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01/08/2025 | CJUE | N°C-666/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, CM et DS contre Volkswagen AG., 01/08/2025, C-666/23


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

1er août 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Réception des véhicules à moteur – Directive 2007/46/CE – Article 18, paragraphe 1 – Article 26, paragraphe 1 – Article 46 – Règlement (CE) no 715/2007 – Article 5, paragraphe 2 – Véhicules à moteur – Moteur diesel – Émissions de polluants – Réduction des émissions d’oxyde d’azote (NOx) limitée par une “fenêtre de températures” – Dispositif d’invalidation – Protection des intér

ts d’un acheteur individuel d’un véhicule équipé d’un dispositif
d’invalidation illicite – Installation de ce dispositif après la mise en se...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

1er août 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Réception des véhicules à moteur – Directive 2007/46/CE – Article 18, paragraphe 1 – Article 26, paragraphe 1 – Article 46 – Règlement (CE) no 715/2007 – Article 5, paragraphe 2 – Véhicules à moteur – Moteur diesel – Émissions de polluants – Réduction des émissions d’oxyde d’azote (NOx) limitée par une “fenêtre de températures” – Dispositif d’invalidation – Protection des intérêts d’un acheteur individuel d’un véhicule équipé d’un dispositif
d’invalidation illicite – Installation de ce dispositif après la mise en service du véhicule – Droit à réparation au titre de la responsabilité délictuelle du constructeur de ce véhicule – Cause d’exonération – Erreur insurmontable du constructeur quant à l’illicéité du dispositif d’invalidation – Principe d’effectivité – Réparation adéquate du dommage – Mode de calcul de la réparation – Fourchette d’indemnisation »

Dans l’affaire C‑666/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensburg, Allemagne), par décision du 27 octobre 2023, parvenue à la Cour le 9 novembre 2023, dans la procédure

CM,

DS

contre

Volkswagen AG,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. D. Gratsias, E. Regan, J. Passer et B. Smulders, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour CM, par Mes K. Borwieck, C. Douhaire, R. Geulen, R. Klinger, D. Krebs et L. Rhiel, Rechtsanwälte,

– pour Volkswagen AG, par Mes T. André, M. de Lind van Wijngaarden et H.-P. Schroeder, Rechtsanwälte,

– pour la Commission européenne, par MM. J. Flett et M. Noll-Ehlers, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO 2007, L 171, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant CM et DS à Volkswagen AG au sujet de la réparation du dommage subi en raison de l’achat de véhicules équipés de dispositifs d’invalidation illicites.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 1999/44/CE

3 La directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (JO 1999, L 171, p. 12), a été abrogée par la directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE (JO 2019, L 136, p. 28), avec effet au 1er janvier
2022. Compte tenu de la date des faits des litiges au principal, la directive 1999/44 demeure néanmoins applicable à ces derniers.

4 L’article 3, paragraphe 2, de la directive 1999/44 disposait :

« En cas de défaut de conformité, le consommateur a droit soit à la mise du bien dans un état conforme, sans frais, par réparation ou remplacement, conformément au paragraphe 3, soit à une réduction adéquate du prix ou à la résolution du contrat en ce qui concerne ce bien, conformément aux paragraphes 5 et 6. »

La directive 2007/46/CE

5 La directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO 2007, L 263, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 385/2009 de la Commission, du 7 mai 2009 (JO 2009, L 118, p. 13) (ci-après la « directive 2007/46 »), a été abrogée par le règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen
et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/CE (JO 2018, L 151, p. 1), avec effet au 1er septembre 2020. Cependant, compte tenu de la date des faits des litiges au principal, cette directive demeure applicable à ces derniers.

6 L’article 3, points 3, 5, 17 et 36, de la directive 2007/46 était libellé comme suit :

« Aux fins de la présente directive et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV, sauf dispositions contraires y figurant, on entend par :

[…]

3.   “réception par type” : l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant ou d’entité technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables ;

[...]

5.   “réception CE par type” : l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant ou d’entité technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables de la présente directive et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV ou à l’annexe XI ;

[...]

17.   “type de véhicule” : les véhicules d’une catégorie particulière identiques au moins par les aspects essentiels visés à l’annexe II, section B. Un type de véhicule peut comporter des variantes et des versions différentes telles que définies à l’annexe II, section B ;

[...]

36.   “certificat de conformité” : le document figurant à l’annexe IX, délivré par le constructeur afin de certifier qu’un véhicule appartenant à la série du type réceptionné en application de la présente directive satisfaisait à tous les actes réglementaires au moment de sa production ».

7 L’article 8, paragraphe 6, de cette directive disposait :

« L’autorité compétente en matière de réception informe sans tarder ses homologues des autres États membres de sa décision de refuser ou d’annuler la réception d’un véhicule, ainsi que des motifs de cette décision. »

8 L’article 10, paragraphe 2, de ladite directive prévoyait :

« Les États membres accordent une réception CE par type de composant ou d’entité technique pour un composant ou une entité technique conforme aux informations contenues dans le dossier constructeur et qui satisfait aux exigences techniques de la directive particulière ou du règlement particulier applicable, comme il est indiqué à l’annexe IV. »

9 L’article 13, paragraphe 1, de la même directive énonçait :

« Le constructeur informe sans tarder l’État membre qui a accordé la réception CE par type de toute modification des informations consignées dans le dossier de réception. Cet État membre décide, conformément aux règles définies dans le présent chapitre, de la procédure à suivre. Si nécessaire, l’État membre peut décider, en consultant le constructeur, qu’une nouvelle réception CE par type doit être octroyée. »

10 Aux termes de l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2007/46 :

« Le constructeur délivre, en sa qualité de détenteur d’une réception CE par type d’un véhicule, un certificat de conformité pour accompagner chaque véhicule complet, incomplet ou complété qui est fabriqué conformément au type de véhicule réceptionné. »

11 L’article 26, paragraphe 1, de cette directive était libellé comme suit :

« Sans préjudice des dispositions des articles 29 et 30, les États membres n’immatriculent des véhicules et n’en permettent la vente ou la mise en service que si ces véhicules sont accompagnés d’un certificat de conformité en cours de validité délivré conformément à l’article 18.

