ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
1er août 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Article 6 – Consultations des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, et du public concerné – Participation du public au processus décisionnel – Article 6, paragraphe 3, sous b) – Portée de la notion de “principaux
rapports et avis” »
Dans l’affaire C‑461/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne), par décision du 21 juin 2024, parvenue à la Cour le 28 juin 2024, dans la procédure
Asociación Autonómica Ambiental e Cultural Petón do Lobo
contre
Dirección Xeral de Planificación Enerxética e Recursos Naturais,
Eurus Desarrollos Renovables SLU,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. E. Regan et J. Passer (rapporteur), juges,
avocat général : M. N. Emiliou,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour l’Asociación Autonómica Ambiental e Cultural Petón do Lobo, par Mme M. Díaz Amor, procuradora, et Me. R.F. García Mondelo, abogado,
– pour la Dirección Xeral de Planificación Enerxética e Recursos Naturais, par Mme S. Centeno Huerta, abogada, et M. M. Pillado Quintáns, letrado,
– pour Eurus Desarrollos Renovables SLU, par Mme M. J. Gandoy Fernández, procuradora, et Me Í. Muniozguren Martínez, abogado,
– pour le gouvernement espagnol, par Mmes A. Gavela Llopis et P. Pérez Zapico, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et P.-L. Krüger, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. M. Noll-Ehlers et N. Ruiz García, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014 (JO 2014, L 124, p. 1) (ci-après la « directive EIE »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Asociación Autonómica Ambiental e Cultural Petón do Lobo (ci-après l’« association Petón do Lobo »), association environnementale, à la Dirección Xeral de Planificación Enerxética e Recursos Naturais (direction générale de la planification énergétique et des ressources naturelles) de la Communauté autonome de Galice (Espagne) et à Eurus Desarrollos Renovables SLU au sujet du rejet du recours introduit par cette association contre
la décision d’accorder à cette société l’autorisation de construction d’un parc éolien.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 16 à 19 de la directive EIE énoncent :
« (16) La participation effective du public à la prise de décisions permet à ce dernier de formuler des avis et des préoccupations pouvant être utiles pour les décisions en question et au décideur de tenir compte de ces avis et préoccupations, ce qui favorise le respect de l’obligation de rendre des comptes et la transparence du processus décisionnel et contribue à sensibiliser le public aux problèmes de l’environnement et à obtenir qu’il apporte son soutien aux décisions prises.
(17) La participation, y compris celle des associations, organisations et groupes, et notamment des organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de la protection de l’environnement, devrait dès lors être encouragée, y compris, entre autres, par la promotion de la formation du public en matière d’environnement.
(18) La Communauté européenne a signé la convention CEE-ONU sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (ci-après dénommée “convention d’Aarhus”), le 25 juin 1998, et l’a ratifiée le 17 février 2005.
(19) La convention d’Aarhus a notamment pour objectif de garantir les droits de participation du public aux procédures décisionnelles en matière d’environnement afin de contribuer à sauvegarder le droit de tout un chacun de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être. »
4 Les considérants 31 à 33 et 36 de la directive 2014/52 sont ainsi libellés :
« (31) Il convient que le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement que le maître d’ouvrage doit présenter pour un projet comprenne une description des solutions de substitution raisonnables étudiées par le maître d’ouvrage qui sont pertinentes pour ce projet, y compris, le cas échéant, un aperçu de l’évolution probable de l’état actuel de l’environnement en l’absence de mise en œuvre du projet (scénario de référence), afin d’améliorer la qualité de la procédure d’évaluation des
incidences sur l’environnement et de permettre l’intégration des aspects environnementaux à un stade précoce de la conception du projet.
(32) Il convient que les données et les informations fournies par le maître d’ouvrage dans le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, conformément à l’annexe IV de la directive 2011/92/UE, soient complètes et de qualité suffisamment élevée. Afin d’éviter les doubles emplois lors des évaluations, les résultats d’autres évaluations réalisées en application de la législation de l’Union, telle que la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil[, du 27 juin 2001, relative
à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement ( JO 2001, L 197, p. 30)] ou la directive 2009/71/Euratom [du Conseil, du 25 juin 2009, établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires ( JO 2009, L 172, p. 18)], ou de la législation nationale devraient, s’il y a lieu et s’ils sont disponibles, être pris en compte.
(33) Il convient que les experts auxquels il est fait appel pour élaborer les rapports d’évaluation des incidences sur l’environnement soient qualifiés et compétents. Une expertise suffisante dans le domaine correspondant au projet concerné est indispensable pour les besoins de son examen par les autorités compétentes, afin de garantir que les informations fournies par le maître d’ouvrage soient complètes et d’un niveau élevé de qualité.
[...]
(36) Il convient que les États membres veillent à ce que les différentes étapes de l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets s’effectuent dans des délais raisonnables, suivant la nature, la complexité, la localisation et la dimension du projet, afin de favoriser un processus décisionnel plus efficace et d’accroître la sécurité juridique. Il importe que ces délais n’empêchent en aucun cas que des normes élevées de protection de l’environnement soient atteintes, notamment celles
découlant d’actes législatifs de l’Union en matière d’environnement autres que la présente directive; ils ne devraient pas non plus empêcher la participation effective du public et l’accès à la justice. »
5 L’article 1er de la directive EIE prévoit, à son paragraphe 2 :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
d) “public” : une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la pratique nationales, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes ;
e) “public concerné” : le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les procédures décisionnelles en matière d’environnement visées à l’article 2, paragraphe 2, ou qui a un intérêt à faire valoir dans ce cadre. Aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt ;
[...]
