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01/08/2025 | CJUE | N°C-636/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, W contre Belgische Staat et X contre État belge., 01/08/2025, C-636/23


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

1er août 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Directive 2008/115/CE – Normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Article 3, points 4 et 6, article 7, paragraphes 1 et 4, article 8, paragraphes 1 et 2, article 11, paragraphe 1, et article 13 – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Décision

de retour – Non-octroi d’un délai de
départ volontaire – Interdiction d’entrée – Acte administratif susceptible d...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

1er août 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Directive 2008/115/CE – Normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Article 3, points 4 et 6, article 7, paragraphes 1 et 4, article 8, paragraphes 1 et 2, article 11, paragraphe 1, et article 13 – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Décision de retour – Non-octroi d’un délai de
départ volontaire – Interdiction d’entrée – Acte administratif susceptible de recours – Force exécutoire d’une décision de retour sans disposition relative à ce délai – Droit à un recours effectif – Décision d’interdiction d’entrée adoptée après un délai important »

Dans les affaires jointes C‑636/23 [Al Hoceima]i et C‑637/23 [Boghni] ( i ),

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites respectivement par le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen (Conseil du contentieux des étrangers, Belgique) et le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique), par décisions du 16 octobre 2023, parvenues à la Cour le 24 octobre 2023, dans les procédures

W

contre

Belgische Staat (C‑636/23),

et

X

contre

État belge, représenté par la Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration (C‑637/23),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de chambre, MM. D. Gratsias, E. Regan, J. Passer (rapporteur) et B. Smulders, juges,

avocat général : M. D. Spielmann,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour X, par Me M. Demol, avocat,

– pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs, C. Pochet et M. Van Regemorter, en qualité d’agents, assistées de Me T. Bricout, avocate,

– pour le gouvernement tchèque, par Mme A. Edelmannová, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme A. Hoesch, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme A. Katsimerou et M. S. Noë, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 janvier 2025,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 3, points 4 et 6, de l’article 7, paragraphes 1 et 4, de l’article 8, paragraphes 1 et 2, de l’article 11, paragraphe 1, ainsi que de l’article 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98), lus à la lumière de
l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant W (C‑636/23) et X (C‑637/23), tous deux ressortissants d’un pays tiers, respectivement au Belgische Staat (État belge) et à l’État belge au sujet d’un ordre de quitter le territoire et d’une interdiction d’entrée.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 2, 6, 10, 11 et 14 de la directive 2008/115 sont libellés comme suit :

« (2) Le Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004 a recommandé la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.

[...]

(6) Les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. [...]

[...]

(10) Lorsqu’il n’y a pas de raison de croire que l’effet utile d’une procédure de retour s’en trouve compromis, il convient de privilégier le retour volontaire par rapport au retour forcé et d’accorder un délai de départ volontaire. Une prolongation de ce délai de départ volontaire devrait être prévue si cela est considéré comme nécessaire en raison des circonstances propres à chaque cas. Afin d’encourager le retour volontaire, les États membres devraient prévoir une assistance et un soutien
renforcés en vue du retour et exploiter au mieux les possibilités de financement correspondantes offertes dans le cadre du Fonds européen pour le retour.

(11) Il y a lieu d’arrêter un ensemble commun minimal de garanties juridiques, applicables aux décisions liées au retour, afin d’assurer une protection efficace des intérêts des personnes concernées. [...]

[...]

(14) Il y a lieu de conférer une dimension européenne aux effets des mesures nationales de retour par l’instauration d’une interdiction d’entrée excluant toute entrée et tout séjour sur le territoire de l’ensemble des États membres. [...] »

4 L’article 3 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

3) “retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

– son pays d’origine, ou

– un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

– un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

4) “décision de retour” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ;

[...]

6) “interdiction d’entrée” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour ;

[...] »

5 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive :

« Les États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5. »

6 L’article 7 de la même directive, intitulé « Départ volontaire », prévoit, à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1.   La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande.

Le délai prévu au premier alinéa n’exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt.

[...]

4.   S’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. »

7 L’article 8 de la directive 2008/115, intitulé « Éloignement », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7.

2.   Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l’article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu’après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l’article 7, paragraphe 4, n’apparaisse. »

8 L’article 11 de cette directive, intitulé « Interdiction d’entrée », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée :

a) si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou

b) si l’obligation de retour n’a pas été respectée.

Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée. »

9 L’article 12 de ladite directive, intitulé « Forme », dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée ainsi que les décisions d’éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. »

10 L’article 13 de la même directive, intitulé « Voies de recours », prévoit :

« 1.   Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

2.   L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale.

3.   Le ressortissant concerné d’un pays tiers a la possibilité d’obtenir un conseil juridique, une représentation juridique et, en cas de besoin, une assistance linguistique.

4.   Les États membres veillent à ce que l’assistance juridique et/ou la représentation nécessaires soient accordées sur demande gratuitement conformément à la législation ou à la réglementation nationale applicable en matière d’assistance juridique et peuvent prévoir que cette assistance juridique et/ou cette représentation gratuites sont soumises aux conditions énoncées à l’article 15, paragraphes 3 à 6, de la directive 2005/85/CE [du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes
minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO 2005, L 326, p. 13)]. »

11 L’article 14 de la directive 2008/115, intitulé « Garanties dans l’attente du retour », dispose, à son paragraphe 1 :

« Sauf dans la situation visée aux articles 16 et 17, les États membres veillent à ce que les principes ci-après soient pris en compte dans la mesure du possible en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers au cours du délai de départ volontaire accordé conformément à l’article 7 et au cours des périodes pendant lesquelles l’éloignement a été reporté conformément à l’article 9 :

a) l’unité familiale avec les membres de la famille présents sur le territoire est maintenue ;

b) les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés ;

c) les mineurs ont accès au système éducatif de base en fonction de la durée de leur séjour ;

d) les besoins particuliers des personnes vulnérables sont pris en compte. »

Le droit belge

12 L’article 1er, paragraphe 1, 6° et 8°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (Moniteur belge du 31 décembre 1980, p. 14584, ci-après la « loi du 15 décembre 1980 »), qui vise à transposer l’article 3, points 4 et 6, de la directive 2008/115, se lit comme suit :

« Pour l’application de la présente loi, il faut entendre par :

[...]