Dans le cas de véhicules incomplets, les États membres en autorisent la vente mais peuvent en refuser l’immatriculation permanente ou la mise en service tant qu’ils demeurent incomplets. »

12 L’article 30, paragraphe 1, de ladite directive prévoyait :

« Si un État membre ayant octroyé une réception CE par type constate que de nouveaux véhicules, systèmes, composants ou entités techniques accompagnés d’un certificat de conformité ou portant une marque de réception ne sont pas conformes au type qu’il a réceptionné, il prend les mesures nécessaires, y compris, le cas échéant, le retrait de la réception par type, pour faire en sorte que les véhicules, systèmes, composants ou, selon le cas, entités techniques produits soient mis en conformité avec
le type réceptionné. L’autorité compétente en matière de réception de cet État membre communique les mesures prises à ses homologues des autres États membres. »

13 L’article 46 de la même directive disposait :

« Les États membres déterminent les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions de la présente directive, en particulier des interdictions figurant à l’article 31 ou résultant de cet article, et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV, partie I, et prennent toutes les mesures nécessaires à leur mise en œuvre. Les sanctions fixées doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission [européenne], au plus tard
le 29 avril 2009, et ils notifient dans les meilleurs délais toute modification ultérieure de ces dispositions. »

Le règlement no 715/2007

14 Aux termes des considérants 6 et 15 du règlement no 715/2007 :

« (6) Il est notamment nécessaire de continuer à réduire considérablement les émissions d’oxyde d’azote des véhicules diesels pour améliorer la qualité de l’air et respecter les valeurs limites en termes de pollution. À cette fin, il convient d’atteindre les valeurs limites ambitieuses de la phase Euro 6, sans pour autant renoncer aux avantages que présente le moteur diesel en termes de consommation de carburant et d’émissions d’hydrocarbures et de monoxyde de carbone. La définition, à un stade
précoce, d’une étape supplémentaire pour la réduction d’oxyde d’azote permet aux constructeurs automobiles d’assurer une sécurité dans la programmation à long terme et à l’échelon européen.

[…]

(15) La Commission devrait se pencher sur la nécessité de réviser le nouveau cycle de conduite européen, procédure d’essai qui constitue la base des règlements sur la réception au regard des émissions. Une mise à jour ou un remplacement des cycles d’essai seront peut-être nécessaires pour refléter les changements dans la spécification des véhicules et le comportement des conducteurs. Des révisions peuvent être nécessaires pour garantir que les émissions mondiales effectives correspondent à celles
qui sont mesurées lors de la réception. L’utilisation de systèmes de mesure portables des émissions et l’introduction du concept réglementaire du “non-dépassement” devraient aussi être envisagées. »

15 L’article 3, point 10, de ce règlement dispose :

« Aux fins du présent règlement et de ses mesures d’exécution, les définitions suivantes s’appliquent :

[…]

10) “dispositif d’invalidation” signifie tout élément de conception qui détecte la température, la vitesse du véhicule, le régime du moteur en tours/minute, la transmission, une dépression ou tout autre paramètre aux fins d’activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du
fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules ».

16 L’article 4, paragraphes 1 et 2, dudit règlement prévoit :

« 1.   Les constructeurs démontrent que tous les nouveaux véhicules vendus, immatriculés ou mis en service dans la Communauté [européenne] ont été réceptionnés conformément au présent règlement et à ses mesures d’exécution. Ils démontrent aussi que tous les nouveaux dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution qui nécessitent une réception et sont vendus ou mis en service dans la Communauté ont été réceptionnés conformément au présent règlement et à ses mesures d’exécution.

Ces obligations comportent le respect des limites d’émission visées à l’annexe I et les mesures d’exécution visées à l’article 5.

2.   Les constructeurs veillent à ce que les procédures de réception destinées à vérifier la conformité de la production, la durabilité des dispositifs de maîtrise de la pollution et la conformité en service soient respectées.

En outre, les mesures techniques adoptées par le constructeur doivent être telles qu’elles garantissent une limitation effective des émissions au tuyau arrière d’échappement et des émissions par évaporation, conformément au présent règlement, tout au long de la vie normale des véhicules, dans des conditions d’utilisation normales. Par conséquent, les mesures de la conformité en service font l’objet de vérifications pendant une période pouvant atteindre cinq ans ou 100000 km, au premier des deux
termes échus. L’essai de durabilité des dispositifs de maîtrise de la pollution entrepris pour la réception couvre une période de 160000 km. Pour se conformer à cet essai de durabilité, le constructeur doit avoir la possibilité d’avoir recours au banc d’essai de vieillissement, sous réserve des mesures de mise en œuvre visées au paragraphe 4.

La conformité en service est vérifiée notamment en ce qui concerne les émissions au tuyau arrière d’échappement, vérifiées sous le rapport des valeurs limites fixées à l’annexe I. Dans le but d’améliorer la maîtrise des émissions par évaporation et des émissions à température ambiante basse, les procédures de test sont réexaminées par la Commission. »

17 L’article 5, paragraphes 1 et 2, du même règlement est libellé comme suit :

« 1.   Le constructeur équipe les véhicules de telle sorte que les composants susceptibles d’exercer un effet sur les émissions sont conçus, construits et montés de manière à permettre aux véhicules, en utilisation normale, de se conformer au présent règlement et à ses mesures d’exécution.

2.   L’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite. Cette interdiction ne s’applique pas lorsque :

a) le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule ;

b) le dispositif ne fonctionne pas au-delà des exigences du démarrage du moteur ;

ou

c) les conditions sont substantiellement incluses dans les procédures d’essai pour vérifier les émissions par évaporation et les émissions moyennes au tuyau arrière d’échappement. »

18 Aux termes de l’article 13 du règlement no 715/2007 :

« 1.   Les États membres établissent les dispositions sur les sanctions applicables aux infractions aux dispositions du présent règlement par les constructeurs et prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir qu’elles sont mises en œuvre. Les sanctions prévues doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives. [...]

2.   Les types d’infractions qui donnent lieu à des sanctions sont notamment :

[...]

d) l’utilisation de dispositifs d’invalidation ;

[...] »

Le règlement no 692/2008

19 Le règlement (CE) no 692/2008 de la Commission, du 18 juillet 2008, portant application et modification du règlement no 715/2007 (JO 2008, L 199, p. 1), a été modifié par le règlement (UE) no 566/2011 de la Commission, du 8 juin 2011 (JO 2011, L 158, p. 1) (ci-après le « règlement no 692/2008 »). À partir du 1er janvier 2022, le règlement no 692/2008 a été abrogé par le règlement (UE) 2017/1151 de la Commission, du 1er juin 2017, complétant le règlement no 715/2007, modifiant la
directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, le règlement no 692/2008 et le règlement (UE) no 1230/2012 de la Commission et abrogeant le règlement no 692/2008 (JO 2017, L 175, p. 1). Cependant, compte tenu de la date des faits des litiges au principal, le règlement no 692/2008 demeure applicable à ces derniers.

20 L’article 10, paragraphe 1, du règlement no 692/2008 prévoyait :

« Le constructeur s’assure que les dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution destinés à équiper les véhicules ayant obtenu la réception CE et relevant du champ d’application du règlement [no 715/2007], ont obtenu la réception CE en tant qu’entité technique distincte au sens de l’article 10, paragraphe 2 de la [directive 2007/46], conformément aux articles 12 et 13 et à l’annexe XIII du présent règlement. »

Le droit allemand

21 L’article 276 du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil) (ci-après le « BGB ») prévoit :

« 1.   Le débiteur est tenu de répondre des faits intentionnels ou de sa négligence, si aucune responsabilité atténuée ou renforcée n’a été convenue ou ne peut être tirée du contenu du rapport d’obligation, en particulier de l’acceptation d’une garantie ou de l’acceptation d’un risque. Les dispositions des articles 827 et 828 s’appliquent en conséquence.

