine public, rendus aux opérateurs, n'est même pas assurée par la nouvelle redevance. Ces derniers devront acquitter par ailleurs des taxes de constitution de dossier, de contrôle et de gestion, et une contribution au fonds de réaménagement du spectre géré par l'Agence nationale des fréquences (ANF).
La cause de l'intérêt public pourrait également être plaidée (certaines occupations du domaine public peuvent être consenties gratuitement ou moyennant des redevances réduites lorsqu'un intérêt public le justifie selon le code du Domaine de l'Etat). Or, il est question que les services en réseau de communication soient intégrés dans la notion de " services d'intérêt économique général " qui pourrait faire l'objet d'une prochaine directive européenne.
Un problème d'égalité devant les charges publiques entre les différents utilisateurs de fréquences se trouve, d'autre part, posé. Au nom de quel principe peut-on justifier de faire payer aux opérateurs UMTS une redevance sans commune mesure avec les droits exigés des autres catégories d'usagers (radios, télévisions...) ?
Par ailleurs, l'avis précité du Conseil d'Etat rappelle que d'après l'article R.56 du code du Domaine de l'Etat, le montant d'une redevance pour occupation privative du domaine public de l'Etat doit être déterminé, légalement, en fonction de l'avantage procuré au titulaire de l'autorisation par le droit qui lui est concédé.
Ce n'est manifestement pas le cas, en ce qui concerne l'attribution des licences UMTS : l'avantage est hypothétique et le montant manifestement disproportionné.
L'argumentation du Conseil d'Etat, selon laquelle l'avantage lié à l'utilisation des fréquences est valorisable dès la délivrance de l'autorisation est très critiquable, d'autant que les licences ne sont pas cessibles.
Enfin, suivant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, quel est le service rendu par l'Etat aux titulaires de licences (mis à part une mise à disposition de fréquences que le droit européen a rendu obligatoire) ? Est-ce que ce ne sont pas plutôt les opérateurs qui rendent service à la collectivité en prenant le risque de développer, à travers la mise en oeuvre coûteuse d'une technologie nouvelle, un service d'intérêt général ?
L'affectation au désendettement de l'Etat et au financement des retraites prouve, en elle-même, l'absence de liens directs entre la détermination du montant de la redevance et le service rendu aux occupants du domaine public.
En réalité, le fait d'imposer à quatre redevables, en fonction de leur seule qualité d'opérateurs de réseaux mobiles de troisième génération, une telle participation, en vertu du principe de solidarité nationale, au financement des retraites et au désendettement de l'Etat constitue une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques.
Juridiquement, la qualification de " redevance pour service rendu " apparaît ainsi inappropriée. L'assimilation de l'utilisation des fréquences UMTS à une occupation privative du domaine public n'est pas justifiée. En tout état de cause, il existe des taxes, comme celle perçue sur les ouvrages hydrauliques [Article 124-I de la loi de finances pour 1991. Tribunal des conflits, 20 octobre 1997, SA Papeteries Etienne] qui, bien qu'elles soient directement liées à l'occupation du domaine public, ont un caractère fiscal.
Dès lors que le prélèvement ne constitue ni une taxe parafiscale, ni une rémunération pour services rendus, il doit être regardé comme une imposition de toute nature en vertu de la jurisprudence précitée (décision n° 82-1242 relative aux agences financières de bassin).
Un prélèvement de nature fiscale a certes un caractère collectif et fait supporter le financement de charges publiques incombant au budget de l'Etat à un plus ou moins grand nombre de contribuables. Le fait que quatre opérateurs seulement soient assujettis au paiement de la redevance UMTS ne suffit pas cependant à établir qu'il ne s'agit pas d'une imposition de toute nature : la redevance des mines qui a un caractère fiscal (article 1519 du code général des impôts) est payée essentiellement par les houillères de bassin, filiales d'un seul groupe, Charbonnages de France. Les redevances fiscales dues par les exploitants d'installations nucléaires de base concernent un nombre encore plus restreint de personnes morales (principalement EDF).
En conclusion, le gouvernement a commis une erreur manifeste d'appréciation qui encourt la censure du juge constitutionnel en qualifiant de " redevance domaniale " le paiement par les opérateurs d'un droit sans rapport, compte tenu notamment de son montant et de la périodicité de son versement, avec les revenus escomptés de l'usage du domaine public.