g) “évaluation des incidences sur l’environnement” : un processus constitué de :
i) l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement tel que visé à l’article 5, paragraphes 1 et 2 ;
ii) la réalisation de consultations telles que visées à l’article 6 et, le cas échéant, à l’article 7 ;
iii) l’examen par l’autorité compétente des informations présentées dans le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement et des éventuelles informations complémentaires fournies, au besoin, par le maître d’ouvrage conformément à l’article 5, paragraphe 3, ainsi que de toute information pertinente reçue dans le cadre des consultations en vertu des articles 6 et 7 ;
iv) la conclusion motivée de l’autorité compétente sur les incidences notables du projet sur l’environnement, tenant compte des résultats de l’examen visé au point iii) et, s’il y a lieu, de son propre examen complémentaire ; et
v) l’intégration de la conclusion motivée de l’autorité compétente dans les décisions visées à l’article 8 bis. »
6 Aux termes de l’article 3 de cette directive :
« 1. L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d’un projet sur les facteurs suivants :
a) la population et la santé humaine ;
b) la biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés [...] ;
c) les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat ;
d) les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage ;
e) l’interaction entre les facteurs visés aux points a) à d).
2. Les incidences visées au paragraphe 1 sur les facteurs y énoncés englobent les incidences susceptibles de résulter de la vulnérabilité du projet aux risques d’accidents majeurs et/ou de catastrophes pertinents pour le projet concerné. »
7 L’article 5 de ladite directive dispose :
« 1. Lorsqu’une évaluation des incidences sur l’environnement est requise, le maître d’ouvrage prépare et présente un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement. Les informations à fournir par le maître d’ouvrage comportent au minimum :
a) une description du projet comportant des informations relatives au site, à la conception, aux dimensions et aux autres caractéristiques pertinentes du projet ;
b) une description des incidences notables probables du projet sur l’environnement ;
c) une description des caractéristiques du projet et/ou des mesures envisagées pour éviter, prévenir ou réduire et, si possible, compenser les incidences négatives notables probables sur l’environnement ;
d) une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage, en fonction du projet et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, eu égard aux incidences du projet sur l’environnement ;
e) un résumé non technique des informations visées aux points a) à d) ; et
f) toute information supplémentaire précisée à l’annexe IV, en fonction des caractéristiques spécifiques d’un projet ou d’un type de projets particulier et des éléments de l’environnement sur lesquels une incidence pourrait se produire.
Si un avis est rendu en vertu du paragraphe 2, le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement est fondé sur cet avis et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises pour arriver à une conclusion motivée sur les incidences notables du projet sur l’environnement, compte tenu des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes. Pour éviter tout double emploi lors des évaluations, le maître d’ouvrage tient compte, dans l’élaboration du rapport d’évaluation des
incidences sur l’environnement, des résultats disponibles d’autres évaluations pertinentes dans le cadre de la législation de l’Union ou de la législation nationale.
2. À la demande du maître d’ouvrage, l’autorité compétente, compte tenu des informations fournies par le maître d’ouvrage en particulier sur les caractéristiques spécifiques du projet, notamment la localisation et la capacité technique, et de son incidence probable sur l’environnement, rend un avis sur le champ d’application et le niveau de détail des informations à fournir par le maître d’ouvrage dans le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, conformément au paragraphe 1 du
présent article. L’autorité compétente consulte les autorités visées à l’article 6, paragraphe 1, avant de rendre son avis.
Les États membres peuvent également exiger que les autorités compétentes rendent un avis, tel que visé au premier alinéa, que le maître d’ouvrage le requière ou non.
3. Afin de veiller à l’exhaustivité et à la qualité du rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement :
a) le maître d’ouvrage s’assure que le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement est préparé par des experts compétents ;
b) l’autorité compétente veille à disposer d’une expertise suffisante pour examiner le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, ou à avoir un accès au besoin à une telle expertise ; et
c) si nécessaire, l’autorité compétente demande au maître d’ouvrage des informations supplémentaires, conformément à l’annexe IV, qui sont directement utiles à l’élaboration de la conclusion motivée sur les incidences notables du projet sur l’environnement.
4. Les États membres s’assurent, si nécessaire, que les autorités disposant d’informations appropriées, notamment eu égard à l’article 3, mettent ces informations à la disposition du maître d’ouvrage. »
8 Aux termes de l’article 6 de la directive EIE :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d’ouvrage et sur la demande d’autorisation, en tenant compte, le cas échéant, des cas visés à l’article 8 bis, paragraphe 3. À cet effet, les États membres désignent les
autorités à consulter, d’une manière générale ou au cas par cas. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l’article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les États membres.
2. À un stade précoce des procédures décisionnelles en matière d’environnement visées à l’article 2, paragraphe 2, et au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies, les informations suivantes sont communiquées au public par des moyens électroniques et par des avis au public ou par d’autres moyens appropriés, afin d’assurer la participation effective du public concerné aux procédures de décision :
a) la demande d’autorisation ;
b) le fait que le projet fait l’objet d’une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement et que, le cas échéant, l’article 7 est applicable ;
c) les coordonnées des autorités compétentes pour prendre la décision, de celles auprès desquelles peuvent être obtenus des renseignements pertinents, de celles auxquelles des observations ou questions peuvent être adressées ainsi que des précisions sur les délais de transmission des observations ou des questions ;
d) la nature des décisions possibles ou, lorsqu’il existe, le projet de décision ;
e) une indication concernant la disponibilité des informations recueillies en vertu de l’article 5 ;
f) une indication de la date à laquelle et du lieu où les renseignements pertinents seront mis à la disposition du public et des moyens par lesquels ils le seront ;
g) les modalités précises de la participation du public prévues au titre du paragraphe 5 du présent article.