6° décision d’éloignement : la décision constatant l’illégalité du séjour d’un étranger et imposant une obligation de retour ;

[...]

8° interdiction d’entrée : la décision qui peut accompagner une décision d’éloignement et qui interdit, pendant une durée déterminée, l’entrée et le séjour, soit sur le territoire du Royaume, soit sur le territoire de tous les États membres, en ce compris celui du Royaume ».

13 L’article 7, premier alinéa, 1° et 3°, de cette loi, lequel vise à transposer l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/115, dispose :

« Sans préjudice de dispositions plus favorables contenues dans un traité international, le ministre ou son délégué peut, ou, dans les cas visés aux 1°, 2°, 5°, 9°, 11° ou 12°, le ministre ou son délégué doit donner à l’étranger, qui n’est ni autorisé ni admis à séjourner plus de trois mois ou à s’établir dans le Royaume, un ordre de quitter le territoire dans un délai déterminé :

1° s’il demeure dans le Royaume sans être porteur des documents requis par l’article 2 ;

[...]

3° si, par son comportement, il est considéré comme pouvant compromettre l’ordre public ou la sécurité nationale ».

14 L’article 39/56, premier alinéa, de ladite loi prévoit :

« Les recours visés à l’article 39/2 peuvent être portés devant le Conseil par l’étranger justifiant d’une lésion ou d’un intérêt. »

15 L’article 74/11 de la même loi vise à transposer l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115 et prévoit notamment que la durée de l’interdiction d’entrée est fixée en tenant compte de toutes les circonstances propres à chaque cas.

16 Aux termes de l’article 74/14 de la loi du 15 décembre 1980 :

« § 1er. La décision d’éloignement prévoit un délai de trente jours pour quitter le territoire.

[...]

Sur demande motivée introduite par le ressortissant d’un pays tiers auprès du ministre ou de son délégué, le délai octroyé pour quitter le territoire, mentionné à l’alinéa 1er, est prolongé, sur production de la preuve que le retour volontaire ne peut se réaliser endéans le délai imparti.

Si nécessaire, ce délai peut être prolongé, sur demande motivée introduite par le ressortissant d’un pays tiers auprès du ministre ou de son délégué, afin de tenir compte des circonstances propres à sa situation, comme la durée de séjour, l’existence d’enfants scolarisés, la finalisation de l’organisation du départ volontaire et d’autres liens familiaux et sociaux.

[...]

§ 2. Aussi longtemps que le délai pour le départ volontaire court, le ressortissant d’un pays tiers est protégé contre un éloignement forcé.

Pour éviter le risque de fuite pendant ce délai, le ministre ou son délégué peut contraindre le ressortissant d’un pays tiers à remplir des mesures préventives.

[…]

§ 3. Il peut être dérogé au délai prévu au § 1er, quand :

1° il existe un risque de fuite, ou ;

2° le ressortissant d’un pays tiers n’a pas respecté la mesure préventive imposée, ou ;

3° le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale ou ;

[...]

Dans ce cas, la décision d’éloignement prévoit soit un délai inférieur à sept jours, soit aucun délai. »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C‑636/23

17 W déclare être de nationalité marocaine. Le 3 janvier 2015, le délégué du Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration et à la simplification administrative a pris, à l’égard de W, un ordre de quitter le territoire et une interdiction d’entrée d’une durée de trois ans. Le 22 mai 2019, W a déposé une demande de protection internationale auprès des autorités belges. Le 7 juin 2019, W a été condamné par le correctionele rechtbank Antwerpen (tribunal correctionnel d’Anvers, Belgique) à une peine de
dix-huit mois d’emprisonnement, dont neuf mois avec sursis pendant cinq ans, pour infractions à la législation sur les stupéfiants. Par une décision du 9 juillet 2019, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides a refusé d’octroyer à W le statut de réfugié et la protection subsidiaire.

18 Le 18 juillet 2019, les autorités belges ont émis un ordre de quitter le territoire et une interdiction d’entrée pour une durée de huit ans à l’égard de W, lesquels lui ont été notifiés à la même date. Aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à W, au motif qu’il existait un risque de fuite et que W constituait un danger pour l’ordre public et la sécurité nationale.

19 Par une requête déposée le 19 août 2019, W a saisi le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen (Conseil du contentieux des étrangers, Belgique), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours en suspension et en annulation dirigé contre cet ordre de quitter le territoire et cette interdiction d’entrée.

20 Par un arrêt du 19 novembre 2019, cette juridiction a annulé lesdits ordre de quitter le territoire et interdiction d’entrée, estimant que W avait fait valoir à juste titre que les motifs de la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire étaient illégaux. Ladite juridiction a considéré, notamment, en faisant référence à la jurisprudence de la Cour, que toute appréciation d’un risque de fuite doit être basée sur un examen individuel de la situation de l’individu concerné et que,
en l’occurrence, l’existence d’un danger pour l’ordre public n’était pas motivée d’une manière suffisante. Selon la même juridiction, l’indication d’un délai de départ volontaire constitue un élément constitutif ou essentiel d’un ordre de quitter le territoire. Dès lors, elle a annulé l’ordre de quitter le territoire en cause dans son intégralité.