2.   Agit par négligence celui qui ne fait pas preuve de la diligence requise dans le commerce.

3.   Le débiteur ne peut être exonéré à l’avance de sa responsabilité pour faute intentionnelle. »

22 Aux termes de l’article 823 du BGB :

« 1.   Quiconque, agissant intentionnellement ou par négligence, porte atteinte de manière illicite à la vie, au corps, à la santé, à la liberté, à la propriété ou à tout autre droit d’autrui, est tenu à l’égard de celui-ci de réparer le préjudice qui en est résulté.

2.   La même obligation vise celui qui contrevient à une loi visant à protéger autrui. Si de par le contenu de la loi il est également possible de contrevenir à celle-ci sans commettre de faute, l’obligation de réparation n’intervient qu’en cas de faute. »

23 L’article 826 du BGB énonce :

« Celui qui cause un préjudice à autrui intentionnellement et au mépris des bonnes mœurs est tenu envers celui-ci de réparer le dommage. »

24 La Verordnung über die EG-Genehmigung für Kraftfahrzeuge und ihre Anhänger sowie für Systeme, Bauteile und selbstständige technische Einheiten für diese Fahrzeuge (EG-Fahrzeuggenehmigungsverordnung – EG-FGV) [règlement relatif à la réception CE des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (règlement relatif à l’homologation des véhicules CE), ci-après l’« EG-FGV »], du 3 février 2011, dispose, à son article 6,
paragraphe 1 :

« Pour chaque véhicule conforme au type réceptionné, le titulaire de la réception CE par type de véhicule doit délivrer un certificat de conformité au sens de l’article 18, lu conjointement avec l’annexe IX, de la directive 2007/46. Conformément à l’article 18, paragraphe 3, de la directive 2007/46, le certificat de conformité est conçu de manière à exclure toute falsification. »

25 L’article 27, paragraphe 1, de l’EG-FGV prévoit :

« Les véhicules, entités techniques ou composants neufs requérant un certificat de conformité conformément à l’annexe IX de la directive 2007/46, [...], ne peuvent être offerts à la vente, vendus ou mis sur le marché en Allemagne à des fins de circulation routière que s’ils sont accompagnés d’un certificat de conformité en cours de validité. Cela ne s’applique pas aux véhicules au sens de l’article 8 de la directive 2003/37. »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

26 Volkswagen est le constructeur des véhicules automobiles que CM et DS ont acquis d’occasion auprès de vendeurs professionnels.

27 S’agissant de CM, il a acquis, conformément à une commande du 14 mars 2016 et au prix de 49950 euros, un véhicule de marque Volkswagen doté d’un moteur diesel de type EA 288. Au moment de son acquisition, ce véhicule était équipé d’un système de détection du banc d’essai, qui a été supprimé le 10 octobre 2017 à la suite d’une mise à jour du logiciel concerné, ainsi que d’un autre logiciel de programmation du moteur réduisant le taux de recyclage des gaz d’échappement lorsque les températures
extérieures se situent au-dessous d’un certain seuil, ce qui a pour conséquence une augmentation des émissions de NOx. Ainsi, ce recyclage n’est pleinement efficace que si la température extérieure ne descend pas au-dessous de ce seuil (ci-après la « fenêtre de températures »).

28 En raison de la présence de ces deux dispositifs d’invalidation prétendument illicites, CM s’estime victime d’un préjudice consécutif à une atteinte intentionnelle et contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, au sens de l’article 826 du BGB, imputable à Volkswagen.

29 Par son recours introduit devant le Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensburg, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, il réclame, à titre de réparation de son préjudice, le paiement d’une somme de 8938 euros, représentant 20 % du prix d’achat du véhicule et, subsidiairement, une indemnité dont le montant est laissé à l’appréciation de cette juridiction, qui ne saurait toutefois être inférieur à 6703,50 euros, équivalant à 15 % du prix d’achat.

30 Selon la décision de renvoi, Volkswagen admet que le système de détection du banc d’essai fait partie d’un logiciel utilisé afin de réduire le taux de recyclage des gaz d’échappement en dehors du nouveau cycle européen de conduite, lorsque la température de fonctionnement atteint 200 degrés Celsius. À partir de cette température, le système de réduction catalytique sélective contribuerait à la réduction des émissions de NOx, de sorte que les valeurs limites seraient tout de même respectées.

31 En ce qui concerne la fenêtre de températures, cette société affirme qu’il y a une réduction du taux de recyclage des gaz d’échappement au‑dessous d’une température ambiante de + 12 degrés Celsius. Cette fenêtre de températures serait licite dès lors qu’elle serait nécessaire à la sécurité du fonctionnement du véhicule.

32 À titre subsidiaire, ladite société invoque, aux fins d’exonération de sa responsabilité, l’existence d’une erreur insurmontable quant au caractère illicite des dispositifs d’invalidation et s’appuie, à cet égard, sur une réception dite « hypothétique » par le Kraftfahrt-Bundesamt (Office fédéral pour la circulation des véhicules à moteur, Allemagne), à savoir le fait que son appréciation juridique erronée sur l’existence d’un dispositif d’invalidation licite aurait été confirmée par cette
autorité compétente pour la réception CE par type, en cas d’interrogation de celle-ci (ci-après la « réception hypothétique »).

33 S’agissant de DS, il a acquis, conformément à une commande du 29 mars 2016 et au prix de 32000 euros, un véhicule de marque Volkswagen doté d’un moteur diesel de type EA 189. Au moment de son acquisition, ce véhicule était équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, consistant en une détection de banc d’essai avec un système de commutation du moteur.

34 L’Office fédéral pour la circulation des véhicules à moteur ayant, par décisions des 14 et 15 octobre 2015, enjoint à Volkswagen d’éliminer ce dispositif des véhicules mis sur le marché, un logiciel, développé par cette société et validé par cet office, a été installé sur le véhicule de DS le 7 mars 2017. Toutefois, dans le même temps, un autre dispositif d’invalidation, à savoir une fenêtre de températures, a été installé sur ce véhicule.

35 De ce fait, DS estime qu’il a subi un préjudice consécutif à une atteinte intentionnelle et contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs imputable à ladite société.

36 Par son recours introduit devant la juridiction de renvoi le 4 mars 2021, DS sollicite, d’une part, le paiement d’une indemnité dont le montant est laissé à l’appréciation de cette juridiction sans qu’il puisse être inférieur à 4800 euros, équivalent à 15 % du prix d’achat, et, d’autre part, la constatation au surplus qu’il incombe à la même société de l’indemniser pour le préjudice subi du fait de l’installation du dispositif d’invalidation consistant en une fenêtre de températures.