3. Les États membres veillent à ce que soient mis, dans des délais raisonnables, à la disposition du public concerné :
a) toute information recueillie en vertu de l’article 5 ;
b) conformément à la législation nationale, les principaux rapports et avis adressés à l’autorité ou aux autorités compétentes au moment où le public concerné est informé conformément au paragraphe 2 du présent article ;
c) conformément à la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement [(JO 2003, L 41, p. 26)], les informations autres que celles visées au paragraphe 2 du présent article qui sont pertinentes pour la décision en vertu de l’article 8 de la présente directive et qui ne deviennent disponibles qu’après que le public concerné a été informé conformément au paragraphe 2 du présent article.
4. À un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d’environnement visé à l’article 2, paragraphe 2, et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l’autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d’autorisation ne soit prise.
[...]
6. Des délais raisonnables sont prévus à chacune des différentes étapes afin de laisser suffisamment de temps pour :
a) informer les autorités visées au paragraphe 1 ainsi que le public ; et
b) permettre aux autorités visées au paragraphe 1 et au public concerné de se préparer et de participer effectivement au processus décisionnel en matière d’environnement en vertu des dispositions du présent article.
7. Le délai fixé pour consulter le public concerné sur le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement visé à l’article 5, paragraphe 1, ne peut être inférieur à 30 jours. »
9 L’article 7 de cette directive prévoit, à ses paragraphes 2 à 5 :
« 2. Si un État membre qui reçoit des informations conformément au paragraphe 1 indique qu’il a l’intention de participer aux procédures décisionnelles en matière d’environnement visées à l’article 2, paragraphe 2, l’État membre sur le territoire duquel il est envisagé de réaliser le projet transmet à l’État membre affecté, s’il ne l’a pas encore fait, l’information devant être transmise en vertu de l’article 6, paragraphe 2, et mise à disposition en vertu de l’article 6, paragraphe 3, points a)
et b).
3. En outre, les États membres concernés, chacun en ce qui le concerne:
a) font en sorte que les informations visées aux paragraphes 1 et 2 soient mises, dans un délai raisonnable, à la disposition des autorités visées à l’article 6, paragraphe 1, et du public concerné sur le territoire de l’État membre susceptible d’être affecté de manière notable ; et
b) veillent à ce que les autorités visées à l’article 6, paragraphe 1, et le public concerné aient la possibilité, avant que le projet ne soit autorisé, de communiquer leur avis, dans un délai raisonnable, sur les informations transmises à l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel il est envisagé de réaliser le projet.
[...]
5. Les modalités précises de mise en œuvre des paragraphes 1 à 4 du présent article, y compris la fixation de délais pour les consultations, sont déterminées par les États membres concernés, sur la base des modalités et des délais visés à l’article 6, paragraphes 5 à 7, et permettent au public concerné sur le territoire de l’État membre affecté de participer de manière effective au processus décisionnel en matière d’environnement visé à l’article 2, paragraphe 2, en ce qui concerne le projet en
question. »
Le droit espagnol
10 L’article 33, paragraphe 1, de la Ley estatal 21/2013 de evaluación ambiental (loi 21/2013 relative à l’évaluation environnementale), du 9 décembre 2013 (BOE no 296, du 11 décembre 2013, p. 98151), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi 21/2013 »), est ainsi libellé :
« L’évaluation ordinaire des incidences sur l’environnement comprend les étapes suivantes :
a) l’élaboration par le maître d’ouvrage de l’étude des incidences sur l’environnement ;
b) la soumission du projet et de l’étude des incidences sur l’environnement à l’information publique et à des consultations auprès des administrations publiques concernées et des personnes intéressées, par l’organe matériellement compétent ;
c) l’analyse technique du dossier par l’organe compétent en matière d’environnement ;
d) l’établissement de la déclaration des incidences sur l’environnement par l’organe compétent en matière d’environnement ;
e) l’intégration du contenu de la déclaration des incidences sur l’environnement dans l’autorisation du projet par l’organe matériellement compétent. »
11 L’article 35, paragraphe 1, de cette loi prévoit :
« Sans préjudice des dispositions de l’article 34, paragraphe 6, le maître d’ouvrage élabore l’étude des incidences sur l’environnement qui contient, à tout le moins, les informations suivantes, telles que précisées à l’annexe VI :
a) la description générale du projet, y compris les informations sur sa localisation, sa conception, ses dimensions et d’autres caractéristiques pertinentes du projet ; et des prévisions dans le temps concernant l’utilisation du sol et d’autres ressources naturelles. L’estimation des types et des quantités de déchets produits et des émissions de matière ou d’énergie qui en résultent ;
b) la description des différentes solutions raisonnables examinées ayant trait au projet et à ses caractéristiques spécifiques, y compris la solution “zéro” ou l’absence de réalisation du projet, ainsi qu’une justification des principales raisons sous tendant la solution adoptée, en tenant compte des incidences du projet sur l’environnement ;
c) l’identification, la description, l’analyse et, le cas échéant, la quantification des éventuelles incidences notables directes et indirectes, secondaires, cumulées et synergiques du projet sur les facteurs suivants : la population, la santé humaine, la flore, la faune, la biodiversité, la géodiversité, le sol, le sous-sol, l’air, l’eau, l’environnement marin, le climat, le changement climatique, le paysage, les biens matériels, le patrimoine culturel, et l’interaction entre tous les facteurs
susmentionnés, au cours des phases de mise en œuvre, d’exploitation et, le cas échéant, lors de la démolition ou de l’abandon du projet ;
[...]
d) il convient d’inclure soit un paragraphe spécifique comprenant l’identification, la description, l’analyse et, le cas échéant, la quantification des incidences sur les facteurs énumérés au point c), susceptibles de résulter de la vulnérabilité du projet aux risques d’accidents majeurs ou de catastrophes, sur le risque de survenance de tels accidents ou catastrophes et sur les incidences négatives notables probables sur l’environnement en cas de survenance de ces accidents ou de ces
catastrophes, soit un rapport justifiant la non-application du présent paragraphe au projet.