21 L’État belge a introduit un recours en cassation auprès du Raad van State (Conseil d’État, Belgique) contre cet arrêt en ce qui concerne l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, mais sans contester celle de l’interdiction d’entrée.

22 Par un arrêt du 1er septembre 2022, le Raad van State (Conseil d’État) a partiellement annulé l’arrêt du 19 novembre 2019, mentionné au point 20 du présent arrêt, au motif, notamment, que l’octroi ou non d’un délai de départ volontaire est une simple mesure d’exécution ne modifiant pas la situation juridique du ressortissant étranger concerné, dès lors qu’il est sans incidence sur la constatation d’un séjour irrégulier sur le territoire concerné.

23 En conséquence, la juridiction de renvoi doit statuer à nouveau sur le recours de W contre l’ordre de quitter le territoire émis à son égard. Dans ce contexte, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si le non-octroi d’un délai de départ volontaire dans le cadre d’une décision de retour doit effectivement être considéré comme constituant une simple mesure d’exécution, non susceptible de recours, de cette décision de retour, ne modifiant pas la situation juridique du ressortissant
étranger concerné. Ladite juridiction considère notamment que, dès lors que le non-octroi d’un délai de départ volontaire est inclus dans une décision de retour et y est motivé, il semble nécessaire de prévoir un recours effectif contre cet aspect de cette décision de retour. En effet, selon la même juridiction, une solution contraire pourrait donner lieu à des situations dans lesquelles le fondement juridique même de la délivrance d’une interdiction d’entrée, à savoir le fait qu’aucun délai n’a
été accordé pour le départ volontaire, ne pourrait être contesté, puisque le Raad van State (Conseil d’État) n’accepte pas non plus que, dans le cadre d’un recours dirigé uniquement contre une interdiction d’entrée, un moyen puisse être développé contre le non-octroi d’un délai de départ volontaire, notamment parce qu’il s’agit d’un moyen contre une autre décision. La juridiction de renvoi souligne que l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115 énonce que les décisions de retour sont
assorties d’une interdiction d’entrée si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire.

24 Estimant que, à la suite de l’arrêt du 1er septembre 2022 du Raad van State (Conseil d’État), elle se trouve dans une situation dans laquelle le seul acte attaqué devant elle est l’ordre de quitter le territoire concerné, lequel n’accorde pas de délai pour le départ volontaire, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’obligation ou la possibilité, pour l’autorité compétente, de prendre une nouvelle décision d’interdiction d’entrée, s’interrogeant ainsi au sujet de la prise d’une telle décision
même après un délai important. Cette juridiction souhaite, notamment, également savoir si le non-octroi d’un délai de départ volontaire, dans le cadre de l’obligation de retour imposée ou énoncée par une décision de retour, constitue un élément essentiel de cette décision de retour, de sorte que, si une illégalité est constatée concernant ce délai, ladite décision de retour devient caduque dans son intégralité et une nouvelle décision de retour doit être prise.

25 Dans ces conditions, le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen (Conseil du contentieux des étrangers) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions de l’article 7, paragraphe 4, de l’article 8, paragraphes 1 et 2, et de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115, lues, conjointement ou séparément, à la lumière de l’article 13 de la directive 2008/115 et de l’article 47 de la [Charte], doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce que le non‑octroi d’un délai de départ volontaire soit considéré comme une simple mesure d’exécution ne modifiant pas la situation juridique du ressortissant
étranger concerné, dès lors que l’octroi ou non d’un délai de départ volontaire n’enlève rien à la constatation première du séjour irrégulier sur le territoire ?

2) Si la première question appelle une réponse affirmative, les termes “qui accompagne” figurant à l’article 3, point 6, [de la directive 2008/115] et les termes “sont assorties”, figurant à l’article 11, paragraphe 1, de [cette directive], doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que l’autorité compétente puisse ou doive adopter, même après un laps de temps considérable, une interdiction d’entrée fondée sur une décision de retour qui n’a pas accordé de délai pour le
départ volontaire ?

Si cette question appelle une réponse négative, ces termes impliquent-ils qu’une décision de retour, qui n’accorde pas de délai pour le départ volontaire, doit être assortie d’une interdiction d’entrée simultanément ou dans un délai raisonnablement bref ?

Si cette question appelle une réponse affirmative, le droit au recours effectif, garanti par l’article 13 de la directive 2008/115 et par l’article 47 de la [Charte] implique-t-il de pouvoir contester, dans le cadre du recours contre la décision de retour, la légalité d’une décision de ne pas accorder un délai pour le départ volontaire, lorsque, à défaut, la légalité du fondement juridique de l’interdiction d’entrée ne peut plus être utilement contestée ?

3) Si la première question appelle une réponse affirmative, les termes “prévoit un délai approprié” [figurant à] l’article 7, paragraphe 1, [de la directive 2008/115] et “et [...] une obligation de retour” [figurant à] l’article 3, point 4, de [cette directive] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une disposition relative au délai, ou, en tout état de cause, le non‑octroi d’un délai, dans le cadre de l’obligation de départ est un élément essentiel d’une décision de retour, de sorte que, si
une illégalité est constatée concernant ce délai, la décision de retour devient caduque dans son intégralité et une nouvelle décision de retour doit être prise ?