37 Volkswagen oppose à cette demande une fin de non‑recevoir tirée de la prescription et conclut, en tout état de cause, au rejet de celle-ci sur le fond.

38 En ce qui concerne la fenêtre de températures, cette société prétend que le recyclage des gaz d’échappement ne serait réduit qu’au-dessous d’une température de + 10 degrés Celsius, ce qui serait nécessaire à la sécurité de fonctionnement du véhicule.

39 Au surplus, elle indique que, dans ses arrêts du 14 juillet 2022, GSMB Invest (C‑128/20, EU:C:2022:570), du 14 juillet 2022, Volkswagen (C‑134/20, EU:C:2022:571), et du 14 juillet 2022, Porsche Inter Auto et Volkswagen (C‑145/20, EU:C:2022:572), la Cour se serait fondée, pour les véhicules de la marque Volkswagen équipés d’une fenêtre de températures identique, sur une plage de températures se situant entre 15 et 33 degrés Celsius pour la température extérieure. Cette approche tiendrait à des
constats de fait des juridictions nationales de renvoi ne correspondant pas aux circonstances en cause dans les litiges au principal.

40 Ladite société invoque, à titre subsidiaire, une erreur insurmontable quant au caractère illicite de ce dispositif d’invalidation et s’appuie, à cet égard, sur une réception hypothétique par l’Office fédéral pour la circulation des véhicules à moteur.

41 La juridiction de renvoi estime, en premier lieu, qu’un droit à réparation de CM et de DS, en application de l’article 826 du BGB et au titre d’un préjudice intentionnel contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, ne paraît pas fondé.

42 Cette juridiction relève que le véhicule de CM était, certes, équipé au moment de son acquisition d’un dispositif d’invalidation illicite au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007 et qu’un tel dispositif, s’agissant du véhicule de DS, a été installé à l’occasion d’une mise à jour d’un logiciel.

43 En ce qui concerne ces deux véhicules, le recyclage des gaz d’échappement serait réduit à partir d’une température ambiante de + 10 degrés Celsius, raison pour laquelle ladite juridiction est d’avis qu’il existe, dans les deux cas, une fenêtre de températures illicite. Cette dernière ne pourrait être considérée comme licite au titre de l’article 5, paragraphe 2, deuxième phrase, sous a), de ce règlement, s’agissant du besoin d’éviter les risques immédiats de dégâts ou d’accident au moteur,
occasionnés par un dysfonctionnement d’un composant du système de recyclage des gaz d’échappement, d’une gravité telle qu’ils génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule équipé dudit dispositif, puisque un tel risque concret devrait faire défaut en l’occurrence.

44 En outre, en ce qui concerne CM, la même juridiction estime que l’autre critère de dérogation résultant de cette disposition, selon lequel un dispositif d’invalidation ne doit pas être actif pendant la majeure partie de l’année, ne devrait pas non plus être considéré comme étant rempli au regard de la jurisprudence issue de l’arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest (C‑128/20, EU:C:2022:570, point 65). En effet, le recyclage des gaz d’échappement de ce véhicule serait réduit à partir d’une
température ambiante de + 12 degrés Celsius, alors que les températures moyennes annuelles en Allemagne seraient inférieures à ce seuil.

45 En dépit de ces éléments, la juridiction de renvoi fait valoir qu’un comportement intentionnel et objectivement contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, au sens de l’article 826 du BGB, fait défaut dans les litiges au principal en raison, notamment, de l’absence de dispositifs d’invalidation « manifestement illicites » selon les termes de la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne).

46 En second lieu, cette juridiction considère que CM et DS pourraient bénéficier d’un droit à indemnisation fondé sur l’article 823, paragraphe 2, du BGB.

47 Se référant à l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), du 26 juin 2023 (ci‑après l’« arrêt du Bundesgerichtshof »), ladite juridiction indique que l’article 823, paragraphe 2, du BGB, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, et l’article 27, paragraphe 1, de l’EG-FGV, protège les intérêts de l’acquéreur d’un véhicule quant à une éventuelle perte patrimoniale ayant pour origine la méconnaissance, par le constructeur, du droit de l’Union portant sur les gaz d’échappement
des véhicules automobiles.

48 À cet égard, il apparaîtrait, premièrement, que Volkswagen a méconnu ce droit en raison de l’installation sur les véhicules concernés d’une fenêtre de températures illicite.

49 Deuxièmement, le droit à réparation serait également subordonné à la condition que le constructeur du véhicule concerné ait, au moins, fait preuve de négligence en ce qui concerne le dispositif d’invalidation en cause, la faute du constructeur étant présumée.

50 Ce constructeur pourrait s’exonérer de sa responsabilité en invoquant et en démontrant l’existence de circonstances exceptionnelles révélant une absence de négligence de sa part, ce que recouvre la preuve d’une erreur insurmontable quant au caractère illicite du dispositif d’invalidation en cause.

51 Troisièmement, la même juridiction indique, d’une part, qu’une telle erreur existe lorsque, faisant preuve de la diligence requise, ledit constructeur s’est prononcé juridiquement à partir d’un examen rigoureux de la situation juridique, en tenant compte de la jurisprudence des plus hautes juridictions, et qu’il ne pouvait pas s’attendre à une appréciation différente de cette situation. D’autre part, une telle erreur serait insurmontable lorsque le constructeur peut faire état d’une réception CE
par type délivrée pour le dispositif d’invalidation en cause en conformité avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007.

52 Une réception simplement hypothétique, telle que visée au point 32 du présent arrêt, pourrait dorénavant suffire selon l’arrêt du Bundesgerichtshof.

53 La juridiction de renvoi se demande si, au regard du droit de l’Union, un droit à réparation de l’acquéreur d’un véhicule doté d’un dispositif d’invalidation illicite peut être refusé au motif que le constructeur concerné a commis une erreur insurmontable quant au caractère illicite de ce dispositif et, en cas de réponse affirmative à cette question, si l’exonération de ce constructeur peut être fondée sur une réception effective du véhicule en cause par l’autorité nationale compétente ou, même,
sur une réception hypothétique.

54 Quatrièmement, cette juridiction relève que, s’agissant de DS, le droit à indemnisation ayant pour origine le dispositif d’invalidation existant lors de l’acquisition du véhicule, à savoir la détection du banc d’essai avec le système de commutation du moteur, serait prescrit. Toutefois, dans la mesure où ce véhicule présenterait un nouveau dispositif d’invalidation illicite sous la forme d’une fenêtre de températures depuis l’installation de la mise à jour fournie par Volkswagen, se poserait la
question de savoir si son propriétaire ne dispose pas d’un droit à réparation à l’égard du constructeur.