Afin de réaliser les études mentionnées dans le présent paragraphe, le maître d’ouvrage inclut les informations pertinentes obtenues grâce à des évaluations des risques réalisées conformément aux règles applicables au projet.
e) les mesures permettant de prévenir, de corriger et, le cas échéant, de compenser les incidences négatives notables probables sur l’environnement et le paysage ;
f) le programme de surveillance de l’environnement ;
g) un résumé non technique de l’étude des incidences sur l’environnement et des conclusions en termes aisément compréhensibles. »
12 L’article 36 de ladite loi dispose :
« 1. Le maître d’ouvrage présente le projet et l’étude des incidences sur l’environnement à l’organe matériellement compétent, qui les soumet à l’information publique pendant une période d’au moins 30 jours ouvrables à la suite d’un avis dans le Boletín Oficial del Estado [Journal officiel de l’État] ou dans le journal officiel approprié et sur son site Internet.
Cette information publique a lieu à un stade de la procédure matérielle d’autorisation du projet où toutes les options concernant la détermination du contenu, de l’étendue et de la définition du projet sont envisageables.
[...]
2. Dans l’avis d’ouverture de l’information publique, l’organe matériellement compétent ou, le cas échéant, l’organe compétent en matière d’environnement inclut un résumé de la procédure d’autorisation du projet, qui contient, à tout le moins, les informations suivantes :
a) l’indication que le projet fait l’objet d’une évaluation ordinaire des incidences sur l’environnement et que, le cas échéant, les dispositions du chapitre III de ce titre en matière de consultations transfrontalières peuvent trouver à s’appliquer ;
b) l’identification de l’organe compétent pour autoriser le projet ou, dans le cas de projets soumis à une déclaration sur l’honneur ou à une communication préalable, l’identification de l’organisme auprès duquel ladite déclaration ou communication préalable doit être présentée ; l’identification des organes auprès desquels les informations pertinentes peuvent être obtenues et ceux auprès desquels des observations peuvent être présentées, ainsi que le délai pour ce faire.
3. L’organe matériellement compétent, ou, le cas échéant, l’organe compétent en matière d’environnement, adopte les mesures nécessaires afin de garantir que les documents devant être soumis à une information publique soient diffusés aussi largement que possible auprès du public, par des moyens de communication électroniques ou autres. »
13 L’article 37 de la loi 21/2013 prévoit :
« 1. En même temps que la phase d’information publique, l’organe matériellement compétent consulte les administrations publiques concernées et les personnes intéressées sur les éventuelles incidences notables du projet, incluant l’analyse des incidences négatives notables sur l’environnement susceptibles de résulter de la vulnérabilité du projet face aux risques d’accidents majeurs ou de catastrophes ayant une incidence sur le projet.
[...]
2. L’organe matériellement compétent demande obligatoirement les rapports suivants, lesquels doivent être dûment motivés :
a) le rapport de l’organe compétent en matière d’environnement de la communauté autonome sur le territoire de laquelle le projet est situé ;
b) le rapport sur le patrimoine culturel, le cas échéant ;
c) le rapport des organes compétents en matière de planification hydrologique et de domaine public hydraulique, et en matière de qualité des eaux, le cas échéant ;
d) le rapport sur le domaine public maritimo-terrestre et, le cas échéant, les stratégies marines [...] ;
e) le rapport préliminaire de l’organe compétent en matière d’impact radiologique, le cas échéant ;
f) le rapport des organes compétents en matière de prévention et de gestion des risques résultant d’accidents graves ou de catastrophes, le cas échéant ;
g) le rapport sur la compatibilité du projet avec la planification hydrologique ou la planification relative à la Demarcación marina [zone maritime], le cas échéant ;
h) le rapport du ministère de la Défense dans le cas où le projet affecte des zones déclarées d’intérêt pour la Défense nationale et des terrains, bâtiments et installations, y compris leurs zones de protection, affectés à la Défense nationale. Le rapport est contraignant en ce qui concerne la défense nationale ;
i) le rapport des organes compétents en matière de santé publique, le cas échéant.
Dans le cadre de leurs compétences, les communautés autonomes peuvent déclarer obligatoire tout rapport autre que ceux mentionnés ci-dessus.
3. Les consultations s’effectuent au moyen d’une notification contenant, à tout le moins, les informations suivantes :
a) l’étude des incidences sur l’environnement, ou le(s) endroit(s) où elle peut être consultée ;
b) l’organe auquel les rapports et les observations doivent être transmis ;
c) tous les documents pertinents concernant le projet aux fins de l’évaluation environnementale, dont dispose l’organe matériellement compétent ;
La consultation des administrations publiques concernées et des personnes intéressées s’effectue par voie électronique, par voie d’avis ou par tout autre moyen, pour autant que la preuve de la tenue de la consultation soit fournie.
4. Les administrations publiques concernées et les personnes intéressées disposent d’un délai maximal de 30 jours ouvrables à compter de la réception de la notification pour émettre les rapports et formuler les observations qu’elles estiment pertinentes.