Si la Cour estime que le refus d’octroyer un délai n’est pas un élément essentiel d’une décision de retour, et dans l’hypothèse où l’État membre concerné n’a pas fait usage, dans le cadre de l’article 7, [paragraphe 1,] de la directive 2008/115, de la faculté de ne fixer de délai qu’à la demande du ressortissant concerné [d’un pays tiers], quelle est la portée pratique et la force exécutoire d’une décision de retour, au sens de l’article 3, point 4, de la directive 2008/115, qui serait privée
de son volet relatif au délai ? »

L’affaire C‑637/23

26 X déclare être arrivé depuis deux ans en Belgique, y être hébergé chez son frère et être de nationalité algérienne.

27 Le 27 janvier 2023, X a été privé de liberté à la suite d’un rapport administratif de contrôle d’un étranger.

28 Le 28 janvier 2023, X s’est vu notifier un ordre de quitter le territoire avec reconduite à la frontière et maintien en vue d’éloignement, ainsi qu’une interdiction d’entrée d’une durée de deux ans. Aucun délai ne lui a été accordé pour son départ volontaire.

29 S’agissant du motif pour lequel aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à X, il est indiqué qu’il existe un risque de fuite, au sens de l’article 74/14, paragraphe 3, 1°, de la loi du 15 décembre 1980. Le non-octroi d’un tel délai est notamment motivé comme suit :

« 1° L’intéressé n’a pas introduit de demande de séjour ou de protection internationale à la suite de son entrée illégale ou durant son séjour illégal ou dans le délai prévu par la présente loi.

L’intéressé prétend séjourner en Belgique depuis 2 ans. Le dossier administratif ne montre pas qu’il a essayé de régulariser son séjour de la manière légalement prévue.

3° L’intéressé ne collabore pas ou n’a pas collaboré dans ses rapports avec les autorités.

L’intéressé ne s’est pas présenté à la commune dans le délai [légal] et ne fournit aucune preuve qu’il loge à l’hôtel. »

30 La libération de X a été ordonnée par un jugement du 6 février 2023 du tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons (Belgique), lequel a été confirmé en appel par un arrêt du 21 février 2023 de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Mons (Belgique).

31 Par une requête déposée le 6 février 2023, X a saisi le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant à la suspension et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire avec reconduite à la frontière et de l’interdiction d’entrée, pris à son égard le 28 janvier 2023.

32 Devant cette juridiction, s’agissant de cet ordre de quitter le territoire avec reconduite à la frontière, X fait valoir en substance que l’État belge n’a pas respecté l’obligation qui lui incombait de procéder à un examen individuel avant d’établir un risque de fuite. X soutient également qu’il ne suffit pas de renvoyer aux critères contenus à l’article 1er, paragraphe 2, de la loi du 15 décembre 1980, mais qu’il faut aussi justifier en quoi ces critères s’appliquent à chaque cas d’espèce. Selon
X, rien dans la motivation dudit ordre ou dans le dossier administratif ne permet de comprendre pourquoi l’État belge s’est appuyé sur un quelconque risque de fuite pour écarter le délai ordinaire de 30 jours prévu par cette loi. S’agissant de cette interdiction d’entrée, X argue que celle-ci est motivée également de manière inadéquate et insuffisante en ce qu’elle se fonde sur un risque de fuite de X.

33 Interrogé à l’audience devant ladite juridiction sur la nature de la décision de ne pas lui accorder un délai pour quitter le territoire belge, X soutient que, dès lors que cette décision produit des effets juridiques, notamment en ce qui concerne la détention et l’interdiction d’entrée, elle ne constitue pas une simple mesure d’exécution et doit donc pouvoir être contestée en justice. L’État belge fait quant à lui valoir que ladite décision n’est pas susceptible de recours.

34 Interrogé à cette audience quant au maintien de l’intérêt de contester la décision de reconduite à la frontière, l’État belge soutient que, compte tenu de la libération de X, cet intérêt a disparu. Sur ce point, X s’en remet à la sagesse de la juridiction de renvoi, laquelle estime que, X ayant été libéré, le recours est frappé de caducité en ce qu’il vise cette décision.

35 Ainsi, dans ce contexte, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si le non-octroi d’un délai de départ volontaire dans le cadre d’une décision de retour doit être considéré comme constituant une simple mesure d’exécution de cette décision de retour ne modifiant pas la situation juridique du ressortissant étranger concerné. En outre, elle se demande si le droit à un recours effectif, garanti par l’article 13 de la directive 2008/115 et par l’article 47 de la Charte, implique de
pouvoir contester, dans le cadre d’un recours contre une décision de retour, la légalité de la décision de ne pas accorder un délai pour le départ volontaire lorsque, à défaut, la légalité du fondement juridique de l’interdiction d’entrée accompagnant cette décision de retour ne peut plus être utilement contestée. Enfin, elle se questionne sur le point de savoir si une disposition relative au délai de départ volontaire, dans le cadre de l’obligation de retour imposée ou énoncée par une décision
de retour, constitue un élément essentiel de cette décision de retour, de sorte que, si une illégalité est constatée concernant ce délai, ladite décision de retour devient caduque dans son intégralité et une nouvelle décision de retour doit être prise.

36 Dans ces conditions, le Conseil du contentieux des étrangers a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions de l’article 7, paragraphe 4, de l’article 8, paragraphes 1 et 2, et de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115, lues, conjointement ou séparément, à la lumière de l’article 13 de la directive 2008/115 et de l’article 47 de la [Charte], doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce que le non‑octroi d’un délai de départ volontaire soit considéré comme une simple mesure d’exécution ne modifiant pas la situation juridique du ressortissant
étranger concerné, dès lors que l’octroi ou non d’un délai de départ volontaire n’enlève rien à la constatation première du séjour irrégulier sur le territoire ?