55 Cinquièmement, ladite juridiction observe que le droit à réparation au titre de l’article 823, paragraphe 2, du BGB, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, et l’article 27, paragraphe 1, de l’EG-FGV, vise l’« indemnisation mineure », à savoir le paiement d’une somme d’argent représentant la différence entre la valeur du véhicule muni d’un dispositif d’invalidation illicite et celle de ce véhicule dépourvu de ce dispositif.

56 Conformément à l’arrêt du Bundesgerichtshof, les avantages tirés de l’utilisation du véhicule devraient être imputés sur le montant de l’indemnisation, lorsque ceux-ci excèdent, avec la valeur résiduelle de ce véhicule, le prix d’achat, après déduction de ce montant. En outre, cette juridiction exigerait que le montant de l’indemnisation ne puisse pas dépasser 15 % du prix d’achat pour des raisons de proportionnalité.

57 La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la compatibilité de cette jurisprudence avec le droit de l’Union.

58 C’est dans ces conditions que le Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensburg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’acquéreur d’un véhicule peut-il se voir refuser le droit de réclamer au constructeur automobile une indemnisation du fait de la mise sur le marché, constitutive de négligence, d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement [no 715/2007], au motif

a) qu’il s’agit d’une erreur inévitable du constructeur quant au caractère illicite de l’acte ?

[D]ans l’affirmative :

b) que l’erreur quant au caractère illicite de l’acte était inévitable pour le constructeur dès lors que l’autorité compétente pour la réception par type CE ou son suivi a effectivement homologué le dispositif d’invalidation installé dans le véhicule ?

[D]ans l’affirmative :

c) que l’erreur quant au caractère illicite de l’acte était inévitable pour le constructeur dès lors que, interrogée à ce sujet, l’autorité compétente pour la réception par type CE ou son suivi a conforté le constructeur dans la lecture qu’il faisait de l’article 5, paragraphe 2, du règlement [no 715/2007] (réception hypothétique) ?

2) Le constructeur automobile qui a fourni une mise à jour du logiciel est‑il tenu d’indemniser le propriétaire du véhicule lorsque celui-ci a subi un préjudice dû au dispositif d’invalidation illicite au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement [no 715/2007], installé par la mise à jour du logiciel ?

3) Est-il conforme au droit de l’Union que, dans le cadre du droit à indemnisation à l’égard du constructeur automobile, du fait de la mise sur le marché, constitutive de négligence, d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement [no 715/2007],

a) l’acquéreur du véhicule qui prétend à une indemnisation mineure doive se voir imputer sur le montant de l’indemnisation les avantages tirés de l’utilisation du véhicule dans la mesure où ceux-ci, cumulés avec la valeur résiduelle, excèdent le prix d’achat payé sous déduction de ce montant d’indemnisation [ ;]

b) l’indemnisation mineure à laquelle l’acquéreur du véhicule peut prétendre soit plafonnée à 15 % du prix d’achat payé ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

59 Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question. En effet, la
circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la
juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt du 26 septembre 2024, Luxone et Sofein, C‑403/23 et C‑404/23, EU:C:2024:805, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

60 En l’occurrence, il est constant que les litiges au principal portent sur le droit à indemnisation de CM et de DS à l’égard de Volkswagen pour le dommage subi à la suite de la présence, dans leurs véhicules respectifs, de dispositifs d’invalidation illicites, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, ainsi que sur la possibilité, pour ce constructeur automobile, d’invoquer comme cause d’exonération de sa responsabilité à ce titre la réception hypothétique des véhicules,
laquelle permettrait de caractériser une erreur insurmontable quant à l’illicéité de ce dispositif.

61 Il importe de souligner qu’il découle de la jurisprudence issue de l’arrêt du 21 mars 2023, Mercedes-Benz Group (Responsabilité des constructeurs de véhicules munis de dispositifs d’invalidation) (C‑100/21, ci-après l’ arrêt Mercedes-Benz Group , EU:C:2023:229, point 91), que l’acheteur d’un véhicule à moteur équipé d’un dispositif d’invalidation bénéficie, au titre de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 26, paragraphe 1, et de l’article 46 de la directive 2007/46, lus en combinaison avec
l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, d’un droit à réparation de la part du constructeur de ce véhicule lorsque ce dispositif a causé un dommage à cet acheteur.

62 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive 2007/46, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, dans le cadre d’une action introduite par l’acheteur d’un véhicule à moteur en réparation du dommage causé par la présence dans ce véhicule
d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de cet article 5, paragraphe 2, à ce que le constructeur du véhicule puisse invoquer, comme cause d’exonération de sa responsabilité à ce titre, l’existence d’une erreur insurmontable quant à l’illicéité de ce dispositif due au fait qu’une réception CE par type dudit dispositif ou du véhicule qui en est équipé a été accordée par l’autorité nationale compétente ou que cette autorité, si elle avait été interrogée par ce constructeur, aurait confirmé
l’appréciation juridique de celui‑ci quant au caractère prétendument licite du dispositif d’invalidation concerné.

63 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive 2007/46, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, protègent les intérêts particuliers de l’acheteur individuel d’un véhicule à moteur à l’égard du constructeur de celui-ci lorsque ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de cette dernière disposition (arrêt Mercedes-Benz Group, point 88).

64 Il ressort ainsi de ces dispositions qu’un acheteur individuel d’un véhicule à moteur dispose, à l’égard du constructeur de ce véhicule, d’un droit à ce que ledit véhicule ne soit pas équipé d’un tel dispositif d’invalidation interdit, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement (arrêt Mercedes-Benz Group, point 89).

65 Il appartient donc aux États membres, en vertu de l’article 46 de la directive 2007/46, de déterminer les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions de celle-ci. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. De même, conformément à l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement, les États membres établissent les dispositions sur les sanctions applicables aux infractions aux dispositions de ce règlement. Ces sanctions doivent être efficaces, proportionnées et
dissuasives (arrêt Mercedes-Benz Group, point 90).

66 Dans ces conditions, ainsi qu’il a été mentionné au point 61 du présent arrêt, il découle de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 26, paragraphe 1, et de l’article 46 de la directive 2007/46, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, que les États membres sont tenus de prévoir que l’acheteur d’un véhicule à moteur équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, bénéficie d’un droit à réparation de la
part du constructeur de ce véhicule lorsque ce dispositif a causé un dommage à cet acheteur (arrêt Mercedes-Benz Group, point 91).

67 En l’absence de dispositions du droit de l’Union régissant les modalités d’obtention d’une réparation par les acheteurs d’un tel véhicule, chaque État membre détermine ces modalités (voir, en ce sens, arrêt Mercedes-Benz Group, point 92).