5. L’organe matériellement compétent met à la disposition des administrations publiques concernées et des personnes intéressées les informations autres que celles mentionnées au paragraphe 3 qui ne peuvent être obtenues qu’après l’expiration de la période d’information publique visée à l’article 36 et qui sont pertinentes aux fins de la décision relative à la mise en œuvre du projet. »
14 Aux termes de l’article 38, paragraphe 2, de la loi 21/2013 :
« Si, en conséquence de la phase d’information publique et de consultations auprès des administrations publiques concernées et des personnes intéressées, le maître d’ouvrage apporte au projet ou à l’étude des incidences sur l’environnement des modifications qui impliquent des incidences notables sur l’environnement différentes de celles initialement prévues, une nouvelle phase d’information publique et de consultations est mise en œuvre dans les conditions prévues aux articles 36 et 37, laquelle,
en tout état de cause, précède l’établissement de la déclaration des incidences sur l’environnement. »
15 Conformément à l’article 41, paragraphe 1, de la loi 21/2013, « [l]’organe compétent en matière d’environnement, une fois l’analyse technique du dossier d’évaluation des incidences sur l’environnement terminée, établit la déclaration des incidences sur l’environnement ». Selon le paragraphe 2 de cet article 41, cette déclaration doit comprendre, notamment, « [u]n résumé des résultats du processus d’information publique et des consultations avec les administrations publiques concernées et les
parties intéressées, ainsi que la manière dont ils ont été pris en considération ».
16 L’article 33 de la Ley autonómica gallega 8/2009 por la que se regula el aprovechamiento eólico en Galicia y se crean el canon eólico y el Fondo de Compensación Ambiental (loi de la Communauté autonome de Galice 8/2009 portant réglementation de l’exploitation éolienne en Galice et création de la redevance éolienne ainsi que du Fonds de compensation écologique), du 22 décembre 2009 (BOE no 30, du 4 février 2010, p. 9842), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la
« loi 8/2009 »), prévoit, à ses paragraphes 10 à 12 et 15 :
« 10. L’unité en charge du traitement [de la demande] soumet à l’information publique, simultanément, le projet de mise en œuvre et l’étude des incidences sur l’environnement dans le cas d’une évaluation environnementale ordinaire, par publication dans le “Diario Oficial de Galicia” [“Journal officiel de la communauté autonome de Galice”] ainsi que sur le site Internet du ministère régional compétent en matière d’énergie. [...]
11. Pendant le délai fixé, toute personne, entité ou organisme intéressé peut présenter toutes les observations qu’il estime opportunes ou demander l’examen du dossier et de la documentation technique, ou de la partie de cette documentation dont il est convenu. Les observations présentées sont communiquées au demandeur afin que celui-ci y réponde et transmette cette réponse à l’unité traitant [la demande] dans un délai maximal de quinze jours.
12. Simultanément à la mesure d’information publique, l’unité en charge du traitement [de la demande] procède aux mesures d’audition et de consultations des administrations publiques concernées et des personnes intéressées, en demandant, à tout le moins, les rapports obligatoires visés aux fins de l’évaluation environnementale, et en donnant aux municipalités concernées la possibilité d’être entendues. [...]
15. Les rapports et observations reçus sont transmis par l’unité procédant au traitement [de la demande] au maître d’ouvrage pour que celui-ci s’y conforme et/ou en tienne compte dans le cadre de la rédaction du projet de mise en œuvre et de l’étude des incidences sur l’environnement, afin qu’il apporte des modifications et adaptations à chacun de ces documents. Le maître d’ouvrage dispose d’un délai maximal d’un mois pour présenter les documents définitifs adaptés en vue de poursuivre la
procédure [...] »
17 L’article 34, paragraphe 1, de la loi 8/2009 dispose qu’« [u]ne fois que la procédure administrative d’autorisation a été instruite et que le demandeur a attesté de l’accès au réseau de transport ou de distribution, selon le cas, et de l’obtention d’un point de connexion à l’un de ces réseaux, la direction générale compétente en matière d’énergie rend une décision concernant l’octroi de l’autorisation administrative préalable et de l’autorisation administrative de construction du parc éolien dans
un délai maximal de deux mois à compter de la réception de la documentation complète par l’organe compétent pour statuer sur la procédure ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
18 Le 22 décembre 2017, Eurus Desarrollos Renovables SLU a sollicité, en sa qualité de maître d’ouvrage, auprès des autorités de la Communauté autonome de Galice l’octroi d’une autorisation administrative préalable et d’une autorisation administrative de construction des installations du parc éolien « A Raña III », situé sur le territoire de la commune de Mazaricos (Espagne). Sa demande était accompagnée de divers documents dont une étude des incidences du projet en cause sur l’environnement prévue
à l’article 35 de la loi 21/2013.
19 Une fois les rapports préliminaires établis, la phase d’information publique a été ouverte pour une durée de 30 jours, laquelle a donné lieu à la présentation de diverses observations.
20 Dans le même temps, les organismes compétents dans les domaines, notamment, de la forêt, de l’eau, du patrimoine naturel et culturel, du tourisme, de la santé, de l’énergie électrique et de la sécurité aérienne ont remis leurs rapports conformément à l’article 37 de la loi 21/2013.
21 Le 17 juin 2022, la Dirección Xeral de Calidade Ambiental, Sostibilidade e Cambio Climático (direction générale de la qualité de l’environnement, de la durabilité et du changement climatique) de la Communauté autonome de Galice a établi la déclaration des incidences sur l’environnement prévue à l’article 41 de la loi 21/2013.