Par ailleurs, le droit au recours effectif, garanti par l’article 13 de la directive 2008/115 et par l’article 47 de la [Charte] implique-t-il de pouvoir contester, dans le cadre d’un recours contre la décision de retour, la légalité d’une décision de ne pas accorder un délai pour le départ volontaire, [lorsque,] à défaut, la légalité du fondement juridique de l’interdiction d’entrée ne peut plus être utilement contestée ?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, les termes “prévoit un délai approprié” [figurant à] l’article 7, paragraphe 1, [de la directive 2008/115] et “et [...] une obligation de retour” [figurant à] l’article 3, point 4, de [cette directive] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une disposition relative au délai, ou, en tout état de cause, le non‑octroi d’un délai, dans le cadre de l’obligation de départ est un élément essentiel d’une décision de retour, de sorte que, si une
illégalité est constatée concernant ce délai, la décision de retour devient caduque dans son intégralité et une nouvelle décision de retour doit être prise ?

Si la Cour est d’avis que le refus d’octroyer un délai n’est pas un élément essentiel de la décision de retour, et dans l’hypothèse où l’État membre concerné n’a pas fait usage, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/115, de la faculté de ne fixer de délai qu’à la demande du ressortissant concerné [d’un pays tiers], quelle portée pratique et quelle force exécutoire accorder à une décision de retour, au sens de l’article 3, point 4, de la directive 2008/115, qui se
verrait privée de sa composante relative au délai ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question dans l’affaire C‑636/23 et la première partie de la première question dans l’affaire C‑637/23

37 Par sa première question dans l’affaire C‑636/23 et la première partie de sa première question dans l’affaire C‑637/23, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 4, l’article 8, paragraphes 1 et 2, et l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que le non-octroi d’un délai de départ volontaire soit considéré comme constituant une simple mesure d’exécution ne
modifiant pas la situation juridique du ressortissant concerné d’un pays tiers, dès lors que l’octroi ou non de ce délai n’affecte pas la constatation du séjour irrégulier de ce ressortissant sur le territoire de l’État membre concerné.

38 S’agissant de la nature juridique d’une décision d’octroi d’un délai de départ volontaire, il convient de rappeler que la directive 2008/115 établit avec précision la procédure à appliquer par chaque État membre au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et fixe l’ordre de déroulement des différentes étapes que cette procédure comporte successivement (arrêt du 28 avril 2011, El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 34).

39 L’article 6, paragraphe 1, de cette directive prévoit, à titre principal, une obligation, pour les États membres, de prendre une décision de retour à l’égard de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans le cadre de cette étape initiale de la procédure de retour, une priorité doit être accordée, sauf exceptions, à l’exécution volontaire de l’obligation résultant de la décision de retour, ainsi qu’il ressort du considérant 10 de ladite directive. À cet égard,
l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci dispose que cette décision prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2011, El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, points 35 et 36).

40 Les États membres peuvent néanmoins s’abstenir d’accorder un tel délai ou accorder un délai inférieur à sept jours en présence de circonstances particulières expressément énumérées à cet article 7, paragraphe 4, à savoir lorsqu’il existe un risque de fuite, lorsqu’une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse ou lorsque la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale (voir, en ce sens,
arrêt du 28 avril 2011, El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 37).

41 Lorsqu’un État membre s’est abstenu d’accorder un délai de départ volontaire, ainsi que dans une situation dans laquelle l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire, l’article 8, paragraphes 1 et 4, de la directive 2008/115 impose à l’État membre concerné l’obligation de procéder à l’éloignement, en prenant toutes les mesures nécessaires, y compris, le cas échéant, des mesures coercitives, de manière proportionnée et dans le respect des droits
fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2011, El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 38).

42 En revanche, il ressort des termes de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2008/115 que, si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l’article 7 de cette directive, la décision de retour ne peut être exécutée qu’après l’expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à cet article 7, paragraphe 4, n’apparaisse.

43 Ainsi, l’ordre de déroulement des étapes de la procédure de retour établie par la directive 2008/115 correspond à une gradation des mesures à prendre en vue de l’exécution de la décision de retour, gradation allant de la mesure qui laisse le plus de liberté à l’intéressé, à savoir l’octroi d’un délai pour son départ volontaire, à des mesures qui restreignent le plus celle-ci, à savoir la rétention dans un centre spécialisé, le respect du principe de proportionnalité devant être assuré au cours de
toutes ces étapes (arrêt du 28 avril 2011, El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 41).

44 Il résulte de ce qui précède qu’une décision de retour ne peut pas être exécutée immédiatement au seul motif que l’intéressé séjourne illégalement dans l’État membre concerné, sauf dans les situations visées à l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2008/115.

45 Partant, une décision portant sur l’octroi ou non d’un délai de départ volontaire entraîne des conséquences juridiques immédiates, que les autorités nationales compétentes sont tenues de mettre en œuvre.

46 En outre, l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/115 prévoit qu’une interdiction d’entrée sera prononcée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée.

47 Le constat de ces conséquences juridiques d’une décision portant sur l’octroi ou non d’un délai de départ volontaire s’inscrit dans l’objectif de l’article 7 de la directive 2008/115, puisque, en prévoyant que les États membres sont, en principe, tenus d’accorder un délai de départ volontaire aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, cet article vise, notamment, à assurer le respect des droits fondamentaux de ces ressortissants lors de la mise en œuvre d’une décision de retour prise
au titre de l’article 6 de cette directive. En effet, conformément à l’article 79, paragraphe 2, TFUE, l’objectif poursuivi par ladite directive, ainsi qu’il découle de ses considérants 2 et 11, est de mettre en place une politique efficace d’éloignement et de rapatriement fondée sur des normes et des garanties juridiques communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux ainsi que de leur dignité (voir, en ce
sens, arrêt du 11 juin 2015, Zh. et O., C‑554/13, EU:C:2015:377, point 47).