68 Cela étant, ne serait pas conforme au principe d’effectivité une législation nationale qui rend, en pratique, impossible ou excessivement difficile l’obtention, par l’acheteur d’un véhicule à moteur, d’une réparation adéquate pour des dommages qui lui ont été causés par la violation, par le constructeur de ce véhicule, de l’interdiction énoncée à l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement (arrêt Mercedes-Benz Group, point 93).

69 En particulier, les conditions dans lesquelles un constructeur de véhicules peut invoquer une erreur insurmontable quant à l’illicéité du dispositif d’invalidation afin de se voir exonérer de toute responsabilité à ce titre ne sauraient être telles qu’elles rendent en pratique impossible ou excessivement difficile l’obtention, par l’acheteur d’un véhicule doté de ce dispositif, d’une telle réparation.

70 Selon la décision de renvoi, le constructeur automobile concerné a la possibilité, en vertu de l’arrêt du Bundesgerichtshof, d’être exonéré de toute responsabilité en invoquant et démontrant l’existence d’une erreur insurmontable quant à l’illicéité du dispositif d’invalidation équipant le véhicule en cause, ce qui exclut une négligence de sa part et, par là même, un droit à réparation de l’acquéreur de ce véhicule.

71 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’invocation d’une erreur insurmontable quant à l’illicéité du dispositif d’invalidation est envisagée, selon la jurisprudence nationale, comme une cause d’exonération de responsabilité pour négligence du constructeur automobile présentant un caractère exceptionnel.

72 En outre, comme l’explique la juridiction de renvoi, cette erreur insurmontable quant à l’illicéité d’un dispositif d’invalidation équipant des véhicules tels que ceux en cause au principal peut être utilement invoquée par le constructeur automobile lorsqu’elle est due au fait qu’une réception CE pour le type de véhicule concerné a été accordée par l’autorité compétente.

73 Il convient de rappeler, en premier lieu, que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, l’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite. Toutefois, cette interdiction connaît trois exceptions devant faire l’objet d’une interprétation stricte [voir, en ce sens, arrêt Mercedes-Benz Group, points 60 et 61].

74 En vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous a) à c), du règlement no 715/2007, cette interdiction ne s’applique pas lorsque « le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule » [sous a)], lorsque « le dispositif ne fonctionne pas au-delà des exigences du démarrage du moteur » [sous b)], ou lorsque « les conditions sont substantiellement incluses dans les procédures d’essai pour vérifier
les émissions par évaporation et les émissions moyennes au tuyau arrière d’échappement » [sous c)].

75 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les véhicules en cause au principal étaient équipés d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007.

76 Pour autant qu’aucune des exceptions visées aux points a) à c) de cette disposition ne s’applique aux dispositifs d’invalidation en cause, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, un constructeur automobile équipant ses véhicules avec de tels dispositifs ne saurait, dès lors, se prévaloir d’un comportement licite au regard de ladite disposition.

77 En second lieu, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 3, point 5, de la directive 2007/46, la notion de « réception par type CE » se réfère à l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant ou d’entité technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables de cette directive et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV ou à l’annexe XI de cette dernière.

78 La réception par type CE correspond ainsi à un standard de conformité pour un grand nombre de véhicules. Il constitue un indice que la conception du type de véhicule considéré, incluant le dispositif d’invalidation installé, est conforme aux dispositions et aux exigences applicables mentionnées au point précédent.

79 Or, il découle de la jurisprudence de la Cour qu’il n’est pas exclu qu’un type de véhicule couvert par une réception CE par type, permettant à ce véhicule d’être utilisé sur route, puisse être, à l’origine, réceptionné par l’autorité compétente en matière de réception sans que la présence d’un dispositif d’invalidation illicite lui ait été révélée. À cet égard, la directive 2007/46 envisage la situation dans laquelle l’illicéité d’un élément de conception d’un véhicule, au regard, par exemple,
des exigences de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, n’est découverte qu’après cette réception. Dans un tel cas, l’article 8, paragraphe 6, de cette directive prévoit que cette autorité peut annuler la réception d’un véhicule. En outre, il découle de l’article 13, paragraphe 1, première et troisième phrases, de ladite directive que, lorsqu’un constructeur informe un État membre ayant accordé la réception CE par type d’une modification des informations consignées dans le dossier
de réception, cet État membre peut, si cela est nécessaire, décider, en consultant le constructeur, qu’une nouvelle réception CE par type doit être octroyée. Enfin, l’article 30, paragraphe 1, de la même directive prévoit que, si un État membre ayant octroyé une réception CE par type constatait un défaut de conformité au type de véhicule qu’il avait réceptionné, il prend les mesures nécessaires, y compris, le cas échéant, le retrait de cette réception, pour faire en sorte que les véhicules
produits soient mis en conformité avec ce type (arrêt Mercedes-Benz Group, point 83 et jurisprudence citée).

80 Par conséquent, l’illicéité d’un dispositif d’invalidation équipant un véhicule à moteur, découverte après la réception CE par type pour ce véhicule, est susceptible de remettre en cause la validité de cette réception et, par extension, celle du certificat de conformité censé certifier que ledit véhicule, appartenant à la série du type réceptionné, satisfaisait à tous les actes réglementaires au moment de sa production (arrêt Mercedes-Benz Group, point 84).

81 Il s’ensuit que la réception CE par type d’un véhicule muni d’un dispositif d’invalidation ne signifie pas nécessairement que l’autorité nationale compétente a confirmé l’appréciation du constructeur du véhicule concerné quant au caractère prétendument licite de ce dispositif. En tout état de cause, une telle réception ou, encore moins, une réception hypothétique ne saurait exonérer ce constructeur de son obligation d’indemniser l’acheteur du véhicule concerné pour l’éventuel dommage causé par la
présence dudit dispositif dans son véhicule.

82 Admettre que la réception CE par type d’un véhicule muni d’un dispositif d’invalidation puisse constituer une cause d’exonération de la responsabilité du constructeur du véhicule aurait pour conséquence de rendre impossible ou excessivement difficile l’obtention, par l’acheteur dudit véhicule, d’une réparation adéquate pour les dommages qui lui ont été causés par la violation, par le constructeur de ce véhicule, de l’interdiction énoncée à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, ce
qui serait contraire au principe d’effectivité. En effet, retenir une telle cause d’exonération impliquerait que le droit à une réparation adéquate serait mis en échec dans tous les cas dans lesquels le véhicule concerné est conforme au type réceptionné, même s’il est constant que ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation illicite.

83 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive 2007/46, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, dans le cadre d’une action introduite par l’acheteur d’un véhicule à moteur en réparation du dommage causé par la présence dans ce véhicule d’un dispositif
d’invalidation illicite, au sens de cet article 5, paragraphe 2, à ce que le constructeur du véhicule puisse invoquer, comme cause d’exonération de sa responsabilité à ce titre, l’existence d’une erreur insurmontable quant à l’illicéité de ce dispositif due au fait qu’une réception CE par type dudit dispositif ou du véhicule qui en est équipé a été accordée par l’autorité nationale compétente ou que cette autorité, si elle avait été interrogée par ce constructeur, aurait confirmé l’appréciation
juridique de celui‑ci quant au caractère prétendument licite du dispositif d’invalidation concerné.