22 Après présentation par Eurus Desarrollos Renovables de la documentation technique qui lui était demandée, la direction générale de la planification énergétique et des ressources naturelles de la Communauté autonome de Galice lui a accordé, le 30 juin 2022, les autorisations sollicitées.
23 Le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, est saisi d’un recours formé par l’association Petón do Lobo contre la décision implicite de rejet de son recours administratif visant à l’annulation de la décision du 30 juin 2022.
24 Il ressort de la décision de renvoi que, dans le cadre de son recours, cette association invoque un moyen d’annulation tiré de l’absence de soumission du projet finalement autorisé à l’information du public et fait référence, à cet égard, à un arrêt du 14 janvier 2022 de la juridiction de renvoi. Dans cet arrêt, cette dernière aurait considéré, dans une affaire analogue et sur la base de la même législation de l’État et de la communauté autonome, que, dans la mesure où cette législation omettait
de prévoir la transmission des rapports mentionnés à l’article 37 de la loi 21/2013 aux intéressés afin que ceux-ci puissent présenter leurs observations, elle violait l’exigence d’information du public prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive EIE.
25 Ledit arrêt a été infirmé par un arrêt de la Sala de lo Contencioso-Administrativo del Tribunal Supremo (chambre du contentieux administratif de la Cour suprême, Espagne), du 21 décembre 2023, au motif, notamment, que la directive EIE offrait aux États membres diverses options procédurales quant au moment auquel il convenait de procéder à l’information du public concerné et aux consultations des autorités susceptibles d’être concernées par ce projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques
en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales.
26 La juridiction de renvoi estime, cependant, que les organes qui statuent sur des demandes d’autorisation de projets ayant des effets sur l’environnement sont tenus, en vertu de l’article 6 de la directive EIE, de prendre trois mesures préalables. Les deux premières, dont l’ordre chronologique de réalisation ne serait pas fixé, consisteraient à donner au grand public la possibilité d’être entendu sur le projet et à collecter les rapports des organismes compétents dans différents domaines. La
troisième interviendrait ultérieurement et consisterait à communiquer les principaux rapports et avis de ces organismes au public concerné afin que ce dernier puisse présenter des observations avant l’adoption de la décision finale.
27 En effet, cette juridiction considère que l’obligation imposée aux États membres en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive EIE est claire, à savoir qu’ils doivent garantir que ces principaux rapports soient mis à la disposition du public concerné afin que celui-ci puisse exercer le droit, que lui confère le paragraphe 4 de cet article, de présenter, dans un délai d’au moins 30 jours, ses observations et avis avant l’adoption de la décision concernant l’évaluation des incidences du
projet en cause sur l’environnement.
28 Ladite juridiction considère que les rapports visés à l’article 37, paragraphe 2, de la loi 21/2013 relèvent de l’expression « les principaux rapports et avis » figurant à l’article 6, paragraphe 3, sous b), de la directive EIE, puisque le contenu de ces rapports a un effet direct et important sur l’évaluation des incidences d’un projet sur l’environnement, lesdits rapports fournissant des informations techniques précieuses produites par les administrations spécialisées dans les domaines
mentionnés à l’article 3 de cette directive. Des informations essentielles et pertinentes aux fins de l’appréciation d’un projet susceptible d’avoir « des incidences notables sur l’environnement », au sens de la directive EIE, découleraient, à tout le moins, du contenu des rapports visés à l’article 37, paragraphe 2, sous a) à g) et i), de la loi 21/2013.
29 Toutefois, la loi 21/2013 ne prévoirait pas de mesure postérieure à la réception de ces rapports offrant au public concerné une réelle opportunité de participer au processus d’évaluation. L’article 37, paragraphe 5, de la loi 21/2013 ne comblerait pas cette lacune, car il n’identifierait pas clairement les informations visées et il ne prévoirait, les concernant, qu’une simple « mise à disposition » et non une véritable procédure permettant de mettre en œuvre l’« habilit[ation] à adresser des
observations et des avis » reconnue au profit du public concerné par l’article 6, paragraphe 4, de la directive EIE.
30 Par conséquent, la juridiction de renvoi estime que les articles 36 à 38 de la loi 21/2013 ainsi que les articles 33 et 34 de la loi 8/2009 pourraient ne pas avoir correctement transposé les exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive EIE.
31 Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Quelle est la signification de l’expression « principaux rapports et avis » figurant à l’article 6, paragraphe 3, de la [directive EIE] ?
2) Les rapports mentionnés à l’article 37, paragraphe 2, de la loi 21/2013 doivent-ils être considérés comme inclus dans les « principaux rapports et avis » visés à l’article 6, paragraphe 3, de la [directive EIE] ?
3) Les articles 36 [à] 38 de la [loi 21/2013] et les articles 33 et 34 de la [loi 8/2009] contreviennent-ils à l’exigence imposée par l’article 6, paragraphe 3, de la [directive EIE], consistant à garantir que les principaux rapports sectoriels qui ont été rendus soient mis à la disposition du public concerné, en vue de permettre l’exercice du droit que lui confère le paragraphe 4 de cet article, en vertu duquel il peut adresser des observations et des avis et participer, dans un délai d’au moins
30 jours, au processus décisionnel relatif à la demande d’autorisation avant l’adoption de la décision en question ? »
32 Par ordonnance du président de la Cour du 10 septembre 2024, Asociación Petón do Lobo (C‑461/24, EU:C:2024:758), la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour a été rejetée. Par cette même décision, le président de la Cour a accordé à la présente affaire un traitement prioritaire, en application de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour.