48 La circonstance selon laquelle l’octroi d’un délai de départ volontaire ne modifie pas le caractère irrégulier du séjour sur le territoire de l’État membre concerné n’infirme en rien cette interprétation. S’il est vrai que le ressortissant d’un pays tiers reste en séjour irrégulier au cours du délai qui lui est octroyé pour son retour volontaire, il n’en demeure pas moins que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 53 de ses conclusions, l’absence d’octroi d’un délai de
départ volontaire produit, ainsi qu’il a été constaté au point 45 du présent arrêt, des conséquences importantes sur la situation juridique de ce ressortissant.

49 Enfin, il ressort des termes de l’article 14, paragraphe 1, de ladite directive que, sauf dans la situation visée aux articles 16 et 17 de celle-ci, les États membres veillent à ce que soient pris en compte dans la mesure du possible, en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers au cours du délai de départ volontaire, les principes selon lesquels l’unité familiale avec les membres de la famille présents sur le territoire concerné est maintenue, les soins médicaux d’urgence et du traitement
indispensable des maladies sont assurés, les mineurs ont accès au système éducatif de base en fonction de la durée de leur séjour et les besoins particuliers des personnes vulnérables sont pris en compte.

50 Par conséquent, une décision portant sur l’octroi ou non d’un délai de départ volontaire ne saurait être considérée comme constituant une simple mesure d’exécution ne modifiant pas la situation juridique du ressortissant concerné d’un pays tiers.

51 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question dans l’affaire C‑636/23 et à la première partie de la première question dans l’affaire C‑637/23 que l’article 7, paragraphe 4, l’article 8, paragraphes 1 et 2, et l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que le non-octroi d’un délai de départ volontaire soit considéré comme constituant une simple mesure d’exécution ne modifiant pas la
situation juridique du ressortissant concerné d’un pays tiers.

Sur la troisième partie de la deuxième question dans l’affaire C‑636/23 et la deuxième partie de la première question dans l’affaire C‑637/23

52 Par la troisième partie de sa deuxième question dans l’affaire C‑636/23 et la deuxième partie de sa première question dans l’affaire C‑637/23, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 de la directive 2008/115, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il impose qu’une décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire puisse être contestée dans le cadre d’un recours contentieux.

53 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 13, paragraphe 1, de cette directive garantit au ressortissant concerné d’un pays tiers une voie de recours effective pour contester les décisions de retour, les décisions d’interdiction d’entrée sur le territoire des États membres et les décisions d’éloignement, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

54 Ces garanties procédurales, combinées avec celles prévues à l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2008/115, à savoir l’obligation, pour les États membres, de rendre leurs décisions de retour par écrit, en y indiquant les motifs de fait et de droit et en précisant les voies de recours, assurent la protection et la défense de l’intéressé contre une décision qui l’affecte défavorablement (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 58).

55 En particulier, lorsque l’autorité nationale compétente envisage d’adopter une décision de retour, cette autorité doit entendre l’intéressé à ce sujet. Il découle du droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision de retour l’obligation, pour les autorités nationales compétentes, de permettre à l’intéressé d’exprimer son point de vue sur les modalités de son retour, à savoir le délai de départ et le caractère volontaire ou contraignant du retour. Ainsi, le ressortissant de pays tiers en
séjour irrégulier concerné aura l’occasion de contester, s’il le souhaite, l’appréciation faite par l’administration de sa situation dans le cadre d’un recours contentieux (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, points 49, 51 et 57).

56 Dans ces conditions, un recours effectif doit être garanti tant en ce qui concerne la décision d’accorder ou non un délai de départ volontaire qu’en ce qui concerne la durée de ce délai. En effet, le ressortissant concerné d’un pays tiers doit pouvoir contester devant un tribunal ou une instance impartiale similaire une décision qui ne lui accorde pas de délai de départ volontaire, adoptée au titre de l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2008/115, de même qu’il doit pouvoir faire valoir que
le délai de départ qui lui a été accordé conformément à cet article 7, paragraphe 1, n’est pas approprié.

57 Il y a lieu de répondre à la troisième partie de la deuxième question dans l’affaire C‑636/23 et à la deuxième partie de la première question dans l’affaire C‑637/23 que l’article 13 de la directive 2008/115, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’une décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire doit pouvoir être contestée dans le cadre d’un recours contentieux.

Sur les première et deuxième parties de la deuxième question dans l’affaire C‑636/23

58 Par les première et deuxième parties de sa deuxième question dans l’affaire C‑636/23, la juridiction de renvoi demande, en substance, en cas de réponse affirmative à la première question dans cette affaire, si les termes « qui accompagne » et « sont assorties », figurant respectivement à l’article 3, point 6, et à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que l’autorité nationale compétente impose une interdiction
d’entrée, même après un délai considérable, sur le fondement d’une décision de retour n’accordant aucun délai de départ volontaire.

59 Il y a lieu de rappeler que l’article 3, point 6, de la directive 2008/115 définit l’« interdiction d’entrée » comme étant « une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour ». Cette dernière décision est définie à l’article 3, point 4, de cette directive comme étant « une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant
illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ».

60 Aux termes du considérant 14 de la directive 2008/115, une interdiction d’entrée vise à interdire à son destinataire l’entrée et le séjour sur le territoire de l’ensemble des États membres, et confère ainsi une « dimension européenne » aux effets des mesures nationales de retour.

61 Ainsi qu’il a été rappelé au point 46 du présent arrêt, aux termes de l’article 11, paragraphe 1, de cette directive, « [l]es décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée. Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée ».