Sur la deuxième question

84 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, de manière générale, si un constructeur automobile qui a fourni une mise à jour d’un logiciel est tenu d’indemniser le propriétaire du véhicule lorsque celui‑ci a subi un préjudice dû au dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, installé par la mise à jour de ce logiciel.

85 Il ressort cependant du dossier dont dispose la Cour que cette question vise à déterminer, plus précisément, si la circonstance qu’un dispositif d’invalidation illicite était déjà installé au moment où la réception CE par type du véhicule qui en est équipé a été accordée ou, en revanche, ne l’a été qu’après celle-ci, a, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007 ainsi que de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 692/2008, une incidence
sur le droit à réparation de l’acquéreur du véhicule concerné ayant subi ce préjudice, tel que prévu par le droit de l’Union.

86 Compte tenu de ces précisions et eu égard à la jurisprudence de la Cour citée au point 59 du présent arrêt, il convient de reformuler la deuxième question de telle sorte que la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007 ainsi que l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 692/2008 doivent être interprétés en ce sens qu’ils exigent que l’acquéreur d’un véhicule dispose d’un droit à réparation à l’égard du
constructeur automobile lorsque cet acquéreur a subi un préjudice dû à un dispositif d’invalidation illicite, au sens de cet article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, installé par ce constructeur au moyen d’une mise à jour d’un logiciel après la réception CE par type de ce véhicule.

87 À cet égard, il ne ressort ni du libellé de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, qui prévoit que l’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite, sous réserve de certaines exceptions, ni de celui de l’article 3, point 10, de ce règlement, qui définit la notion de « dispositif d’invalidation », qu’il y a lieu de faire une distinction selon qu’un tel dispositif est installé au stade de la production d’un
véhicule ou seulement après la mise en service de ce dernier, notamment à la suite d’une réparation, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 1999/44, afin d’apprécier si l’utilisation de ce dispositif est interdite (arrêt du 14 juillet 2022, Volkswagen, C‑134/20, EU:C:2022:571, point 88).

88 Cette interprétation est confortée par le contexte dans lequel s’inscrivent ces dispositions du règlement no 715/2007 et l’objectif poursuivi par ce dernier (arrêt du 14 juillet 2022, Volkswagen, C‑134/20, EU:C:2022:571, point 89).

89 En effet, d’une part, en ce qui concerne le contexte desdites dispositions, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, seconde phrase, de ce règlement, les constructeurs démontrent que tous les nouveaux dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution qui nécessitent une réception et sont vendus ou mis en service dans l’Union européenne ont été réceptionnés conformément à ce règlement et à ses mesures d’exécution. Cet article 4, paragraphe 1, second
alinéa, précise que cette obligation comporte le respect des limites d’émission visées à l’annexe I dudit règlement et les mesures d’exécution visées à l’article 5 du même règlement (arrêt du 14 juillet 2022, Volkswagen, C‑134/20, EU:C:2022:571, point 90).

90 Lorsqu’un acheteur individuel acquiert un véhicule appartenant à la série d’un type de véhicule réceptionné, et, par ailleurs, accompagné d’un certificat de conformité, il peut raisonnablement s’attendre à ce que le règlement no 715/2007, et, notamment, l’article 5 de celui-ci, soit respecté s’agissant de ce véhicule (arrêt Mercedes-Benz Group, point 81 et jurisprudence citée).

91 Par ailleurs, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 692/2008, « [l]e constructeur s’assure que les dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution destinés à équiper les véhicules ayant obtenu la réception CE et relevant du champ d’application du règlement [no 715/2007] ont obtenu la réception CE en tant qu’entité technique distincte au sens de l’article 10, paragraphe 2, de la directive [2007/46], conformément aux articles 12 et 13 et à l’annexe XIII du présent
règlement » (arrêt du 14 juillet 2022, Volkswagen, C‑134/20, EU:C:2022:571, point 91).

92 Il découle de ces dispositions des règlements no 715/2007 et no 692/2008 que les dispositifs de maîtrise de la pollution doivent respecter les obligations prévues par le règlement no 715/2007, qu’ils soient installés à l’origine ou après la mise en service d’un véhicule (arrêt du 14 juillet 2022, Volkswagen, C‑134/20, EU:C:2022:571, point 92).

93 D’autre part, permettre aux constructeurs de véhicules d’installer, après la mise en service d’un véhicule, un dispositif d’invalidation ne respectant pas ces obligations serait contraire à l’objectif poursuivi par le règlement no 715/2007, qui consiste à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et, plus spécifiquement, à réduire considérablement les émissions d’oxyde d’azote (NOx) des véhicules à moteur diesel pour améliorer la qualité de l’air et respecter les valeurs limites
en termes de pollution (arrêt du 14 juillet 2022, Volkswagen, C‑134/20, EU:C:2022:571, point 93).

94 La circonstance qu’un dispositif d’invalidation a été installé après la mise en service d’un véhicule, lors d’une réparation au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 1999/44, n’est donc pas pertinente afin d’apprécier si l’utilisation de ce dispositif est interdite, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 3, point 10, de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, Volkswagen, C‑134/20, EU:C:2022:571, point 94).

95 En effet, indépendamment de la question de savoir si un dispositif d’invalidation était installé à l’origine, à savoir au moment de la réception CE par type, ou l’a été après, ce dispositif est de nature à créer une incertitude quant à la possibilité d’immatriculer, de vendre ou de mettre en service ledit véhicule et, à terme, à porter préjudice à l’acheteur d’un véhicule doté d’un tel dispositif (voir, en ce sens, arrêt Mercedes-Benz Group, point 84).

96 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007 ainsi que l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 692/2008 doivent être interprétés en ce sens qu’ils exigent que l’acquéreur d’un véhicule dispose d’un droit à réparation à l’égard du constructeur automobile, lorsque cet acquéreur a subi un préjudice dû à un dispositif d’invalidation illicite, au sens de cet article 5, paragraphe 2,
installé par ce constructeur au moyen d’une mise à jour d’un logiciel après la réception CE par type de ce véhicule.

Sur la troisième question

97 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, d’une part, à ce que soit imputé sur le montant de l’indemnité due à l’acquéreur d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, ayant subi un préjudice causé par ce dispositif, un montant correspondant au bénéfice tiré de l’utilisation de ce véhicule et, d’autre
part, à une limitation de cette indemnisation à un montant représentant 15 % du prix d’achat du véhicule.

98 Il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence visée au point 67 du présent arrêt, en l’absence de dispositions du droit de l’Union régissant les modalités d’obtention d’une réparation par les acheteurs d’un tel véhicule pour les dommages causés par le dispositif d’invalidation illicite l’équipant, il appartient à chaque État membre de déterminer ces modalités.