Comme ce moyen de financement ne présente ni le caractère de taxe parafiscale, ni celui de redevance pour services rendus, le législateur ne pouvait, en tout état de cause, sans méconnaître la Constitution et le principe explicite posé par la décision précitée du 23 juin 1982 du Conseil constitutionnel du caractère limitatif des catégories des ressources de l'Etat, autoriser la perception d'un tel droit.
Même si l'article 36 de la loi de finances pour 2001 ne fixe que les modalités de liquidation du prélèvement qu'il mentionne et notamment, n'en détermine ni l'assiette, ni le taux, ni les modalités de recouvrement, on doit considérer que le législateur n'a pas exercé la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution.
De même et s'agissant des " impositions de toute nature ", l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 impose que la contribution commune aux charges de la nation soit " également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Il appartient au législateur de " déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables " (décision n° 81-133 DCdu 30 décembre 1981, cons. 6, loi de finances pour 1982, rec, p.41). En y manquant en l'espèce, le législateur n'a pas épuisé sa compétence et n'a donc pu valablement créer cette imposition nouvelle.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'article 36 de la loi de finances pour 2001 n'est pas conforme ni aux dispositions de l'article 34, alinéa 6, de la Constitution, ni à celles de l'article 13 de la déclaration des droits.
Article 46
Cet article a pour objet de fixer l'équilibre des ressources et des charges de l'Etat.
Cet article encourt plusieurs griefs d'inconstitutionnalité.
En premier lieu, il apparaît contrevenir à l'article 31 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en ce qu'il ne comporte pas d'évaluation du montant des ressources d'emprunts et de trésorerie. Ainsi, la loi de finances ne comporte pas les voies et les moyens qui assurent son équilibre financier.
A supposer que l'évaluation susmentionnée, qui est l'une des dispositions essentielles de la première partie des lois de finances, puisse figurer dans un autre article que celui ici déféré, il est constant qu'aucune disposition de la première partie de la loi de finances pour 2001 ne comporte une telle évaluation, et qu'à ce titre, la loi de finances pour 2001 contrevient sur ce point aux prescriptions de l'article 31 susmentionné.
En second lieu, l'article 46 de la loi de finances pour 2001 appelle une annulation pour défaut de sincérité et pour manquement manifeste au respect du principe d'universalité budgétaire.
L'évaluation des ressources permanentes de l'Etat qu'il comporte est, de ces points de vue, critiquable à plusieurs titres. La désaffectation des recettes destinées au FOREC n'est rien moins qu'une débudgétisation qui contrevient aux articles 1er et 4 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959. L'évaluation des recettes des comptes d'affectation spéciale est biaisée par le caractère arbitraire de l'évaluation du montant des recettes du compte d'affectation spéciale n° 902-24 qui, depuis des années, se trouve en exécution considérablement éloigné des prévisions des lois de finances (voir les rapports de la Cour des comptes et des rapporteurs spéciaux des commissions des finances du Parlement en charge des comptes spéciaux du Trésor).
Les plafonds des grandes catégories de dépenses que fixe l'article 46 manquent également de sincérité. Plusieurs crédits extrabudgétaires des ministères ne sont pas pris en compte. Les interventions du FOREC directement retracées en lois de financement de la sécurité sociale (côté recettes) ne sont pas évaluées en lois de finances (côté dépenses), comme elles devraient l'être.
Article 71
Cet article a pour objet de permettre aux communes d'établir une taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière.
Cet article méconnaît le principe selon lequel les impositions doivent être proportionnées aux facultés contributives des contribuables.
Les exploitants des activités commerciales à durée saisonnière se verront taxés selon la surface du local ou du véhicule où s'exerce cette activité. Or, la superficie d'un local ou d'un véhicule est indépendante des facultés contributives des redevables. La surface d'un véhicule peut être sans rapport avec le volume d'activité réalisé : certaines activités nécessitant des installations de stockage ou de conservation sur place se verraient donc pénalisées vis-à-vis d'autres types d'activités.
Article 85
Le présent article vise à étendre l'applicabilité du régime de protection sociale des salariés des professions agricoles, telle que définie à l'article L. 722-20 du code rural, aux personnels non titulaires de l'établissement " Domaine de Pompadour " dont les contrats ont été transférés à l'établissement public " Les Haras nationaux ".