62 Il découle du libellé de l’article 3, points 4 et 6, ainsi que de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115 qu’une « interdiction d’entrée » est censée compléter une décision de retour, en interdisant à l’intéressé pour une durée déterminée après son « retour », tel que ce terme est défini à l’article 3, point 3, de cette directive, et donc après son départ du territoire des États membres, d’entrer à nouveau sur ce territoire et d’y séjourner ensuite. Une interdiction d’entrée ne
produit, par conséquent, ses effets qu’à partir du moment où l’intéressé quitte effectivement ledit territoire (arrêt du 3 juin 2021, Westerwaldkreis, C‑546/19, EU:C:2021:432, point 52 et jurisprudence citée).

63 Il s’ensuit que les termes « qui accompagne » et « sont assorties », figurant respectivement à l’article 3, point 6, et à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115, peuvent être assimilés au terme « compléter », au sens de la jurisprudence mentionnée au point 62 du présent arrêt.

64 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 66 à 68 de ses conclusions, la Cour n’a pas employé le verbe « compléter » en ce sens qu’une interdiction d’entrée peut être seulement rattachée simultanément ou après un bref délai à une décision de retour qui n’accorde pas un délai de départ volontaire, mais dans le sens d’« être complémentaire » à cette décision, et fait référence à un lien de rattachement matériel selon lequel ladite décision constitue, en principe, une
condition préalable nécessaire à la validité de cette interdiction d’entrée.

65 Cette interprétation est confirmée par le libellé de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115. En effet, non seulement l’hypothèse d’une interdiction d’entrée adoptée en conséquence du fait qu’aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, telle que visée par la juridiction de renvoi et prévue à cet article 11, paragraphe 1, sous a), ne requiert aucun lien de simultanéité entre la décision de retour et l’interdiction d’entrée concernées, mais l’hypothèse mentionnée audit
article 11, paragraphe 1, sous b), exclut explicitement un tel lien, étant donné qu’elle vise une interdiction d’entrée imposée après une décision de retour.

66 Partant, l’autorité nationale compétente pour prononcer une interdiction d’entrée dont est assortie une décision de retour qui n’a pas accordé un délai de départ volontaire n’est pas tenue d’adopter cette décision et cette interdiction d’entrée simultanément, ni même dans un bref délai après l’adoption de ladite décision de retour.

67 Il y a lieu de répondre aux première et deuxième parties de la deuxième question dans l’affaire C‑636/23 que l’article 3, point 6, et l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que l’autorité nationale compétente impose une interdiction d’entrée, même après un délai considérable, sur le fondement d’une décision de retour n’accordant aucun délai de départ volontaire.

Sur la troisième question dans l’affaire C‑636/23 et la seconde question dans l’affaire C‑637/23

68 Par sa troisième question dans l’affaire C‑636/23 et sa seconde question dans l’affaire C‑637/23, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, point 4, et l’article 7 de la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens que l’illégalité de la disposition relative au délai de départ volontaire figurant dans une décision de retour entraîne l’annulation de cette décision de retour dans son intégralité. Dans la négative, et dans l’hypothèse où l’État membre concerné n’a pas
fait usage de la faculté, prévue à cet article 7, paragraphe 1, de ne fixer ledit délai qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers, la juridiction de renvoi demande quelles sont la portée pratique et la force exécutoire d’une décision de retour qui serait privée de ladite disposition relative au délai de départ volontaire.

69 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 3, point 4, de la directive 2008/115, une « décision de retour » s’entend d’une décision ou d’un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour. Conformément à l’article 3, point 3, de cette directive, cette obligation de retour impose à la personne concernée de rentrer soit dans son pays d’origine, soit dans un pays de transit, soit dans
un autre pays tiers dans lequel elle décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel elle sera admise (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 114).

70 Il ressort dès lors du libellé même de cet article 3, point 4, que le fait d’imposer ou d’énoncer une obligation de retour constitue un des deux éléments constitutifs d’une décision de retour, une telle obligation de retour ne pouvant se concevoir, au vu du point 3 dudit article, sans l’identification d’une destination, qui doit être l’un des pays visés à ce point 3 (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU,
EU:C:2020:367, point 115).

71 Il s’ensuit que, lorsque l’autorité nationale compétente modifie le pays de destination mentionné dans une décision de retour antérieure, elle apporte une modification à ce point substantielle à cette décision de retour qu’elle doit être considérée comme ayant adopté une nouvelle décision de retour, au sens de l’article 3, point 4, de la directive 2008/115 (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU,
EU:C:2020:367, point 116).

72 En substance, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, par analogie avec la jurisprudence mentionnée aux points 69 à 71 du présent arrêt, la disposition relative au délai de départ volontaire figurant dans une décision de retour fait partie intégrante de l’obligation de retour imposée ou énoncée par cette décision, si bien qu’une illégalité entachant cette disposition aurait pour effet que ladite décision devienne nulle dans son intégralité.

73 À cet égard, il convient d’observer que la définition de la notion de « retour », figurant à l’article 3, point 3, de la directive 2008/115, fait expressément référence au caractère volontaire ou contraignant du retour. Conformément à cette définition, une obligation de retour a pour objet le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer, par obtempération volontaire ou en y étant forcé, dans un des pays mentionnés à cette disposition. Partant, la décision par laquelle l’autorité
nationale compétente se prononce sur l’octroi ou non d’un délai de départ volontaire fait partie intégrante de cette obligation.

74 En outre, il ressort du point 56 du présent arrêt qu’un recours effectif doit être garanti tant en ce qui concerne la décision d’accorder ou non un délai de départ volontaire qu’en ce qui concerne la durée de ce délai.

75 Il en résulte que, si une illégalité est constatée quant à la décision d’accorder ou non un délai de départ volontaire ou à la durée de ce délai, la décision de retour concernée doit être annulée dans son intégralité.