99 Cela étant, conformément à la jurisprudence citée au point 68 du présent arrêt, ne seraient pas conformes au principe d’effectivité des modalités déterminées par les États membres qui rendent, en pratique, impossible ou excessivement difficile l’obtention, par l’acheteur d’un véhicule à moteur, d’une réparation adéquate pour des dommages qui lui ont été causés par la violation, par le constructeur de ce véhicule, de l’interdiction énoncée audit article 5, paragraphe 2.

100 Sous cette réserve, il doit être relevé que les juridictions nationales sont fondées à veiller à ce que la protection des droits garantis par l’ordre juridique de l’Union, y compris celui de l’acheteur d’un véhicule à moteur à une réparation adéquate pour les dommages qui lui ont été causés par la violation, par le constructeur de ce véhicule, de l’interdiction énoncée à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit (voir, en ce
sens, arrêt Mercedes-Benz Group, point 94 et jurisprudence citée).

101 Il appartient ainsi à la juridiction de renvoi de vérifier si l’imputation du bénéfice tiré d’un avantage pour l’acheteur concerné dans le cadre de l’utilisation des véhicules ou, en l’occurrence, celle du bénéfice tiré de l’utilisation effective des véhicules en cause au principal assure une telle réparation adéquate aux acheteurs concernés, pour autant qu’il soit établi que ces derniers ont subi un préjudice lié à l’installation de dispositifs d’invalidation interdits dans ces véhicules, au
sens de cet article 5, paragraphe 2 (voir, en ce sens, arrêt Mercedes-Benz Group, point 95).

102 Dans ce contexte, le fait qu’un État membre établisse un lien entre le prix d’achat d’un tel véhicule et le montant de l’indemnité réparant le dommage subi par l’acquéreur du véhicule concerné ne saurait être considéré comme étant contraire au droit de l’Union, dans la mesure où l’appréciation de l’étendue de ce dommage, qui se matérialise notamment dans le risque que ce véhicule ne puisse pas être immatriculé, vendu ou mis en service, est liée au prix d’achat.

103 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du Bundesgerichtshof, l’étendue de la réparation du dommage relève de l’appréciation du juge du fond, mais elle ne peut être inférieure à 5 % de ce prix d’achat, sans être supérieure à 15 % de celui-ci, pour des raisons de proportionnalité.

104 Conformément à la jurisprudence de la Cour visée au point 66 du présent arrêt, la détermination, par un État membre, d’une telle fourchette d’indemnisation consistant en un pourcentage minimal et un pourcentage maximal du prix d’achat, en vue de fixer le montant d’une réparation adéquate dont doit bénéficier l’acquéreur du véhicule concerné, ne saurait, en principe, non plus être considérée comme étant contraire au droit de l’Union, pour autant que cette fourchette ne conduise pas à une
réparation inadéquate du dommage subi par l’acquéreur d’un véhicule doté d’un dispositif d’invalidation.

105 En l’occurrence, il y a lieu de constater que CM a réclamé le paiement d’une somme représentant 20 % du prix d’achat et, à défaut, au moins 15 % de ce prix, alors que DS a sollicité le paiement d’une indemnité laissée à l’appréciation de cette juridiction, sans qu’elle puisse être inférieure à l’équivalent de 15 % du prix d’achat.

106 Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si la fourchette d’indemnisation visée au point 103 du présent arrêt ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’obtention par CM et DS d’une réparation adéquate des dommages subis.

107 Eu égard à l’ensemble des observations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, d’une part, à ce que soit imputé sur le montant de l’indemnité due à l’acquéreur d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, ayant subi un préjudice causé par ce dispositif, un montant correspondant au bénéfice tiré de l’utilisation de
ce véhicule et, d’autre part, à une limitation de cette indemnisation à un montant représentant 15 % du prix d’achat du véhicule, pour autant que ladite indemnisation constitue une réparation adéquate du préjudice subi.

Sur les dépens

108 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre), telle que modifiée par le règlement (CE) no 385/2009 de la Commission, du 7 mai 2009, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE)
no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent, dans le cadre d’une action introduite par l’acheteur d’un véhicule à moteur en réparation du dommage causé par la présence dans ce véhicule d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de cet article 5, paragraphe 2, à ce que le constructeur du véhicule puisse invoquer, comme cause d’exonération de sa responsabilité à ce titre, l’existence d’une erreur insurmontable quant à l’illicéité de ce dispositif due au fait qu’une réception CE par type dudit dispositif ou du véhicule
qui en est équipé a été accordée par l’autorité nationale compétente ou que cette autorité, si elle avait été interrogée par ce constructeur, aurait confirmé l’appréciation juridique de celui‑ci quant au caractère prétendument licite du dispositif d’invalidation concerné.

  2) L’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007 ainsi que l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 692/2008 de la Commission, du 18 juillet 2008, portant application et modification du règlement no 715/2007, tel que modifié par le règlement (UE) no 566/2011 de la Commission, du 8 juin 2011,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils exigent que l’acquéreur d’un véhicule dispose d’un droit à réparation à l’égard du constructeur automobile, lorsque cet acquéreur a subi un préjudice dû à un dispositif d’invalidation illicite, au sens de cet article 5, paragraphe 2, installé par ce constructeur au moyen d’une mise à jour d’un logiciel après la réception CE par type de ce véhicule.

  3) Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, d’une part, à ce que soit imputé sur le montant de l’indemnité due à l’acquéreur d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, ayant subi un préjudice causé par ce dispositif, un montant correspondant au bénéfice tiré de l’utilisation de ce véhicule et, d’autre part, à une limitation de cette indemnisation à un montant représentant 15 % du
prix d’achat du véhicule, pour autant que ladite indemnisation constitue une réparation adéquate du préjudice subi.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-666/23
Date de la décision : 01/08/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht Ravensburg.

Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Réception des véhicules à moteur – Directive 2007/46/CE – Article 18, paragraphe 1 – Article 26, paragraphe 1 – Article 46 – Règlement (CE) no 715/2007 – Article 5, paragraphe 2 – Véhicules à moteur – Moteur diesel – Émissions de polluants – Réduction des émissions d’oxyde d’azote (NOx) limitée par une “fenêtre de températures” – Dispositif d’invalidation – Protection des intérêts d’un acheteur individuel d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite – Installation de ce dispositif après la mise en service du véhicule – Droit à réparation au titre de la responsabilité délictuelle du constructeur de ce véhicule – Cause d’exonération – Erreur insurmontable du constructeur quant à l’illicéité du dispositif d’invalidation – Principe d’effectivité – Réparation adéquate du dommage – Mode de calcul de la réparation – Fourchette d’indemnisation.


Parties
Demandeurs : CM et DS
Défendeurs : Volkswagen AG.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rantos
Rapporteur ?: Arastey Sahún

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:604

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