Cet article ne relève pas du domaine des lois de finances tel que défini par l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
Article 89
Cet article prévoit une réduction de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) en faveur des chômeurs et des retraités en dessous d'un certain seuil de revenus.
Il revient à inscrire dans la loi de finances une disposition adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale dans les mêmes termes par les deux assemblées. Cette " acrobatie juridique " consiste donc à faire figurer la même mesure dans plusieurs textes différents. Il est demandé au Conseil Constitutionnel d'apprécier cette innovation et de dire, si la caisse d'amortissement de la dette sociale ( CADES) relève ou non du champ des lois de finances.
Or, le texte de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale qui en prévoit le domaine est clair : " Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ".
Cet article pose donc deux questions distinctes qu'il est demandé au Conseil constitutionnel de trancher :
Sur le fond il s'agit de déterminer si le régime de la CRDS et celui de la CADES doivent figurer en loi de finances.
Quant à la forme, il convient de déterminer si peut figurer dans une loi de finances une disposition identique à celle figurant dans un article adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées dans le cadre de l'examen d'un autre projet de loi.
Sur le même article, issu du mémoire complémentaire :
L'article 89 consiste en l'exonération de contribution pour le remboursement de la dette sociale des retraités et chômeurs en dessous d'un certain seuil de revenus.
La CRDS est une imposition de toute nature. Ses principales caractéristiques sont son assiette très large qui couvre la presque totalité des revenus, ainsi que son objet, contenu dans l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, qui en lie la perception au remboursement, d'ici janvier 2014, de la dette de la sécurité sociale reprise par la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Cette dernière caractéristique semble d'autant plus forte que le produit de la CRDS n'est pas retracé en loi de finances, illustrant bien que cette imposition est par nature affectée à un but précis.
Dans sa décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a considéré, sur l'article 3, qu'il convenait " de prendre en compte les capacités contributives des redevables compte tenu des caractéristiques de chaque impôt ".
Or la mesure déférée dans l'article 89 remet en cause les caractéristiques de la CRDS. S'il ne semble pas contraire au principe d'égalité de faire varier la charge selon les contribuables, il ne paraît cependant pas possible de le faire sans respecter les caractéristiques de la CRDS. Or la loi de finances pour 2001 ici déférée ne prévoit aucun mécanisme permettant de compenser en totalité à la CADES les pertes de recettes occasionnées par l'article déféré. Ce faisant, l'article 89 remet en cause l'équilibre de la CADES, c'est-à-dire la fonction impartie à la CRDS et donc ses caractéristiques.
Article 116
Cet article a pour objet de créer, dans son I, une taxe au profit de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et, dans son II, une taxe au profit de l'agence nationale d'amélioration et d'évaluation en santé (ANAES).
Le I de cet article instaure ce que le gouvernement appelait une redevance mais qui est en réalité une taxe comme le Sénat l'a requalifiée, le gouvernement se ralliant à ses arguments.
Il s'agit donc d'une imposition de toute nature dont, selon l'article 34 de la Constitution, la loi fixe : " l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement ".
Ainsi, le I prévoit-il que l'assiette serait la " demande d'inscription d'un dispositif médical à usage individuel sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale " ; le barème ne peut dépasser 30.000 francs ; les modalités de recouvrement sont celles des créances des établissements administratifs de l'Etat.
Le I propose donc un barème, ce qui suppose que la taxe sera variable et qu'il ne s'agira pas d'un droit fixe et forfaitaire. Mais le texte ici déféré se garde bien de préciser les modalités d'établissement du barème, même de façon allusive : le Parlement ne sait pas selon quels critères relatifs à l'assiette variera le taux.
Certes d'après les informations recueillies par le rapporteur spécial des crédits de la santé et de la solidarité, le gouvernement et l'AFSSAPS souhaiteraient établir en réalité deux droits fixes, l'un pour la première demande, l'autre pour une modification apportée à un dispositif déjà inscrit. Dans le premier cas, le droit serait de 30.000 francs et dans le second de 15.000 francs. Cependant, il n'a jamais été apporté confirmation de ces intentions au cours des débats.
De telles informations, à la fiabilité limitée, ne peuvent donc pas remplacer l'inscription dans la loi de finances du critère de variation de la taxe.
Cet article méconnaît donc les dispositions de l'article 34 de la Constitution.