76 Cette interprétation est confirmée par l’objectif poursuivi par la directive 2008/115, tel que rappelé au point 47 du présent arrêt, consistant à mettre en place une politique efficace d’éloignement et de rapatriement fondée sur des normes et des garanties juridiques communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux ainsi que de leur dignité.

77 Elle est également conforme au considérant 6 de la directive 2008/115, selon lequel les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Ce considérant énonce également que, conformément aux principes généraux du droit de l’Union, les décisions prises en vertu de cette directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique de prendre en
considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. En particulier, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, le respect du principe de proportionnalité doit être assuré au cours de toutes les étapes de la procédure de retour établie par ladite directive, y compris l’étape relative à la décision de retour, dans le cadre de laquelle l’État membre concerné doit se prononcer sur l’octroi d’un délai de départ volontaire au titre de l’article 7 de la même directive (arrêt du 11 juin 2015,
Zh. et O., C‑554/13, EU:C:2015:377, point 49).

78 Partant, la notion d’« obligation de retour », en tant qu’élément constitutif d’une décision de retour, doit être appréhendée de manière à refléter l’équilibre entre l’efficacité de la politique d’éloignement et le respect des droits fondamentaux des intéressés, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 81 de ses conclusions. Toute interprétation selon laquelle la disposition relative au délai de départ volontaire figurant dans une décision de retour ne ferait pas partie intégrante de
l’obligation de retour imposée ou énoncée par cette décision reviendrait à compromettre cet équilibre et irait ainsi à l’encontre de l’objectif de la directive 2008/115.

79 Par ailleurs, il convient de relever que l’interprétation retenue au point 75 du présent arrêt n’est pas remise en cause par le fait que l’article 7, paragraphe 1, de cette directive donne aux États membres la possibilité de prévoir, dans leur législation nationale, qu’un délai de départ volontaire n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers.

80 Dans une telle hypothèse, cette disposition renseignerait sur le choix de ne pas accorder un délai de départ volontaire en raison du non-respect de la condition procédurale à laquelle est subordonnée l’appréciation relative à un tel délai. Or, l’application de ladite disposition par les autorités compétentes serait également soumise à un contrôle juridictionnel, conformément à l’article 13 de la directive 2008/115, lu à la lumière des considérants 6 et 10 de cette directive et de l’article 47 de
la Charte. Il s’ensuit, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 83 de ses conclusions, qu’une illégalité entachant la même disposition se répercuterait sur l’obligation de retour imposée ou énoncée par la décision de retour concernée et, par conséquent, sur cette décision dans son intégralité.

81 Enfin, il convient de souligner que l’annulation de la décision de retour dans son intégralité n’affecte pas l’objectif d’efficacité de la politique d’éloignement, que poursuit la directive 2008/115, dès lors que cette annulation n’implique pas nécessairement que la procédure ouverte au titre de cette directive soit reprise depuis le début (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2016, N., C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, point 75), et n’empêche pas, le cas échéant, l’autorité compétente d’adopter une
nouvelle décision de retour comportant les mesures nécessaires pour remédier à l’irrégularité constatée (voir, par analogie, arrêt du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

82 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question dans l’affaire C‑636/23 et à la seconde question dans l’affaire C‑637/23 que l’article 3, point 4, et l’article 7 de la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens que la disposition relative au délai de départ volontaire figurant dans une décision de retour fait partie intégrante de l’obligation de retour imposée ou énoncée par cette décision, de sorte que, si une illégalité est constatée quant à
cette disposition relative au délai de départ volontaire, ladite décision doit être annulée dans son intégralité.

Sur les dépens

83 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 7, paragraphe 4, l’article 8, paragraphes 1 et 2, et l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à ce que le non-octroi d’un délai de départ volontaire soit considéré comme constituant une simple mesure d’exécution ne modifiant pas la situation juridique du ressortissant concerné d’un pays tiers.

  2) L’article 13 de la directive 2008/115, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doit être interprété en ce sens que :

une décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire doit pouvoir être contestée dans le cadre d’un recours contentieux.

  3) L’article 3, point 6, et l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à ce que l’autorité nationale compétente impose une interdiction d’entrée, même après un délai considérable, sur le fondement d’une décision de retour n’accordant aucun délai de départ volontaire.

  4) L’article 3, point 4, et l’article 7 de la directive 2008/115

doivent être interprétés en ce sens que :

la disposition relative au délai de départ volontaire figurant dans une décision de retour fait partie intégrante de l’obligation de retour imposée ou énoncée par cette décision, de sorte que, si une illégalité est constatée quant à cette disposition relative au délai de départ volontaire, ladite décision doit être annulée dans son intégralité.

Arastey Sahún

Gratsias

Regan

Passer

Smulders
 
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er août 2025.

Le greffier

A. Calot Escobar

La présidente de chambre

M. L. Arastey Sahún

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( *1 ) Langues de procédure : le français et le néerlandais.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-636/23
Date de la décision : 01/08/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen et le Conseil du Contentieux des Étrangers.

Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Directive 2008/115/CE – Normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Article 3, points 4 et 6, article 7, paragraphes 1 et 4, article 8, paragraphes 1 et 2, article 11, paragraphe 1, et article 13 – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Décision de retour – Non-octroi d’un délai de départ volontaire – Interdiction d’entrée – Acte administratif susceptible de recours – Force exécutoire d’une décision de retour sans disposition relative à ce délai – Droit à un recours effectif – Décision d’interdiction d’entrée adoptée après un délai important.


Parties
Demandeurs : W
Défendeurs : Belgische Staat et X

Composition du Tribunal
Avocat général : Spielmann
Rapporteur ?: Passer

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:603

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