Sur les questions préjudicielles
33 Par ses trois questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive EIE, et en particulier son article 6, paragraphe 3, sous b), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation d’un État membre selon laquelle, dans le cadre d’une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet soumis à cette directive, les autorités susceptibles d’être concernées par ce projet, en raison de leurs
responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, sont consultées en même temps que le public concerné, sans que ce dernier soit ensuite habilité à adresser, à l’autorité ou aux autorités compétentes pour autoriser ledit projet, ses observations et avis sur les avis donnés dans ce cadre par les autorités consultées.
34 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous g), sous ii), de la directive EIE, le processus d’évaluation des incidences sur l’environnement doit inclure « la réalisation de consultations telles que visées à l’article 6 et, le cas échéant, à l’article 7 ».
35 Conformément à l’article 6 de la directive EIE, doivent être consultés, d’une part, les autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, et, d’autre part, le public concerné.
36 Le droit de ce dernier à être consulté constitue un élément essentiel du processus d’évaluation prévu par la directive EIE.
37 En effet, ainsi que le précise le considérant 16 de la directive EIE, la participation effective du public à la prise de décisions permet à ce dernier de formuler des avis et des préoccupations pouvant être utiles pour les décisions en question et au décideur de tenir compte de ces avis et préoccupations, ce qui favorise le respect de l’obligation de rendre des comptes et la transparence du processus décisionnel et contribue à sensibiliser le public aux problèmes de l’environnement et à obtenir
qu’il apporte son soutien aux décisions prises.
38 À cette fin, l’article 6 de la directive EIE prévoit, tout d’abord, à ses paragraphes 2 et 3, qu’un ensemble d’informations relatives aux projets soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement doit être, selon le cas, communiqué au public « à un stade précoce des procédures décisionnelles [...] et au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies » ou mis à la disposition du public concerné « dans des délais raisonnables ». Cet article énonce, ensuite, à son
paragraphe 4, que, « à un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel [...] et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l’autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d’autorisation ne soit prise ». Enfin, le paragraphe 7 dudit article dispose que le délai fixé pour consulter le public concerné
sur le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement visé à l’article 5, paragraphe 1, de la directive EIE ne peut être inférieur à 30 jours.
39 Il découle de ces dispositions, d’une part, que tant la communication au public ou la mise à la disposition du public concerné des informations servant de base à la participation du public, dans le cadre du processus d’évaluation et d’autorisation des projets soumis à la directive EIE, que la possibilité donnée au public concerné d’adresser des observations et des avis sur ces informations ainsi que, plus globalement, sur le projet concerné et sur ses incidences environnementales doivent
intervenir à un stade précoce et, en tout état de cause, avant la prise d’une décision relative à l’autorisation de ce projet (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2022, Namur-Est Environnement, C‑463/20, EU:C:2022:121, points 70 et 71).
40 D’autre part, cette participation doit être effective, ce qui implique que le public concerné puisse s’exprimer non seulement de façon utile et complète sur le projet concerné ainsi que sur ses incidences environnementales, mais également à un moment où toutes les options sont envisageables (arrêt du 24 février 2022, Namur-Est Environnement, C‑463/20, EU:C:2022:121, point 72).
41 Quant à la consultation des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, l’article 6, paragraphe 1, de la directive EIE prévoit, en substance, que ces autorités doivent avoir la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d’ouvrage et sur la demande d’autorisation.
42 Cela étant, il importe de relever, en premier lieu, que l’article 6, paragraphe 1, de la directive EIE ne précise pas à quel stade du processus d’évaluation et d’autorisation des projets soumis à cette directive la consultation de ces autorités doit intervenir. Cette disposition prévoit, au contraire, que les modalités de cette consultation sont fixées par les États membres.
43 Le moment d’une telle consultation ne découle pas non plus des autres dispositions de cet article 6. En particulier, le paragraphe 6 de cette disposition se réfère aux consultations, d’une part, des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, et, d’autre part, du public concerné, sans indiquer l’ordre dans lequel ces consultations doivent avoir lieu.
44 Une telle précision ne figure pas davantage à l’article 1er, paragraphe 2, sous g), sous ii), de la directive EIE, ni d’ailleurs, s’agissant des consultations devant être réalisées, le cas échéant, dans un autre État membre susceptible d’être affecté de manière notable par un projet, à l’article 7, paragraphe 3, de cette directive.
45 En second lieu, l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la directive EIE ne mentionne pas, parmi les informations devant être communiquées au public ou mises à la disposition du public concerné, les avis formulés, au titre de cet article 6, paragraphe 1, par les autorités visées dans cette dernière disposition. De même, l’article 6, paragraphe 4, de la directive EIE ne dispose pas que le public concerné est habilité à adresser, à l’autorité ou aux autorités compétentes pour autoriser le projet, des
observations ou des avis sur les avis exprimés, au titre de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, par les autorités y visées.
46 S’agissant, plus spécifiquement, de l’article 6, paragraphe 3, sous b), de la directive EIE, qui se réfère à la mise à disposition du public concerné des « principaux rapports et avis adressés à l’autorité ou aux autorités compétentes », il convient de relever que cette disposition ne renvoie pas non plus à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, mais renvoie, au contraire, au droit des États membres.
47 Par ailleurs, si, compte tenu de l’objet de la directive EIE, la notion de « rapports et avis adressés à l’autorité ou aux autorités compétentes », figurant à l’article 6, paragraphe 3, sous b), de la directive EIE, est susceptible de couvrir tous les documents pertinents pour l’évaluation de l’impact environnemental du projet en question, dont dispose cette autorité ou ces autorités, il importe de relever que la portée de cet article 6, paragraphe 3, sous b), est limitée aux principaux rapports
et avis adressés à l’autorité ou aux autorités compétentes « au moment où le public concerné est informé conformément au paragraphe 2 du présent article ».
48 Dès lors, s’il ne peut être exclu que, conformément au droit national, les avis les plus pertinents formulés, au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive EIE, par les autorités concernées visées à cette dernière disposition, puissent, en vertu de cet article 6, paragraphe 3, sous b), devoir être communiqués au public concerné lorsque ces avis ont été adressés aux autorités compétentes au moment où ce dernier est informé, il ne peut pas être déduit non plus de cette disposition que
lesdits avis doivent, en toute hypothèse, faire partie des informations servant de base à la consultation du public concerné.
49 Ainsi, il ne découle des termes de la directive EIE ni que la consultation, au titre de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, doit avoir lieu avant celle du public concerné ni que ce dernier doit, en toute hypothèse, être habilité à adresser, à l’autorité ou aux autorités compétentes pour autoriser le projet,
des observations et des avis sur les avis formulés, au titre de cet article 6, paragraphe 1, de ladite directive, par les autorités visées dans cette disposition.
50 Partant, il est loisible aux États membres de réaliser les consultations des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, d’une part, et du public concerné, d’autre part, concomitamment et sans que ce dernier soit ensuite habilité à adresser, à l’autorité ou aux autorités compétentes pour autoriser ledit projet, ses observations et avis sur les avis donnés dans ce
cadre par les autorités consultées, comme ce fut le cas en l’occurrence.
51 Dans la mesure où les considérants 16 à 19 de la directive 2011/92 mettent en exergue l’objectif d’une participation effective du public à la prise de décisions, il convient d’ajouter qu’il découle des termes de l’article 6, paragraphes 2 et 4, et paragraphe 6, sous b), ainsi que de l’article 7, paragraphe 5, de la directive EIE que le législateur de l’Union a tenu compte de cet objectif lors de la formulation de ces articles, sans pour autant exiger expressément que les autorités susceptibles
d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales soient consultées avant le public concerné ou que ce dernier soit habilité à adresser, à l’autorité ou aux autorités compétentes pour autoriser ledit projet, ses observations et avis sur les avis donnés dans ce cadre par les autorités consultées.
52 Par ailleurs, à l’article 6, paragraphe 7, de la directive EIE, le législateur de l’Union a choisi le rapport d’évaluation visé à l’article 5 de cette directive comme le point de départ du délai d’au moins 30 jours dont doit disposer le public concerné, en toute circonstance, dans le cadre de sa consultation. Cela indique que, aux yeux de ce législateur, c’est ce rapport qui est primordial aux fins d’une participation effective du public à la prise de décisions.
53 En outre, il découle des considérants 31 à 33 de la directive 2014/52 que, par les modifications apportées à l’article 5 et à l’annexe IV de la directive 2011/92, le législateur de l’Union a veillé à ce que les données et les informations fournies par le maître d’ouvrage dans ledit rapport soient complètes et de qualité suffisamment élevée et que, à cette fin, les experts auxquels il est fait appel pour élaborer les rapports d’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet soumis à la
directive EIE soient qualifiés et compétents.
54 Il en ressort que, dans la mesure où le public concerné dispose, aux fins de sa consultation dans le cadre du processus d’évaluation et d’autorisation des projets soumis à la directive EIE, de toutes les informations visées à l’article 6, paragraphes 2 et 3, de cette directive et surtout, pendant au moins 30 jours, du rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement élaboré conformément aux exigences de l’article 5 de ladite directive ainsi que de son annexe IV, la participation du public
concerné peut être considérée comme étant effective. En revanche, il n’est pas nécessaire, à cette fin, que le public concerné soit, en toute hypothèse, habilité à s’exprimer, dans le cadre de cette consultation, également sur les avis formulés, au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive EIE, par les autorités visées dans cette dernière disposition.
55 Par ailleurs, ainsi que l’ont souligné, en substance, le gouvernement allemand et la Commission européenne dans leurs observations écrites, une solution contraire pourrait s’avérer excessivement lourde pour les administrations nationales concernées et allonger la procédure, ce qui ne serait pas compatible avec l’objectif d’un processus décisionnel efficace évoqué au considérant 36 de la directive 2014/52.
56 Cela étant, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 3, sous c), de la directive EIE impose aux États membres de mettre à la disposition du public concerné, conformément aux dispositions de la directive 2003/4, les informations pertinentes autres que celles visées à cet article 6, paragraphe 2, qui deviendraient disponibles après que le public concerné a été informé en application de cette dernière disposition.
57 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions préjudicielles que la directive EIE ne s’oppose pas à une législation d’un État membre selon laquelle, dans le cadre d’une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet soumis à cette directive, les autorités susceptibles d’être concernées par ce projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, sont consultées en
même temps que le public concerné, sans que ce dernier soit ensuite habilité à adresser, à l’autorité ou aux autorités compétentes pour autoriser ledit projet, ses observations et avis sur les avis donnés dans ce cadre par les autorités consultées.
Sur les dépens
58 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :
La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014,
doit être interprétée en ce sens que :
elle ne s’oppose pas à une législation d’un État membre selon laquelle, dans le cadre d’une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet soumis à cette directive, les autorités susceptibles d’être concernées par ce projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, sont consultées en même temps que le public concerné, sans que ce dernier soit ensuite habilité à adresser, à l’autorité ou aux
autorités compétentes pour autoriser ledit projet, ses observations et avis sur les avis donnés dans ce cadre par les autorités consultées.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.